Titre original : « Qianxi manbo »
Elle :
Un très beau style novateur pour ce film taïwanais. Même directeur de la photo que dans In the Mood for Love et A la verticale de l’été. Lumières électriques colorées, écrans de télévision allumés en permanence, travellings flous sur une jeunesse sans repères, boîtes de nuit bleutées, musique techno lancinante, pratiquement pas de dialogues. Tous ces ingrédients sont martelés pour témoigner de l’incommunicabilité entre une jeune fille et son ami jaloux. Les personnages sont pris dans une nasse et perdent leur identité. Alcool, drogues, sommeil rythment des journées vides. No future. Malheureusement à force de répétitions, de lenteurs pesantes, on finit hélas par se désintéresser un peu du sort de ces jeunes gens.
Note :
Lui :
Ce film taiwanais est assez surprenant. Ce n’est pas le sujet ou le scénario qui le rend remarquable puisque le réalisateur nous décrit une génération de style “no future” avec pour seul horizon la drogue et l’alcool, une vie totalement vide, sans communication. Par contre, la forme est très personnelle et originale, avec notamment une utilisation des flous assez étonnante. Malgré cela, on peut trouver le temps un peu long tout de même…
Note :
Acteurs: Shu Qi, Jack Kao, Tuan Chun-hao
Voir la fiche du film et la filmographie de Hou Hsiao-hsien sur le site IMDB.
Voir les autres films de Hou Hsiao-hsien chroniqués sur ce blog…
Bonjour,
Dommage que vous vous soyiez un peu ennuyés. N’est-ce pas plutôt le vide des personnages, qui a rejailli sur vous ? Millenium Mambo est un film d’une richesse exceptionnelle, comme souvent chez Hou. Je vous invite, si cela vous intéresse, à lire le texte que je lui ai consacré, en deux parties, sur mon blog : http://findepartie.hautetfort.com/archive/2007/01/12/millenium-mambo-de-hou-hsiao-hsien-1.html et http://findepartie.hautetfort.com/archive/2007/01/13/millenium-mambo-de-hou-hsiao-hsien-2.html.
Cordialement.
Tombant par hasard sur ce film (que je n’ai pas vu, je l’avoue), je suis amusé de voir votre emploi à tous les deux de l’expression « no future » pour désigner une génération désabusée et sans avenir.
Cette formule peut sembler logique, sauf que cette forme anglaise renvoie par définition et forcément à la chanson des Sex Pistols, et au mouvement Punk dont elle est devenu emblématique.
Et c’est donc un… total contresens. Classique : vous n’êtes pas les seuls à le faire, loin de là. Mais ça reste un contresens.
La chanson God Save The Queen des Sex Pistols, comme d’ailleurs le mouvement Punk, n’exprimaient absolument pas un désabusement, un nihilisme ou une absence d’avenir. Ils exprimaient au contraire une révolte (très active, pas du tout désabusée !) contre le système politique en place… et en l’occurrence en Grande-Bretagne contre la monarchie.
Dans la chanson qui a popularisé cette formule, c’est la monarchie britannique qui n’a pas d’avenir. C’est une chanson anti-monarchique, sortie à l’occasion de l’anniversaire des 25 ans de l’accession d’Elisabeth II au trône d’Angleterre. Le chanteur s’adresse à la reine, et la prévient : « There’s no future for you ».
Il est très amusant (mais un peu énervant quand on connaît un peu l’engagement anarchiste très politisé et très actif du mouvement punk) de voir que tant de monde en France utilise « no future » pour exprimer un désabusement général voire une vision dépressive de l’avenir, alors que c’est juste un cri politique affirmant que la vieille monarchie britannique va devoir tomber. Ce n’est pas le chanteur ou sa génération qui n’a pas d’avenir (bien au contraire, il revendique de prendre en main activement un avenir différent), c’est juste la reine d’Angleterre.
Si l’expression « no future » a perdu son sens initial, c’est qu’elle a été victime de son succès. Et d’ailleurs, dès le départ, elle avait un sens bien plus large : s’attaquer à la royauté était s’attaquer à un système établi, ce qui lui a donné une résonance hors des frontières britanniques. Mais je dirais que c’est principalement parce qu’elle a été reprise hors contexte (et par exemple arborée sur des T-shirts) qu’elle s’est éloignée de son sens initial.
Et, comme vous le savez certainement mieux que moi, il y a deux paramètres qui peuvent faire évoluer une expression : il y a le sens que lui donne celui qui l’arbore ou s’y identifie et il y a le sens que lui donne celui qui la perçoit. Dans le cas présent, c’est le « regardant » qui semble avoir eu le dessus…
Vous semblez dire que l’expression est utilisée comme synonyme de « désabusement général » principalement en France. Cela m’étonne un peu mais c’est possible. Si je tape « no future nihilism » sous Google, j’ai pas mal de réponses mais cela ne prouve pas qu’elle soit largement utilisée ailleurs. Je ne sais que dire sur ce point…
Ah mais je suis d’accord avec vous :-), cette formule a pris un autre sens que celui que lui donnaient les Sex Pistols. Comme vous le dites très bien, une expression ou un mot voient fréquemment leur sens évoluer en fonction d’un usage.
[Et je suis bien d’accord que le sens politique dépassait la seule monarchie, les punks l’ont repris comme cri de dénonciation du système capitaliste en phase d’évolution néolibérale, c’est tout un monde qu’ils dénonçaient.]
C’est en fait un exemple assez typique de ces formules ou expressions qui ont totalement échappé à leur auteur. En soi ce n’est pas très gênant, c’est la vie. Ça peut juste être (très) gênant pour l’auteur dont l’œuvre est dès lors comprise de travers. Par exemple le mouvement punk vu comme nihiliste ou désabusé alors que c’était un mouvement très politisé et très combatif (qui considérait qu’il avait un avenir !). Par exemple Bruce Springsteen qui a souffert de voir son cri Born in the USA interprété une affirmation patriotique (et repris comme tel par les Républicains) alors que c’était au contraire une ironie, une critique cinglante des États-Unis. Par exemple Sting qui est effondré de voir que sa chanson Every breath you take est perçue comme une chanson d’amour passion, alors que c’est la dénonciation de l’obsession pathologique et dangereuse d’un harceleur !
Donc OK pour prendre acte du changement de sens, mais ça n’empêche pas de le regretter.
Et ça n’empêche pas d’essayer, parfois, de le rectifier :-). Le sens vient de l’usage, mais cet usage n’est que la somme (avec interactions complexes certes) de gens bien précis et vivants… dont moi, dont vous. Nous pouvons aussi contribuer à certains usages ou certains sens, et celui de « no future » me tient à cœur : le désabusement romantique est un peu « facile » et peu fécond, je préfère la rage punk :-).
Mais désolé, nous nous éloignons des conseils cinématographiques. La période incite à digresser…