Elle :
Ce film fait un portrait au vitriol de nos représentants français au Sénégal. La crudité des propos, la noirceur des sentiments, l’humour noir, le racisme qui émanent des personnages témoignent des dégâts de la colonisation française dans les pays africains. Philippe Noiret incarne à la fois le brave français conscient de la misère des africains mais aussi l’ordre institutionnel qui se doit de mater ces « nègres » malgré sa répugnance à le faire. Ces deux contradictions le hantent et le poussent au pire. Les acteurs sont excellents, le propos est juste et percutant.
Note :
Lui :
Noiret est particulièrement admirable dans l’incarnation de ce policier lâche et faible qui se croit soudain investi d’une mission meurtrière purificatrice qu’il va accomplir le plus sereinement du monde. Le lieu choisi, l’Afrique, contribue à créer ce sentiment de société sans repères, comme livrée à elle-même, où tout peut arriver de la façon la plus naturelle qui soit. Tavernier filme cette intrigue avec une certaine distance, presque comme un documentaire, tout en sachant rester très près de ses personnages. Isabelle Huppert et Stéphane Audran sont elles aussi remarquables.
Note :
Acteurs: Philippe Noiret, Isabelle Huppert, Jean-Pierre Marielle, Stéphane Audran, Eddy Mitchell, Guy Marchand
Voir la fiche du film et la filmographie de Bertrand Tavernier sur le site imdb.com.
Voir les autres films de Bertrand Tavernier chroniqués sur ce blog…
Remarque :
* Les décors sont l’oeuvre du grand chef-décorateur français Alexandre Trauner.
Quand Noiret joue au miroir d’une pseudo civilisation qui n’est jamais qu’une colonisation-occupation.
Ce film est surtout l’adaptation d’un polar de Jim Thompson intitulé « 1275 âmes » où les turpitudes de bouseux de l’Amérique profonde sont transposées dans les colonies françaises d’Afrique noire. Gros travail d’adaptation de Jean Aurenche.
Film surprenant et surréaliste, adaptation d’un roman américain de Jim Thompson dont l’action initiale se situe dans le sud-est des Etats-Unis. Pottsville, bourgade du sud des Etats-Unis où les Noirs comptent pour du beurre et « n’ont pas d’âme », est devenue Bourkassa Ourbangui, village d’Afrique occidentale française en 1938. Le shérif Nick Corey est devenu Lucien Cordier, chef de la police locale. Au racisme sévissant à Pottsville s’est substitué le mépris des colons blancs pour les « nègres ».
Une fable bouffonne et tragique sur une humanité pataugeant dans un cloaque d’hypocrisies, de mensonges, de corruptions, de vices, et dont les échos de la psychose de guerre en Europe, au moment de la crise de Munich, accentuent la descente aux enfers.
C’est par la France que passèrent les plus mémorables adaptations de Jim Thompson. La collection littéraire Série Noire avait des années 50 aux années 70 avait assez largement publiée ses romans (et lui offrant même symboliquement son numéro 1000 pour Pop, 1280) et contribué à créer un nombre conséquent d’afficionados de Jim Thompson. Parmi eux, outre Bertrand tavernier, Alain Corneau qui signa en 1979 une fabuleuse adaptation du roman Des cliques et des cloaques avec son Série Noire.