Elle :
Un scénario complexe, une mise en scène élaborée, une musique contemporaine oppressante, intrigante et des personnages qui vivant sous le poids du passé ne parviennent pas à s’en échapper. C’est ainsi que se retrouvent à Boulogne, bien des années après leur séparation pendant la guerre, deux anciens amants Alphonse et Hélène. Autre guerre, celle du beau fils d’Hélène qui revient d’Algérie, hanté par le souvenir de Muriel qui fut torturé. Ces trois personnages tentent de se souvenir, de garder des traces du passé pour comprendre et combler des vides non vécus. La mémoire tue le présent et empêche de se projeter dans l’avenir. Des personnages secondaires mystérieux croisent leur vie ; Alain Resnais sait entretenir l’ambiguïté.
Note :
Lui :
Une jeune veuve, antiquaire à Boulogne sur Mer qui vit seule avec son beau-fils, désire revoir le grand amour de ses seize ans. Il arrive par le train avec sa jeune nièce pour quelques jours. Muriel ou le temps d’un retour est le fruit de la collaboration entre Alain Resnais et l’écrivain Jean Cayrol qui en a écrit le scénario. C’est un film sur le poids des souvenirs qui viennent entraver le présent, souvenirs d’occasions manquées, souvenirs sources de rancœur ou même de terreur dans le cas du fils. Jean Cayrol le décrit ainsi : « C’est un essai de réhabilitation de l’homme au cœur de ses épreuves. Ce film veut témoigner que jamais rien n’est pire. L’histoire vraie peut commencer à la fin du film. » La banalité a une certaine importance, banalité des personnages accentué par la place laissé au quotidien. Alain Resnais filme cela en amplifiant les décalages (montage par flashes, décalage de la bande son, déstructuration du montage dans certaines discussions) et l’étrange (musique, gros plans sur le fils). Plus que jamais, le cinéaste agit par contrepoints sonores et visuels. Très belle interprétation de Delphine Seyrig.
Note :
Acteurs: Delphine Seyrig, Jean-Pierre Kérien, Nita Klein, Jean-Baptiste Thiérrée
Voir la fiche du film et la filmographie de Alain Resnais sur le site IMDB.
Voir les autres films de Alain Resnais chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Alain Resnais…
Remarques :
* Jean Cayrol avait déjà collaboré avec Alain Resnais en écrivant le commentaire du court-métrage Nuit et Brouillard.
* Muriel ou le temps d’un retour est le premier film à parler (même si c’est indirectement) de la guerre d’Algérie en laissant comprendre que des tortures ont eu lieu.
Vu il y a 25 ans à la Cinémathèque, un des très rares films pour lequel je peux dire que je me suis ennuyé, alors qu’à l’époque d’autres Resnais m’enthousiasmaient : « La guerre est finie », « Stavisky », « Providence », « Mélo » (et même « Marienbad » !) et surtout, surtout : « l’Amour à mort ».
Mais guère de souvenirs pour justifier ce souvenir, ce qui ne manque pas de sel au regard du thème du film 🙂
En revanche, sur le thème du souvenir tendance salle de ventes, un film que j’ai vu 6 fois à la même époque (je disposais d’une copie et d’un projecteur 16mm) : « Jamais plus toujours » de Yannick Bellon, un petit bijou de finesse, avec une des plus belles partitions de Delerue.
Je ne risque pas de m’aligner sur l’érudition de Fourvin… 😉
Non, d’Alain Resnais, je crois n’avoir vu que « On connaît la chanson » et « Coeurs », que j’ai très modérément appréciés. Je me suis de nouveau intéressé à sa filmographie à l’occasion du dernier festival de Cannes. En attendant la sortie de son prochain film, présenté alors, je ne sais pas si j’aurai l’occasion d’en voir un autre.
En tout cas, je ne suis pas opposé à l’idée de redonner sa chance à ce vieux monsieur. Rien que pour ça, d’ailleurs, je le trouve fascinant.
J’ai moi aussi beaucoup aimé L’amour à mort. C’est le genre de film qui marque, je m’en souviens très bien alors que je ne l’ai vu qu’une fois et il y a 20 ans… J’ai aussi beaucoup aimé Providence et Mon Oncle d’Amerique (basé sur les écrits de Laborit)…
Il faut savoir que les films de Resnais peuvent être assez différents les uns des autres sur le fond, car il travaille avec des écrivains qui écrivent les scénarios de ses films. Par exemple, bien que Marienbad et Muriel se suivent d’assez près, ils sont assez différents.
Ah, les projecteurs 16mm… Je n’en avais pas un chez moi, mais j’ai manié celui du ciné-club de mon lycée. Sinon, je ne pense pas avoir vu Jamais Plus Toujours…
Je n’ai pas revu Muriel depuis 1964, j’étais étudiant. J’avais été bouleversé, dérangé, perturbé, je n’avais rien compris et senti tant de choses ; je voulais revoir le film. Avec la bande nous étions au café je ne parvenais pas à me mêler à la conversation, je me suis tu et je n’attendais de revoir les scènes que d’entendre encore ces voix mal posées. On n’imagine pas aujourd’hui combien dénoncer la torture a pu être violent et comme la découverte des mécanismes de mémoire nous passionnait… Après avoir vu hier soir « Hiroshima, mon amour », j’ai cherché des traces de « Muriel » dont les images me hantaient, surgies du fond de ces 46 ans. Quelques secondes ont suffit à restituer tout le film et le choc d’émotion de mes vingt ans. La diction, la haine, le décalage dans le jeu, cette façon de raconter plus par ce qu’on éprouve à notre insu que par les explications ou la démonstration. Les films de Resnais comme le dit Martin K dépendent beaucoup des créateurs associés : on en est deux fois plus dérangé : le monde deux fois dévoilé