Lui :
Jean Cocteau transpose le mythe d’Orphée à l’époque actuelle, transposition qu’il faut plutôt voir comme une interprétation très personnelle de cette légende grecque. Dans un quartier genre Saint-Germain des Prés, Orphée est ainsi un poète à succès méprisé par la jeunesse. Il va faire connaissance avec La Mort, sous les traits d’une jeune femme qui va le fasciner et dont il va tomber amoureux. Il est indéniable que Jean Cocteau s’identifie à Orphée (ce sera encore plus net dans le film Le Testament d’Orphée, dix ans plus tard).
Cinématographiquement, Orphée se distingue par son inventivité et certaines libertés que Cocteau prend dix ans avant la Nouvelle Vague. Il utilise avec parcimonie certains trucages pour créer des effets surréalistes assez réussis. Le texte est beau et les acteurs l’interprètent avec la bonne mesure, sans mettre trop d’emphase. Maria Casarès incarne une Mort troublante et fascinante que les effets d’éclairages rendent plus envoûtante encore. Le film reste très facile d’accès, il suffit de se laisser gagner par lui. Malgré son positionnement marqué dans le temps, il apparaît aujourd’hui assez intemporel.
Note :
Acteurs: Jean Marais, François Périer, María Casares, Marie Déa, Juliette Gréco, Edouard Dermithe
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Cocteau sur le site IMDB.
Voir les autres films de Jean Cocteau chroniqués sur ce blog…
Remarques :
1) Jean Cocteau avait déjà adapté Orphée en pièce de théâtre en 1925, adaptation un peu plus proche de la légende grecque mais déjà très personnelle.
2) Les scènes situées dans le Royaume des Morts ont été tournées dans les ruines de Saint-Cyr (bombardé pendant la guerre).
3) Les dessins du générique sont de Cocteau lui-même, tout comme la voix off.
4) En plus de Juliette Gréco (qui joue Aglaonice, l’amie d’Eurydice), on peut remarquer la présence dans des petits rôles non crédités au générique de Jean-Pierre Melville (le directeur de l’hôtel), de Jean-Pierre Mocky (l’un des jeunes fauteurs de trouble), de Jacques Doniol-Valcroze, futur réalisateur et fondateur des Cahiers du Cinéma (l’un des jeunes au café).
5) Voici comment Cocteau parle de son film : « Orphée est un film qui ne peut exister que sur l’écran. J’ai essayé d’y employer le cinématographe non comme un stylographe mais comme de l’encre. J’y mène plusieurs mythes de front et je les entrecroise. Drame du visible et d’invisible. La Mort d’Orphée se trouve dans la situation d’une espionne. Elle se condamne elle-même au bénéfice de l’homme qu’elle doit perdre. L’homme est sauvé, La Mort meurt, c’est le mythe de l’immortalité. »
Autres adaptations du mythe d’Orphée au cinéma :
Orfeu negro (Orphée noir) film franco-brésilien de Marcel Camus (1959)
Parking de Jacques Demy (1985) avec Francis Huster
Bonjour.
C’est amusant que vous parliez de ce film, car j’ai justement vu il y a deux mois environ Parking, de Jacques Demy. Et puisque Jean Marais y tient le rôle d’Hadès, j’avais envie de voir cet Orphée signé Cocteau, et tourné 35 ans (!) plus tôt.
Apparemment, il vous a beaucoup plu. Il ne m’en fait que plus envie !
Et vous, vous avez vu le Demy ?
J’ai un souvenir de Parking trop faible pour pouvoir en parler mais hum… je me souviens que je n’avais pas trop aimé. Je me souviens aussi de Francis Huster en Keith Richards. 🙂 Le traitement était bien différent, ce qui est toutefois logique avec ce genre de sujet.
Il faudrait certainement que je le revoie…
Mon mari avait 11 ans lors du tournage ,il habitait en face de l’École militaire en ruines et ça l’avait impressionné.
Nul doute que pour un enfant de 11 ans, ce devait être un spectacle impressionnant et marquant…