Elle :
Ce film expressionniste de 1927 est toujours aussi fascinant à regarder. Metropolis est un pur chef d’œuvre de modernité visuelle et de discours. Du jamais vu pour l’époque. En visionnaire, Fritz Lang engloutit le spectateur dans des décors époustouflants ainsi que dans un univers de science-fiction fantastique bourré d’effets visuels. Il a fallu beaucoup de ténacité et d’astuces pour créer ce monde oppressant. Metropolis est une cité démoniaque dans laquelle la machine asservit l’homme et détruit les libertés. La révolte gronde dans les bas fonds grâce à une femme. Fritz Lang dépense un budget colossal pour mettre en scène cette société de nantis et d’esclaves répartis entre la ville haute et la ville basse. Plus de 30000 figurants sont engagés, des grappes humaines arpentant les décors gigantesques. Sous l’influence de sa femme (qui rejoindra plus tard le national-socialisme), Fritz Lang tourne davantage son discours vers la collaboration entre les riches et les pauvres plutôt que vers une opposition des classes.
Note :
Lui :
Metropolis fait partie des films les plus marquants de l’histoire du cinéma. Le film nous offre la vision sombre d’une vaste cité totalement déshumanisée du XXIe siècle. Cette ville est sous la coupe d’un industriel qui exploite des ouvriers forcés de vivre et de travailler dans une cité souterraine. Production à très grand spectacle, le film nécessita un budget colossal et 35 000 figurants pour les grandes scènes de foule. Mais c’est sur le plan architectural et par son inventivité que le film est le plus remarquable. Les effets spéciaux de superposition, de surimpression, de trucages par miroirs ajourés étonnent encore de nos jours. Certaines parties de Metropolis sont perdues à jamais (1). Les récentes versions en DVD résument les parties perdues par des intertitres complémentaires ce qui nous éclaire le déroulement de l’intrigue. Malgré cela, il faut bien reconnaître que le scénario de Théa von Harbou, femme de Fritz Lang, n’est pas le point fort du film, la fin étant quelque peu simplette, certains la trouvant même ambiguë. C’est donc par sa force visuelle que Metropolis reste indéniablement un film étonnant soixante quinze ans après sa sortie. Un de ces films qui laissent une trace indélébile.
Note :
Acteurs: Brigitte Helm, Alfred Abel, Gustav Fröhlich, Rudolf Klein-Rogge
Voir la fiche du film et la filmographie de Fritz Lang sur le site imdb.com.
Voir les autres films de Fritz Lang chroniqués sur ce blog…
Note : Les distributeurs américains (Paramount) y ayant vu une certaine propagande communiste, Metropolis fut sérieusement amputé et même transformé dans sa version américaine : le robot n’est plus la défunte femme du grand magnat mais la simple création d’un savant fou. A noter que le film fut totalement interdit en Union Soviétique.
(1) Une version complète de Metropolis a en fait été retrouvée en juin 2008 dans les archives d’un musée argentin. Les scènes coupées permettent de lever le voile sur certains aspects du scénario et notamment :
– pourquoi la foule confond le robot avec Maria
– le rôle exact de Schmale, l’espion du magnat (qui n’a qu’un tout petit rôle dans la version visible actuellement).
D’autres scènes, comme celle de l’inondation, seraient plus dramatiques.
Ces scènes doivent être restaurées avant d’être mises à la disposition du public.
Voir aussi le Zoom sur le robot de Metropolis sur le site de Cinémathèque Française…
[Mise à jour : ]
Metropolis, dans sa version intégrale reconstituée (proche des 150 minutes originales), a été projeté pour la première fois le 12 février 2010 au Festival de Berlin (Berlinale). Le film était accompagné en direct par un orchestre sous la direction de Frank Strobel reprenant la partition originale. L’évènement, incontestablement l’un des évènements majeurs et des plus enthousiasmants de l’histoire du cinéma, a été retransmis en direct par la chaîne de télévision Arte. Les 26 minutes ajoutées permettent de regarder Metropolis d’un oeil nouveau.
Eh les amis! Mais ma foi, vous n’êtes pas au courant? La version intégrale de Metropolis a été retrouvée! La nouvelle est parue partout dans le monde au mois de juillet. vous deviez être en vacances!
La copie unique et rarissime a été retrouvée dans un musée argentin.
Un article du Guardian en parle ici:
http://www.guardian.co.uk/film/2008/jul/03/news.culture3
Voila! Vous pourrez nous revenir avec une critique du film intégral que Lang avait en tête.
Merci pour l’info…
C’est effectivement un histoire assez incroyable.
Je rajoute une petite note.
Il ne reste plus qu’à attendre qu’ils nous restaurent les scènes manquantes car apparemment elles sont « sévèrement rayées ». Mais quand on voit (sur les suppléments du DVD actuel) comment ils ont restaurée la version récemment ressortie, on peut leur faire confiance : ils vont y arriver…
Des engrenages vifs s’expriment à la place d’un troupeau amorphe sortant ou regagnant les profondeurs de la terre. Des balanciers humains enfumés rythment le cœur d’un mécanisme aux procédures incomprises et incertaines.
Des nuages de vapeurs crispent des visages sacrifiés exécutant des taches répétitives sécurisant l’allégresse d’un jardin à ciel ouvert ou des nantis remercient les transpirations souterraines par des jeux égoïstes et insouciants.
La bouche de Moloch exigeante en ses besoins de sacrifices éveille la vocation d’un voyeur. Un temps démentiel se fourvoie en unissant des buildings futuristes dont l’arrogance outrancière se maîtrise par une technologie terrestre et aérienne d’un temps côtoyé.
Les superficies des bureaux sont à la démesure de la démence des nantis, les baies larges et ensoleillées illuminent le regard d’un concepteur devant la vision d’une réussite conceptuelle urbaine s’étendant à perte de vue.
Les sous sols explorés dévoilent des ressources exténuées, endoctrinées par des prestations dérisoires masquant la définition d’un réel besoin universel. Dans ces bas fonds ce n’est que servilité envers une machine qui ne dit même pas à quoi elle sert.
Trimer devient simplement par le sacrifice d’exclus la sauvegarde d’ébats sulfureux, de courses viriles et de captures amoureuses. Un territoire Darwinien à l’échelle humaine fortement implanté dans deux esprits de groupes acquis à leurs procédures respectives la dominance et la soumission.
Un sacrifice souterrain par un rituel répété alimente une beauté superficielle en surface.
Difficile en cette année 1926 en regardant ces images de ne pas se rapprocher d’un temps douloureux ou ces maquettes futuristes encensées annoncent l’arrivée d’un Speer réalimentant une exigence de pouvoir ancestral.
En parallèle, la récupération socialiste est plus qu’appréhendée ce qui positionne « Metropolis » comme une œuvre expressionniste au service de toutes idéologies.
Fritz Lang fut courtisé par les nazis, il préféra la fuite en argumentant sur l’éclosion d’un troisième parti, un esthétisme d’images certes thématiques mais se voulant indépendant le tout servant à l’avancée de technologies nouvelles cinématographiques.
Statuons sur les propos du maître. « Métropolis » est un excellent film de science fiction, rien de plus.
Je l’ai vu sur Arte.Quelle mise en scène fantastique. Où Fritz Lang a-t-il trouvé son budget qui devait être colossal avec tous ces figurants et les décors grandissimes. Je ne sais pas si j’ai bien ccompris l’histoire mais je suis resté fasciné pendant presque 4 heures devant cette réalisation et ce sujet prémonitoire.
Oui, le budget a effectivement été colossal, le film étant produit par la UFA de Berlin, la plus grosse compagnie allemande de cinéma, coutumière des grandes productions et qui avait signé un important accord de distribution avec l’américain Paramount.
Ce n’était toutefois pas la première fois que Fritz Lang disposait d’un gros budget. Son film Les Nibelungen en 1924 avait déjà été une énorme production, le budget nécessaire étant il est vrai facilité par l’inflation galopante de 1923. Ce n’était plus le cas en 1925-26 mais les figurants étaient bon marché car le travail était très rare. Les conditions de tournage de certaines scènes furent épouvantables, notamment celle où les humains se jetent dans la gueule du Morloch : tournée dans un hangar en plein hiver 1925 (très rude), les figurants étaient nus, parfois aspergés d’eau froide… Le mécontentement était très fort parmi les figurants et même parmi l’équipe elle-même.
Pour revenir aux Nibelungen, il est intéressant de rapprocher les deux films : Les Nibelungen (La légende de Ziegfried) c’était l’Allemagne d’hier alors que Metropolis c’est l’Allemagne de demain…