Elle :
On peut reconnaître à Peter Jackson un certain sens du spectacle, de la prouesse technique, des décors grandioses sauf que souvent, il tombe dans la démesure, fait de la surenchère pour créer l’effroi. Je me suis assez ennuyée dans ce remake de King Kong surtout sur l’île où le réalisateur a placé quantité de combats de créatures interminables parfois à la limite du ridicule tant il y a de bestioles à l’écran. Il a voulu un accostage terrifiant et des indigènes mortifères qui n’existent pas dans la version originale. Grotesque aussi la belle jeune femme qui tremble d’amour pour son beau gorille. Tout est si exagéré que ça tue l’intérêt et l’effroi qu’on devrait éprouver.
Note :
Lui :
Visiblement encore trop marqué par son Seigneur des Anneaux, Peter Jackson pêche par excès dans son adaptation de King Kong. Tout est trop appuyé, excessif : quand il recrée le New York de 1930, il ne met pas quelques voitures dans les rues, il en met des centaines et la ville devient une fourmilière informe ; quand il échoue le bateau sur l’île, il faut absolument qu’il aille d’abord taper sur tous les rochers existants. Et c’est sur l’île que ces défauts sont flagrants : les indigènes ressemblent à des Gollums et Peter Jackson transforme ce petit lopin de terre inexplorée en un insondable bestiaire dont le seul but est de fournir des combats longs, répétitifs et finalement ennuyeux.
Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que son King Kong dure 3 heures et que toute la magie et la poésie de la version de 1933 ait disparu, sacrifiée sur l’autel du spectaculaire. Ce serait encore les scènes de face à face entre King Kong et Naomi Watts qui paraissent les mieux réussies, les plus calmes en tout cas… mais là aussi Peter Jackson est allé trop loin en rendant son King Kong bêtement amoureux, presque fleur bleue. Bien entendu, on peut saluer la prouesse technique ; sur ce plan, il est vrai que le film est assez impressionnant. Il pourra sans nul doute servir de plaquette publicitaire aux logiciels d’images de synthèse. Espèrons simplement qu’il ne préfigure pas le cinéma de demain…
Note :
Acteurs: Naomi Watts, Jack Black, Adrien Brody, Thomas Kretschmann
Voir la fiche du film et la filmographie de Peter Jackson sur le site imdb.com.
Voir les autres films de Peter Jackson chroniqués sur ce blog…
Voir nos commentaire sur la version de 1933 de King Kong…
A travers la perception des trois versions de King Kong, il est indéniable de constater qu’il s’est passé quelque chose.
Anne Darrow (Fay Wray) est le calque d’une héroïne ancrée dans les normes d’un nationalisme bien pensant. Malgré la crise les esprits sont positionnés dans des règles strictes relationnelles, un visage blême, des cris stridents et une parole close sont les portes paroles de la sélection.
En ces temps, il n’y a aucun moyen de communiquer avec ce qui est différent. King Kong effraie, il est la perception sensible malgré son isolement d’un tiers monde gigantesque aux mêmes exigences universelles: S’intégrer par la puissance de sentiments offerts et demandés. La sanction en ces années 30 est irrévocable, c’est impossible et on le paie cher. A travers l’élimination de la bête c’est le constat d’une société.
Dwan (Jessica Lang) parachutée en pleine crise pétrolière est plus sensible, moins effrayée, elle ébauche quelques phrases du genre « Nous deux ça peut pas coller » ce qui la rend enfin opérationnelle dans la diction sans cris inlassablement poussés, elle a la perception d’un animal certes hors du commun mais pouvant être managé. La belle et la bête communiquent enfin.
La nouvelle Anne Darrow version 2005 (Naomi Watts) prend sérieusement les choses en main, après un cri inévitable poussé à la première vision du singe elle s’adapte, fait valoir ses droits au respect, s’imprègne peu à peu d’une protection indispensable en ces lieux surdimensionnés, Kong sombre vaincu par l’autorité d’une voix et le galbe d’un joli corps qui jongle, un regard soutenu achève enfin la bête qui devient comme morte. Une énorme main tendue soumet la belle qui vaincue par ses sens prononce des mots dictés par le réconfort d’une sécurité domptée: C’est merveilleux.
Les trois versions sont évolutives et complémentaires. Kong fait référence chaque fois à ces arguments premiers de singe amoureux, c’est la belle qui se métamorphose, elle va vers Kong, le touche, s’endort dans ses bras sans aucune peur, l’idylle avec Jack Driscoll devient pale et secondaire celui-ci s’avèrant limité par sa position de bipède cloué au sol. Kong par ses possibilités naturelles offre le vertige des hauteurs crépusculaires à une belle conquise par ces visions nouvelles.
La belle ressent, vit pleinement le moment qui passe, Kong est un nouveau paragraphe inséré dans un relationnel amoureux. Dans cette jungle meurtrière les règles de puissances sont inversées, la protection c’est la bête qui percevant enfin l’intérêt de l’autre devient corvéable pour l’éternité.