21 août 2005

De beaux lendemains (1997) d’ Atom Egoyan

Titre original : « The Sweet Hereafter »

De Beaux LendemainsElle :
Je n’ai pas été très convaincue par ce scénario adapté du roman de Russel Banks. Le film tourne autour du traumatisme subi par les habitants d’un village après l’accident d’un car scolaire qui a tué leurs enfants. La communauté se déchire suite aux interventions d’un avocat vraiment prêt à tout, interprété par l’excellent Ian Holm. L’ensemble est lent et même presque ennuyeux. Il ne se passe quasiment rien. Je préfère de loin les autres films d’Egoyan.
Note : 2 étoiles

Lui :
Il y a dans ce film une belle fluidité de mise en scène, comme une grande douceur. Hélas, le scénario est mis en place de façon un peu trop complexe, et surtout la lenteur de son déroulement nous fait décrocher. On a du mal à s’intéresser à cette histoire d’accident tragique, d’autant plus qu’elle nous est présentée à travers les yeux d’un avocat qui cherche autant à résoudre ses problèmes personnels que ceux de cette communauté. L’ensemble semble survolé, comme effleuré.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Ian Holm, Sarah Polley, Tom McCamus, Caerthan Banks, Gabrielle Rose, Alberta Watson
Voir la fiche du film et la filmographie de Atom Egoyan sur le site IMDB.

Voir les autres films de Atom Egoyan chroniqués sur ce blog…

4 réflexions sur « De beaux lendemains (1997) d’ Atom Egoyan »

  1. C’est pourtant un excellent film ! Il montre comment un avocat peut exploiter un drame pour empocher un maximum d’honoraires par le système (qui n’est pas encore autorisé en France, mais cela viendra) des « class action » (regroupements de plaintes). Et la relation ambiguë de la jeune fille avec son père est intéressante.

  2. Oui, vous avez raison de souligner ce point. Ian Holm est d’ailleurs assez remarquable pour dévoiler peu à peu l’ambiguité de son personnage.
    Egoyan parvient à faire passer beaucoup de sentiments, exprimant le plus souvent la douleur face à cette catastrophe. Et toujours cette perfection dans la mise en scène (j’aime beaucoup Egoyan…).

    Non, nous avons certainement été bloqué par une certaine lenteur qui dissipe un peu cet ensemble. Mais je crois que je le reverrai un jour…

  3. Nous sommes dans un monde culturel où la lenteur est le rythme naturel d’un quotidien morne et froid. Il s’agit de l’ Amérique du nord, d’une campagne lunaire. Les journées sont longues et personne ne bouscule personne. L’épaisseur de la glace, la lourdeur de la neige infligent aux habitants une lenteur dans le geste et dans l’action.

    La mise en scène est construite sur deux stratifications: la première celle d’un monde lunaire et désertique et l’autre, sur les nerfs piqués à vif de l’avocat qui tente de faire son pain d’une tragédie rurale, mais lui toujours reliée à une vie urbaine par l’addiction de sa fille. Son véritable drame. Son seul drame.

    Un problème pourrait en résoudre un autre. Au fond, l’avocat travaille dans un esprit crapulaire, afin de sortir sa fille de son addiction et de se faire un petit pécule d’une tragédie acceptée comme fatalité par une communauté sur-gelée dans ses habitudes quotidiennes.

    Les tergiversations entre les hypothétiques clients et la cause, les atermoiements restent figés dans la fixité des lieux froids et refroidis par une ambiance qui casse l’harmonie du hameau via la venue de l’étranger. Il ne peut y avoir d’empressement, les gens sont dépassés par une suite tragique complémentaire à la tragédie qui n’est ni dérisoire, ni tragique au-delà du hameau, du secret et de l’omerta.

    Il n’y a pas une société sans illusions et celle-ci, vit l’illusion que la nature est symbiotique. En réalité, la nation, le lieu, la patrie est aussi là où l’on est très mal en attendant un certain apaisement et la mort.

    L’avocat pour ces contemplatifs vit une déambulation hallucinée. Il parle de choses qui n’existent pas pour eux. Nous sommes dans le silence des interstices. Un grand blanc glacial qui s’immisce et vient penser la fêlure de ces têtes traumatisées, dénuées d’idées et de ressentiments.

    Pour ces villageois isolés, dehors c’est la mitraille, dedans c’est la sécurité. L’avocat ce qu’il aime, c’est ce qui lui échappe. Les habitants eux cherchent la paix. Une série d’illusions sous forme d’hypothèses sont proposées aux habitants du froid. Il ne sont pas dupes de ces illusions qui ne collent pas à leur paix tribale.

    Ils se méfient du culte du progrès et encore plus des indiscrétions médiatiques car ils protègent leurs petits secrets souillés par une promiscuité qui se joue en dehors de la civilisation avec ses codes et ses interdits.

    Le rôle de l’avocat n’est-il pas de chercher les invariants derrière les choses qui pourraient donner lieu à de nouveaux chemins d’enquête qui ne correspondent en rien avec la catatonie causée par l’isolement des familles confortables dans leur ignorance et leur paix.

    Les personnages vivent un petit bricolage entre ordre et désordre mais ils choississent l’ordre ancien, le conformisme rural et la lenteur dont ils font l’éloge dans une vie qui ressemble à une lente position de Yoga.

    Le film est excellent car il procède d’une maestria invisible qui fait penser au 8mm. L’auteur est d’une méticulosité dans le détail et possède une sérénité dans l’effroi, car une porte est en permanence ouverte sur l’horreur. Le style est net, ferme et clinique tout en obligeant le spectateur à un petit effort d’induction et de déduction.

    Le thriller dans sa facture première est de trouver le moment propice, la clef qui nous ouvre la vérité, voilà où le spectateur tombe dans l’ennui et cherche l’issue de secours. Il n’y en pas. L’avocat reparti nous revenons à la case départ et les habitants retournent au sommeil éternel.

    C’est pourquoi j’en fais l’éloge de la lenteur dirait Kundera. Les intermittences de la mort dans un contexte si linéaire, n’arrivent pas à joindre la moindre expression linguistique. La vie n’est pas ailleurs pour eux, tandis que chez l’avocat, la réussite même crapulaire d’un dossier dans le désert, est un passeport pour un ailleurs qui est son point d’ancrage: lieu des véritables problèmes à résoudre. « Même si tu as eu la sottise de te montrer, sois tranquille, ils ne te voient pas » écrivait Henri Michaux. C’est un peu l’esprit du film. L’avocat n’a pas d’adhésion, ni intellectuelle, ni sensible pour ces gens débranchés des grands systèmes symboliques. Il n’existe pas. Ces gens préfèrent vivre avec des souvenirs que de raviver une tragédie loin de leur monde où le sommeil est leur seule médecine.

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