Titre original : « The Band Wagon »
Lui :
Tous en scène peut être vu comme l’apothéose d’un genre, la comédie musicale. Vincente Minnelli y fait l’apologie du spectacle en tant que divertissement (That’s entertainment, « le monde est une scène, la scène est un monde de divertissement ») et se moque gentiment d’une certaine intellectualisation à Broadway (1). Le film reprend le titre et les morceaux d’une comédie musicale de Broadway de 1931 dans laquelle jouait déjà Fred Astaire. Vincente Minnelli y ajoute une histoire, celle du montage d’un show qui, trop prétentieux, sera d’abord un bide complet avant de revenir à plus de simplicité pour rencontrer le succès. Vincente Minnelli s’appuie sur les caractères de ses deux principaux acteurs pour asseoir leur personnage : Fred Astaire a plus de cinquante ans quand il interprète cet acteur qui cherche à renouer avec le succès et Cyd Charisse a effectivement été danseuse classique avant de devenir actrice. Tous en scène comporte de nombreux ballets ou morceaux chantés qui sont passés dans la légende ; on peut citer la chanson That’s entertainment, l’hilarant The triplets où les acteurs jouent (à genoux) trois bambins dans leurs chaises d’enfant ou encore le très célèbre ballet final de treize minutes Girl Hunt, fortement mis en scène et qui mêle intrigue policière, onirisme et une très forte sensualité (2). Toutefois, le plus beau, le plus gracieux, le plus émouvant est probablement Dancing in the Dark où Cyd Charisse et Fred Astaire, tous deux vêtus de blanc, marchent dans Central Park ; d’abord assez distants, ils esquissent quelques pas de danse qui évoluent en une gracieuse chorégraphie toute empreinte de complicité. C’est l’un de ces instants magiques que nous offre parfois le cinéma.
Note :
Acteurs: Fred Astaire, Cyd Charisse, Oscar Levant, Nanette Fabray, Jack Buchanan
Voir la fiche du film et la filmographie de Vincente Minnelli sur le site IMDB.
Voir les autres films de Vincente Minnelli chroniqués sur ce blog…
(1) Il est toutefois un peu paradoxal que la pièce maîtresse du film de Minnelli soit finalement un ballet fortement scénarisé et intellectualisé : Girl Hunt. A l’opposé, le numéro musical le plus traditionnel, Louisiana Hayride avec ses cow-boys dansant au milieu des bottes de foin, est le seul moment terne et ennuyeux du film.
(2) Dans un documentaire de 1994 That’s entertainment III, la MGM a montré pour la première fois une scène coupée du ballet final de Tous en scène : Two-faced woman, morceau dansé et chanté où Cyd Charisse était doublée par la chanteuse India Adams. Le morceau chanté fut finalement utilisé tel quel dans le film Torch Song de Charles Walters (1953) où Joan Crawford a mimé les paroles. Cette scène coupée est maintenant visible sur la version DVD de Tous en scène.
Indubitablement le sommet de la comédie musicale avec Chantons sous la Pluie. Si ce dernier est plus connu, avec son numéro phare de G Kelly bondissant dans les flaques d’eau, Bandwagon est un film plus homogène à mon sens, et plus « intellectuel », une réflexion sur le monde du spectacle, de « l’entertainment ». En prime, y a plus de numéros avec la sublissime, l’incomparable, la fabuleuse, l’incroyable Cyd Charisse ! Elle montre dans « Girl Hunt » l’étendue de ses jambes et de son talent, sans compter l’excellente alchimie avec F Astaire. Quand elle apparait dans cette robe rouge étourdissante dans la séquence du cabaret, wouah !!! lol
Le numéro dancing in the dark est effectivement très différent, sans doute le plus beau pas de deux entre les deux danseurs, même s’ils feront encore des étincelles dans Silk Stockings de R. Mamoulian.
A noter que les scénaristes de Bandwagon sont ceux de Chantons sous la Pluie (excusez du peu), et qu’ils ont mis des éléments réels dans le film : l’inquiétude de F Astaire quand à la taille de sa partenaire par ex, la caricature du Producteur-Acteur-Directeur- à la José Ferrer, l’accueil de Astaire par le couple de scénariste à la gare, etc.
Curieusement, et malgré la participation d’un grand nombre de grands noms du ‘musical’ (Astaire, Charisse, Minelli, mais aussi, effectivement, les scénaristes – entre autres ! – de ‘Singin’ in the Rain’ Adolph Green et Betty Comden), je n’ai jamais complètement apprécié ce film, qui compte de grandes séquences mais que je trouve moins emballant (ce qui est éminemment subjectif) et, justement, moins homogène que « Singin’ in the Rain », dont aujourd’hui encore, après peut-être dix ou vingt visions, je ne peux m’empêcher d’apprécier l’entrain et l’enthousiasme.
Et, curieusement encore, je trouve que le scénario en est justement plus intéressant et plus travaillé (la description de la transition du muet au parlant).
Mais peu importe, et la comparaison n’est en définitive pas la meilleure façon d’apprécier les films – et ce ‘Band Wagon’ demeure intéressant en lui-même et à plus d’un titre.
Il est certain que Singing in the Rain, sorti un an plus tôt, est probablement le seul film qui puisse vraiment être comparé à The Band Wagon : ils sont tous les deux de la même trempe, deux sommets de la comédie musicale.
Le pas de deux de dancing in the dark n’est pas seulement le plus beau de la comédie musicale américaine, c’est aussi une des plus belles mélodies du genre, avec une orchestration subtile.
Singin’ in the rain est plus populaire, plus dans l’histoire d’amour simple et directe.
Je préfère the bandwagon, pour la finesse de fred et les regards de cyd (elle n’a pas que des jambes…)