La White Star Line, compagnie maritime britannique, connaît de graves soucis financiers à cause de la construction de son dernier navire, le Titanic. Pour faire remonter le cours de l’action, son président Bruce Ismay décide de lancer le navire à pleine vitesse pour battre le record de la traversée… Supervisé par Goebbels, Titanic est l’une des plus grosses superproductions de l’Allemagne nazie. C’est un film de propagande puisque l’Histoire est arrangée afin de présenter les anglais comme de vils spéculateurs sans morale. Seul un officier allemand, dont la présence au beau milieu de l’équipage anglais n’est que très vaguement expliquée, va tenter d’alerter sur les risques ; il est aussi le seul à montrer de l’humanisme lors du naufrage. Si l’on fait abstraction de cette propagande grossière, le film n’est pas sans qualité, loin de là. Il y a là de très belles scènes, une excellente utilisation des décors (le film fut en partie tourné sur le paquebot allemand de grand luxe Cap Arcona) et, hormis l’utilisation visible de maquettes, les scènes d’évacuation sont impressionnantes. Une fois le film achevé, Goebbels refusa qu’il soit montré au public allemand car les scènes de panique n’allaient pas remonter le moral de la population alors que le pays était bombardé presque quotidiennement par la Royal Air Force. Le film sortira cependant en France occupée et dans plusieurs pays européens. Longtemps difficile à voir, il a été restauré récemment.
Elle: –
Lui :
Acteurs: Sybille Schmitz, Hans Nielsen, Kirsten Heiberg, Ernst Fritz Fürbringer
Voir la fiche du film et la filmographie de Herbert Selpin sur le site IMDB.
Remarques :
* Pendant le tournage, de fortes tensions entre le réalisateur Herbert Selpin et le scénariste Walter Zerlett-Olfenius se développèrent. Lors d’une dispute, Selpin eut des propos désobligeants envers l’armée allemande et le scénariste le dénonça à la Gestapo qui l’arrêta. Après avoir été questionné par Goebbels, Herbert Selpin fut retrouvé « suicidé » dans sa cellule. Le tournage fut terminé par Werner Klingler.
* Tout l’argument développé dans le film est faux puisque le Titanic ne pouvait pas techniquement atteindre la vitesse de 27 nœuds nécessaire pour battre le record alors détenu par le Mauretania. Le président Bruce Ismay n’a par ailleurs aucunement cherché à influer sur la vitesse du navire. Et, bien entendu, aucun officier allemand n’appartenait à l’état-major.
* Le film sortit brièvement fin 1949 en Allemagne mais fut rapidement retiré des salles de RFA à la demande des britanniques. En revanche, il eut beaucoup de succès en RDA. Doublé en russe par les soviétiques, il fit également carrière en URSS, beaucoup de spectateurs pensant qu’il s’agissait d’un film soviétique.
* Considéré comme prise de guerre par les Alliés, certaines scènes du film furent réutilisées dans Atlantique, latitude 41° (A Night to Remember) du britannique Roy Ward Baker, sorti en 1958.
* Le paquebot Cap Arcona, qui a servi pour le tournage, connaitra un destin tragique à la fin de la guerre. Il sera le théâtre d’une tragédie absolument épouvantable : lire sur Wikipedia…
Kirsten Heiberg et Ernst Fritz Fürbringer dans Titanic de Herbert Selpin.
La ballroom du Titanic dans Titanic de Herbert Selpin.
La même ballroom pendant le naufrage dans Titanic de Herbert Selpin.
Bruce ISMAY… hum, hum… patronyme britannique à tendance lévite, non ? Allemagne, 1943, tout ça, tout ça…
Bref : n’y trouve t-on pas autant, voire davantage d’antisémitisme que d’anglophobie, dans ce film ?
Je dirais qu’en apparence, c’est l’anglophobie qui domine et la haine des grands capitalistes et des nantis. Dans une logique très populiste, le film les montre nettement comme des affreux qui tirent les ficelles, uniquement motivés par l’appât du gain. La référence aux juifs n’est pas explicite mais elle est bien entendu sous-entendue. Ismay est le vrai nom du directeur de la ligne, j’ignore s’il était juif ou pas.
A ce propos : il y a dans le film un couple (pauvre et germanique) qui se sacrifie, préférant mourir plutôt que de se séparer. De toute évidence, il est censé symboliser la noblesse d’âme des aryens. Or, ce couple est basé sur un couple réel, les Straus. Isidor et Ida Straus étaient, comble de l’ironie, juifs.