Elle :
Voilà un film terriblement émouvant dont la forme sert formidablement bien le fond, un scénario très simple dans lequel un adolescent qui tue un agent de sécurité par accident préfère taire la vérité à son entourage. Adaptée du roman de Blake Nelson, cette histoire a lieu non loin de Paranoid Park, un endroit mal famé où les amateurs de skateboard se rencontrent. Gus Van Sant a choisi de travailler avec Christopher Doyle, directeur de la photo de Wong Kar Wai qu’il admire beaucoup. Il nous fait vivre de l’intérieur la détresse qui habite ce jeune homme perdu, livré à lui-même. Il va à l’essentiel grâce à la force de l’image. Peu de dialogues et de messages démonstratifs. La caméra glisse. Il joue avec le flou et le net, les images surexposées ou sombres, les ralentis et les accélérés, les images stables ou instables, les ambiances sonores aériennes et étranges. Tout ce travail minutieux de mise en scène concourt à créer une atmosphère en apesanteur hors de la réalité. Gabe Nevins qui joue le personnage d’Alex est impassible, juvénile, angélique mais sous cette apparence faussement tranquille, se joue une véritable tragédie sur laquelle il n’a pas de prise car il n’a pas d’écoute possible avec ses amis ou sa famille en rupture.
Note :
Lui :
Un adolescent tue accidentellement un agent de sécurité et garde tout pour lui. Avec Paranoid Park, Gus Van Sant nous fait entrer dans la tête de ce jeune garçon, en proie au doute, qui ne sait que faire de cet évènement tragique et du lourd poids qu’il place sur ses épaules. Cette confusion est d’autant plus forte que cet adolescent vit comme dans une bulle, sans réelle communication avec d’autres personnes. Pour nous faire toucher du doigt cette distance avec le monde réel, Gus Van Sant filme cet adolescent souvent de très près, avec une profondeur de champ quasi nulle, emplissant son image d’un flou déroutant mais toujours esthétique. Et nous aussi, nous sommes un peu désemparés devant ce visage souvent impassible aux grands yeux ronds qui semblent toujours chercher un endroit pour s’accrocher. Une fois de plus avec ce réalisateur, la forme revêt autant d’importance que le fond. Même si le procédé peut sembler proche de celui utilisé pour Elephant, le résultat me semble ici bien plus convaincant, plus profond ; Gus Van Sant parvient à mieux intégrer la forme à son sujet. Au final, Paranoid Park est un superbe film sur les doutes de l’adolescence.
Note :
Acteurs: Gabe Nevins, Taylor Momsen, Jake Miller, Lauren McKinney
Voir la fiche du film et la filmographie de Gus Van Sant sur le site imdb.com.
Voir les autres films de Gus Van Sant chroniqués sur ce blog…
Je conseille vivement de lire le roman avant de voir le film. Les deux sont excellents. Le roman est plus riche sur le fond, il donne plus d’épaisseur aux personnages et aux tourments du personnage principal. Le film, ensuite, est une magnifique illustration de la lecture.