Titre original : Cheyenne autumn
Elle :
John Ford rend un vibrant hommage à la cause cheyenne. Il nous raconte leur fuite de la réserve contrôlée par les américains, puis leur longue marche héroïque à travers les magnifiques paysages des montagnes rocheuses. Bravant la faim et le froid, c’est un peuple sans avenir à la merci du bon vouloir des américains qui font des promesses qu’ils ne tiennent pas et s’abritent derrière leur hiérarchie. Parmi leurs alliés, deux blancs, un commandant interprété par Richard Widmark et une jeune femme qui se posent des questions et plaident leur cause auprès des autorités. Un beau plaidoyer malgré quelques longueurs.
Note :
Lui :
Ce film est l’un des rares grand western qui présentent de façon à peu près honnête le point de vue indien (sans doute John Ford a t-il voulu se racheter un peu). Il nous présente un court épisode de l’Histoire américaine où la tribu Cheyenne, lassé des promesses non tenues, a voulu s’évader de sa réserve et retourner sur ses terres natales. Les personnages sont assez bien rendus, même si on reste à un niveau de sentiments assez simples et basiques. Sur certains aspects, il fait penser à Danse avec les Loups dans le sens où il nous fait pénétrer le mode de vie des cheyennes. Bizarrement, John Ford a inséré une sorte d’intermède au beau milieu du film, une scène amusante avec James Stewart en roi de la gâchette, une scène n’ayant pas de rapport direct avec l’histoire.
Note :
Acteurs: Richard Widmark, Carroll Baker, Karl Malden
Voir la fiche du film et la filmographie de John Ford sur le site IMDB.
Voir les autres films de John Ford chroniqués sur ce blog…
Belle critique (et site vraiment incontournable que le vôtre, une « bible » pour les cinéphiles!), mais je voulais juste citer LE western culte concernant ce que vous appelez le « côté indien » : le très beau « Broken arrow » (La fleche brisée) de Delmer Daves!!!
Oui, vous avez raison : La Flèche Brisée est (hélas) assez unique dans toute l’histoire du western, montrant un peuple pacifique et qui respecte la parole donnée. Tout à fait à l’inverse de l’image classique de l’indien, donc…
Pas à s’étonner de la « scène amusante » avec James Stewart au milieu du film. Vous vous rappelez que Stewart y joue une version parodique de Wyatt Earp – LE Wyatt Earp de My Darling Clementine. Mais que vient-il faire dans cette histoire de Cheyennes poursuivis par les Blancs pour réintégrer leur réserve-prison loin de tout ? Et d’abord, quel est le premier geste de Wyatt Earp à Tombstone ? Oui, oui, c’est ça : il fout un indien dehors (Indian, get out of town and don’t come back ») et le livre au désert. Regardez bien comment, tout au long de My darling, les Indiens sont progressivement mis à la porte de la ville.
A partir de là deux doutes s’imposent :
1-Ford a-t-il vraiment attendu Cheyenne Autumn pour prendre le parti des Indiens ? Et dans le cas contraire, quel est le sens du traitement qu’il leur fait subir ?
2-Wyatt Earp est-il vraiment un héros positif ? D’ailleurs, revoyez, dans les Cheyennes, l’image de Dolorès del Rio à travers une fenêtre bordée de givre alors que les Indiens sont prisonniers d’un Allemand qui ne cesse de répéter An order is an order – on dirait une séquence sur la Shoah plutôt que sur les guerres indiennes. Et puis remarquez que, dans My darling, tourné tout de suite après la guerre, les trois premiers fils Clanton portent des noms juifs (Isaac « Ike », Phinéas « Phin » et Samuel « Sam ») alors que Le prénom de Wyatt Earp est d’origine… allemande, bien sûr !!
J’ai l’impression qu’on a pas encore bien regardé les films de Ford.
Merci pour ces intéressantes pistes de réflexion…
Il faut rappeler que « Les Cheyennes » (« Cheyenne Autumn ») est le tout dernier western de John Ford. L’ultime. Après ça, il n’y en aura plus. Et se souvenir que ce film est contemporain du premier western de Sergio Leone. Au cynisme de celui-ci, en 1964, correspond le désenchantement manifeste qu’exprime cette saga pro-indienne, en effet. N’oublions pas que peu de temps auparavant, JFK s’était fait assassiner à Dallas. Période confuse, pleine de doutes pour les Américains. N’oublions pas non plus que Ford, d’origine irlandaise, avait voté pour John Fitzgerald Kennedy, solidarité irlandaise – et catholique – oblige, alors que les préférences politiques du cinéaste le portaient à cette époque vers les Républicains. Tout comme la famille Kennedy avait manifesté sa sympathie pour les Noirs américains (et le cinéaste ne sera pas en reste avec « Le Sergent Noir »), Ford prend ici fait et cause pour une autre minorité ethnique dont il se sent proche depuis un quart de siècle au moins, celle des Indiens.
Reste que « Les Cheyennes » est bien trop long et manque de rythme. D’où l’insertion très incongrue de la séquence avec Wyatt Earp et Doc Holliday (le tandem « mannien » James Stewart-Arthur Kennedy), qui n’apporte strictement rien à la dramaturgie. En outre, on a du mal à comprendre que les principaux rôles d’Indiens aient pu être confiés à des acteurs, d’origine sud-américaine pour la plupart, comme Ricardo Montalban, Gilbert Roland, Sal Mineo, Dolores Del Rio… Erreur de distribution qui affaiblit le propos. En 1949, les Indiens que l’on voyait dans « La Charge héroïque » étaient d’authentiques Navajos. Ceci étant, je suis assez d’accord avec qui est dit un peu plus haut ; à savoir qu’il y a encore beaucoup à découvrir dans les films de John Ford.
QUELLE CHEYENNE DE VIE
Chant du cygne des westerns fordiens, cette tragique épopée, cette piste des larmes, malgré ses qualités et son sujet même inspiré une fois encore de faits réels, bien qu’on sache que la véracité en général ne préoccupait pas Ford au plus haut point – les derniers survivants indiens Cheyennes échappés de leur réserve, épisode goutte d’eau dans ce qu’il faut bien appeler le génocide indien – encore un groupe, une très longue marche de quelques 2000 km, sans nourriture, un exode, la traversée du désert, le retour à la terre ancestrale pour y mourir, l’extinction des derniers feux, la fin d’un monde face à l’explosion d’un nouveau, ce plaidoyer présenté en longue superproduction 70mm à pistes sonores stéréophoniques souffre de ce boursouflage, de séquences qui l’encombrent inutilement, même la roucoulade entre Richard Widmark le militaire non conformiste et Caroll Baker l’institutrice semble de trop. Le film aurait gagné en harmonie, concision, grandeur à ne pas lâcher sa cible première. Reste une splendide image mordorée qui colore cet automne du titre original, ce crépuscule, cette agonie de fin d’un monde avant que ne vienne l’hiver
Le sort réservé aux populations indiennes est un détail de l’Histoire (dit la voix off qui commente le film et traduit les décisions gouvernementales)
Avec ce western final (où Ford, 70 ans, malade, a laissé souvent ses assistants tourner à sa place, ce qui était déjà pas mal survenu dans le passé) s’achève la plus complète rétrospective Ford de la cinémathèque à ce jour suivie avec gourmandise et m’ayant permis quelques commentaires, juste une dizaine, associés à l’oeil sur l’écran
Si Ford a oeuvré de façon prolifique dans plusieurs « genres » tout au long de sa vie sans discontinuer (106 films dont parfois 3 films tournés la même année nous apprend sa filmo, sans compter quelques films disparus du temps du muet; j’ai vu que Lui en avait chroniqué 35, ce qui lui offre encore de beaux lendemains), c’est quand même dans le western qu’il déploie au mieux toute la gamme de son immense talent
Très bon, mais, ici également, on sent un Ford en fin de parcours.
L’homme est fatigué et son cinéma s’en ressent : longueurs, manque de rythme, transparences studios hideuses (scène du palabre final), acteurs « hispanos » peu crédibles et semble t-il dépassés par leurs rôles ( ce genre « noble sauvage » un peu ridicule qu’ils affichent en permanence !).
Une « fresque au rabais », comme dirait Lourcelles ? Non, car, malgré tout, ce film est très attachant, quoique inutilement larmoyant.
L ‘interprétation de Stéphane (cf supra ) sur les « prénoms présumés juifs » du clan Clanton montre une grande ignorance des USA : en 1878, la grande majorité des américains BLANCS est affiliée au protestantisme, ou à l’un des ses courants ; or les protestants (comme les juifs ) ont toujours donné des prénoms BIBLIQUES à leurs enfants ,car l’Ancien Testament a une part prépondérante dans leur foi , contrairement au catholicisme…
… Pas que les Américains : un roi de Bretagne du IXème siècle s’est ainsi appelé « Salomon » (Salamun : Salavun : Salaün : nom de famille actuel très répandu), ennemi juré et victorieux du Franc Charles le Chauve.
On ne compte d’ailleurs plus les Simon en Basse-Bretagne, nom du cru s’il en est et dont certains porteurs durent pourtant prouver aux Nazis, souvent en baissant pantalon, qu’ils n’étaient pas Juifs ! Entres autres exemples de patronymes tirés de l’ancien testament et répandus dans… tout le monde occidental !
Le seul prénom que les Juifs ne donneraient pas aux leurs serait d’ailleurs Christian… vous devinerez vous-même pourquoi. Quoiqu’il existe des Christian Levy… mais il n’est pas dit non plus qu’ils soient Juifs ! Bref : il faut arrêter de les voir partout : nous sommes principalement issus d’une culture judéo-chrétienne et les choses sont biens plus subtiles qu’il n’y parait de prime abord ! J’ai d’ailleurs entendu d’une bonne amie juive que j’avais une « tête de Juif » : pour que que je me sois appelé Simon, c’était à peine rassurant… ou alors elle considérait que j’étais judéo-compatible, l’ayant fréquentée « bibliquement » pendant un certain temps. Amen…
Bref : un beau film, un peu trop long, parfois maladroit… mais généreux ! Et c’est cela que je retiendrai ! Un des films favoris de… François Hollande, qui fut très marqué par son côté humaniste ! Ford, humaniste ? Certains pourfendeurs de « l’idéologie western » et de son représentant le plus symbolique doivent se sentir mal ! C’est qu’ils connaissent mal Ford, et le cinéma en général : c’est comme pour tout : les choses sont bien plus subtiles qu’il n’y parait de prime abord !