2 octobre 2008

L’homme qui tua Liberty Valance (1961) de John Ford

Titre original : The man who shot Liberty Valance

L’homme qui tua Liberty ValanceElle :
(pas vu)

Lui :
Avec L’homme qui tua Liberty Valance, John Ford nous plonge une fois de plus dans une période charnière de l’Histoire, le moment où la loi des armes s’efface : la naissance de la démocratie. La pensée de John Ford a trop souvent été réduite à la phrase qu’il fait prononcer à un journaliste « Quand la légende dépasse la réalité, c’est la légende que l’on publie » mais, en fait, Ford nous montre autant la réalité que la légende. L’homme qui tua Liberty ValanceL’homme qui tua Liberty Valance s’inscrit parmi les tous derniers films de John Ford et le réalisateur y montre tout son talent pour faire un récit vif, très rythmé, intense et riche. James Stewart et John Wayne livrent chacun une des interprétations les plus enthousiasmantes de toute leur carrière. Le film est en noir et blanc, tourné entièrement en studio, donc assez en dehors des normes du début des années 60. D’être confiné à quelques lieux n’enlève rien de sa force, bien au contraire et L’homme qui tua Liberty Valance est l’un des films les plus fascinant de toute l’histoire du cinéma.
Note : 5 étoiles

Acteurs: James Stewart, John Wayne, Vera Miles, Lee Marvin, Edmond O’Brien
Voir la fiche du film et la filmographie de John Ford sur le site IMDB.

Voir les autres films de John Ford chroniqués sur ce blog…

5 réflexions sur « L’homme qui tua Liberty Valance (1961) de John Ford »

  1. Une page se tourne dans l’ouest. Avocats et meetings politiques ensevelissent lentement les procédures rudimentaires d’une bourgade ne fonctionnant qu’au pétard dégainé à la seconde.

    Deux emblèmes vieillots ne faisant que se toiser dans un rapport de forces perpétuels subissent une mise au placard par de nouvelles approches basées sur le respect de la loi.

    La femme lassée du gros bras bascule logiquement vers le cérébral. Dorénavant c’est l’esprit qui se courtise et se protège. La force physique tournant en boucle ne fait plus rêver.

    L’intellect s’empare du pouvoir avec l’approbation du sexe faible ne supportant plus une bestialité de terroir.

    Dolly sécurisée sans étincelles par la puissance tranquille d’un protecteur sur de lui préfère se fragiliser en offrant son soutien à un être chétif presque efféminé mais verbalement courageux.

    Le costume cravate remplace le foulard masquant la moitié d’un visage. Rapines et passages à tabacs sont éradiqués par un discours neuf. La contrée est évangélisée, purifiée lentement de ses usages primaires.

    John Ford signe un western brillant, humain, L’homme afin d’assurer sa longévité change de cap en opérant un passage de témoin entre ce qui n’a plus de raison d’être et ce qui est plein d’espoir.

    Le droit de s’exprimer et de vivre empiète enfin ces terres ne fonctionnant qu’a la gâchette.

    Liberty Valance abattu presque lâchement par un justicier n’ayant pas besoin de se cacher est la scène pic de cette œuvre de transition entre deux courants.

    Un cow boy inconsciemment lucide que le monde doit changer s’efface discrètement en tendant la perche à un représentant d’idées neuves brillant sur le terrain d’une bravoure validée par la providence d’un quiproquo.

    Un produit démodé quitte la scène en laissant la place à l’enthousiasme d’un nouveau verbe débité par un héros fabriqué dans une fausse légende lui servant de piédestal.

  2. je suis assez étonné de lire que la dame n’a pas encore vu ce film. Tout ce que je pourrais ajouter c’est que, dans ce film, Ford est fidèle à la réputation et au style qu’on lui connait bien que ce film soit tourné en studio cela n’enlève rien à la magie qu’il dégage , bien sur john wayne et james stewart y sont pour quelque chose mais lee marvin n’ y est pas comme figurant il tient là un rôle très difficile surtout devant des géants . Ford est connu pour etre difficile lorsqu’il tourne, mais à chaque fois ou prsque il nous pond un bijou. je conseille à « elle » de voir ce film.

  3. RESONANCES
    J’étais pré ado lorsque j’ai vu ce film au cinéma Paramount et pour moi en John Ford résonnait un nom du passé, dépassé, une légende du cinéma liée au western, genre moribond, je ne pensais pas qu’il tournait encore, c’est donc le premier Ford que j’ai vu de notre vivant à tous deux au cinéma. J’allais voir un western et c’en n’était pas un comme dans mes souvenirs d’enfance, ça prenait son temps, pas de chevauchée fantastique, de poursuite infernale, de massacres indiens, de charges de cavalerie, de souffle et d’épopée romanesques, d’idylle romantique reléguée au second plan, même pas de couleurs, une longue ouverture mélancolique suivie d’un long flash-back traditionnel pour raconter, expliquer, démêler les fils du récit et un mystère révélé par un flash-back dans le flash-back (seule surprise aujourd’hui éventée du film), une étude passionnante de comportements, à travers l’affrontement de deux stars du genre : Wayne le macho et Stewart l’intello. Je ne me rendais même pas compte que les deux stars en question, tous deux 55 ans à l’époque, avaient depuis longtemps dépassé l’âge de leurs rôles (censés être jeunes dans le récit, l’un fraichement diplômé après ses études de droit et l’autre, cow-boy pionnier et amoureux à la gâchette facile), ce qui saute d’évidence à la figure aujourd’hui en revoyant le film 55 ans après cette vision au Paramount. Mais je suppose que la plupart des spectateurs passe outre cette aberration de casting tant le plaisir de voir se confronter les deux géants, l’homme d’action solitaire face au citoyen responsable au service de tous, est immense. Celui qui est parfaitement choisi est Liberty Valance / Lee Marvin, encore impressionnant aujourd’hui. Ils sont tous dans la note. L’ensemble, filmé et joué simplement, en ligne claire, en force tranquille, comme presque toujours chez Ford, ce qui n’empêche pas le film d’être empli, comme souvent, d’arrière-plans complexes et passionnants.
    Une séquence entre particulièrement en résonance suite aux évènements que nous venons de subir à Paris en ce mois de janvier 2015, celle de la mise à sac du journal local – le Shinbone star- de son imprimerie et de son directeur-rédacteur laissé pour mort par Valance et ses sbires dans leur « attentat » (c’est à dire leur façon de rendre leur justice) parce que le journaliste (après un discours sur la liberté de la presse) avait osé rendre compte dans ses colonnes des méfaits et déboires de Valance.

  4. Le décalage entre l’âge du rôle et l’âge de l’acteur ne m’a pas gêné concernant James Stewart, qui arrive à « faire jeune » (je ne m’étais même pas aperçu qu’il n’avait pas l’âge du rôle, n’ayant à l’époque aucune idée a-priori de l’âge des uns et des autres lors du tournage), mais il m’a terriblement gêné concernant John Wayne.

    En fait, à la fois j’aime bien ce film pour son côté « fin d’une époque », pour la révélation finale, et pour son côté mythique qui m’avait favorablement prédisposé lorsque je l’ai vu ; et j’avais en même temps été réellement déçu par le côté absolument pas crédible du personnage de John Wayne — ou, disons, crédible si l’on admettait qu’il était déjà vieux au moment des évènements, mais cela rendait alors son rôle plus pathétique (le vieux célibataire sinistre entiché d’une jeunette) que sympathique.

  5. Vera Miles à 33 ans au moment de la sortie du film. Ce n’est plus, non plus, la jeunette amoureuse de Martin Pawley dans The searchers.
    33 ans, au 19ème siècle, c’était déjà l’âge d’une vieille fille (les mariages à 16 ans n’étaient pas rares à l’époque).
    Donc, le contraste avec Doniphon n’en est que plus réduit (la vieille fille et le (plus) vieux garçon, en somme).
    De plus Wayne ne fait pas son âge, dans le film (effet du noir et blanc et, sans doute, du maquillage).
    Cet aspect là ne m’a absolument pas choqué, ne m’est pas venu une seconde à l’esprit.
    Quel chef d’œuvre (tout a été dit et redit à son sujet).
    J’insisterai uniquement sur l’aspect mélancolique et nostalgique du cinéma de Ford, que l’on retrouve dans nombre de ses films (Vers sa destinée – la tombe – celle de l’apouse de Nathan Brittles, Qu’elle était verte ma vallée, l’exil des agriculteurs dans Les raisins de la colère, etc, etc…). Et j’adore cet aspect.

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