Titre original : Good Morning Babilonia
Artisans de génie spécialisés dans la restauration d’églises et de monuments, les deux frères Andrea et Nicola quittent leur Italie natale dans les années dix pour aller tenter leur chance en Amérique. Après une période difficile, ils réussissent finalement à se faire embaucher comme décorateurs par D.W. Griffith pour son nouveau film Intolérance… Les frères Taviani mêlent fiction et réalité dans cette fable qui aborde plusieurs thèmes assez différents : l’émigration vers le rêve américain, les pionniers du cinéma, la notion de créateur, l’importance des traditions et de la transmission du savoir-faire (et même du patriarcat), la mémoire, l’absurdité de la guerre. C’est sans doute beaucoup pour un seul film. Pour l’amateur de films muets, Good morning Babylon est assez fascinant par sa récréation de l’Hollywood des années dix et des toutes premières grandes productions. Charles Dance fait un Griffith très crédible. En revanche, le décor grandiose d’Intolérance (reconstitué avec des toiles peintes) n’a vraiment aucune ampleur (1). Pour le reste, Good morning Babylon sait faire preuve de lyrisme et la photographie est très belle.
Elle:
Lui :
Acteurs: Vincent Spano, Joaquim de Almeida, Greta Scacchi, Charles Dance
Voir la fiche du film et la filmographie de Paolo Taviani et Vittorio Taviani sur le site IMDB.
Voir les livres sur les Frères Taviani…
Remarques :
* La façade sur laquelle travaillent les artisans au début du film est celle de la cathédrale de Pise, Place des Miracles.
* Cabiria, le film de Giovanni Pastrone que visionne Griffith, est sorti en 1914. Par ses décors grandioses, son authenticité, ses mouvements de camera (c’est le premier film avec des travelings), Cabiria a influencé Griffith et d’autres réalisateurs. Cabiria a connu un immense succès aux Etats-Unis.
(1) A la décharge des Frères Taviani, il faut reconnaitre que l’immense décor d’Intolérance était impossible à recréer. Aujourd’hui, on pourrait faire appel aux images de synthèse mais en 1987, ce n’est pas vraiment possible.
Vous semblez entrevoir les défauts de ce film sans qu’ils vous dérangent: un esthétisme limite lourdingue et un lyrisme carrément pesant. J’avais ressenti la même gêne avec la Nuit de San Lorenzo: une prétention à un cinéma de qualité qui tourne à vide. Les années 80 ont été un calvaire pour le cinéma italien, à cause de la concurrence de la télévision selon certains (explication tout de même un peu courte finalement, dénoncer sa vulgarité est vite devenu un poncif). On dirait que le cinéma des frères Taviani de cette époque est une réaction à ce phénomène, ce qui a probablement, vu la « légèreté » du résultat, contribué à accentuer le désastre (vider les salles de la péninsule). La multiplication des thèmes abordés, « sans doute beaucoup pour un seul film », témoigne de ce désarroi. Et c’est plutôt avec tristesse qu’on assiste à cette impuissance, feux éteints de l’âge d’or. Une nostalgie qui explique peut-être (là, je m’avance…) vos très surestimées quatre étoiles.
Dans une même veine, on aura droit au cabotinage pathétique (a posteriori) de Philippe Noiret dans le racoleur Cinema Paradiso.
Tous ces films évoquent surtout des faire-parts de décès. Un seul aurait suffi.
Amitiés.
Comme j’ai tenté de l’exprimer, je dois avouer que si j’ai tant apprécié ce film des Frères Taviani, c’est avant tout pour cette re-création de l’univers du cinéma muet des années 10. Ce n’est pas par nostalgie… je m’intéresse au cinéma muet car c’est un art qui n’existe et qui n’existera plus. De plus, quand on parle du cinéma muet des années 10, c’est en premier le côté « pionnier » qui est fascinant (l’esthétisme si enthousiasmant du cinéma muet appartient plus à la décennie suivante). Mais on peut s’intéresser à tout cela sans en être nostalgique.
Je vous trouve plutôt sévère en parlant de « prétention à un cinéma de qualité qui tourne à vide ». C’est un film qui n’est certes pas sans défaut, un peu fourre-tout, mais le présenter comme symptomatique du déclin du cinéma italien me semble aller un peu loin… 😉
Ce qui est plutôt maladroit dans ce film, c’est le parallèle avec le film de Griffith : Intélorance était (est) un film contre l’intolérance qui mène à la guerre. Les Taviani ont voulu en écho rattacher un propos antimilitariste à leur film : si l’on est bienveillant, on peut dire qu’ils le font avec la simplicité de propos que pouvait avoir le cinéma des années 10, sinon on peut trouver tout ce passage franchement raté. Personnellement, je le trouve seulement maladroit.
J’ai le souvenir d’un film ambitieux intellectuellement et plastiquement et passionnant en ce qui concerne la matière cinématographique. Le titre renvoie à cette nouvelle Babylone que représente la naissance d’Hollywood autant qu’à l’épisode biblique d’Intolérance intitulé « La chute de Babylone ». Naissance et déclin d’un monde nouveau et ancien. Il rappelle ce que le cinéma américain doit au cinéma italien d’alors et à ses artistes artisans. Les frères Taviani – qui mettent en scène deux frères comme héros de leur film – ont une mémoire d’éléphant