Titre original : On the Waterfront
Lui :
Même aujourd’hui, 50 ans après, il est difficile voire impossible de regarder Sur les quais en le sortant entièrement de son contexte : quelques mois avant de tourner ce film, Elia Kazan avait spontanément donné un certain nombre de noms à la commission dirigée par Joe McCarthy. Sur les quais est incontestablement une tentative de justification de son geste puisqu’il montre un jeune docker qui, ayant pris part malgré lui à un meurtre organisé par son syndicat aux pratiques mafieuses, va aller en dénoncer les pratiques devant une commission. Tout en gardant cela à l’esprit, il faut reconnaître que Sur les quais est un film d’une puissance peu commune, porté par un Marlon Brando, remarquable en bagarreur torturé par sa conscience ; les scènes avec Eva Marie Saint ou encore sur les toits où il élève ses pigeons restent dans les esprits. La belle photographie en noir et blanc ajoute au côté social et à l’apparence authentique du film. Il est difficile d’imaginer le même impact si le film avait été en couleurs. L’intensité culmine dans la scène finale, où Marlon Brando presque christique symbolise le refus de l’injustice et de porter le joug. Malgré ses origines troubles, Sur les quais reste un film d’une force rare.
Note :
Acteurs: Marlon Brando, Eva Marie Saint, Karl Malden, Lee J. Cobb, Rod Steiger
Voir la fiche du film et la filmographie de Elia Kazan sur le site IMDB.
Voir les autres films de Elia Kazan chroniqués sur ce blog…
Remarques et anecdotes :
L’idée de départ est basée sur une série d’articles écrits par un reporter new-yorkais sur la corruption dans le monde des dockers après qu’un meurtre ait eu lieu en 1948.
Marlon Brando était réticent à tourner avec Kazan ; Frank Sinatra avait accepté avec enthousiasme le rôle. Mais le producteur, Sam Spiegel, voulait Brando. Dans sa biographie sur Kazan, Richard Schickel raconte l’astuce qu’employa le réalisateur : il fit tourner une scène avec un petit jeune de l’Actors Studio pour faire croire à Brando qu’il allait se faire souffler le rôle par un petit nouveau… Piqué au vif, Brando signa peu après. (Le petit jeune en question s’appelait Paul Newman.)
Arthur Miller, qui était au départ du projet mais s’en éloigna ensuite, écrivit une pièce « A view from the bridge » en 1955 qui est une réponse ou un contrepoint au film de Kazan. Jouée à Broadway, cette pièce a été ensuite adaptée au grand écran par Sidney Lumet en 1962 : Vu du pont. Arthur Miller fut lui-même inquiété par la maccarthisme et accusé de sympathies communistes en 1956. Il fit appel et sa condamnation fut annulée l’année suivante.
On peut ajouter que Kazan a fait ce film pour se justifier de sa lacheté dans la dénonciation devant la commission McCarthy. L’idéologie sous-jacente est nauséabonde, car elle justifie l’idée ambiante selon laquelle les syndicats sont corrompus et donc ne revendiquent rien dans l’intérêt des travailleurs. ça justifie évidemment la mise quasiment hors la loi des syndicats. Ce que fera ensuite Reagan, autre sbire d’extrême droite, et mauvais acteur de série B, au début des années 80.
Kazan a regretté sur le tard son attitude et donc son film bien sûr.
Excellent film, en dehors du propos lui-même. Par ailleurs, on ne peut pas vouloir dénoncer des comportements mafieux dans un seuls sens : si la dénonciation avait porté sur le patronat, personne ne s’en serait offusqué… certains syndicats américains étaient à l’époque fortement mafieux dans leur fonctionnement (dont celui des camionneurs). Ceci sans occulter le nuisances du Macarthisme par ailleurs (cf The Front, avec W Allen, sur ce sujet).
bonjour,
comment peut on louer ce film ? merci pour votre aide.
cdlt.