Titre original : « Happy-Go-Lucky »
Elle :
Très différent des univers habituels de Mike Leigh, Be happy est un film plein de fantaisie, de rire et d’optimisme dans la noirceur d’une Angleterre déprimée et en perte de repères. Poppy, une jeune institutrice qui aime rire et prendre la vie à la légère est le pilier central du film. Elle répand de l’amour et le bonheur de vivre autour d’elle ; elle aime ses élèves et son métier, ceux qui la fréquentent comme le moniteur d’auto école déséquilibré ou cet enfant violent peuvent se transformer intérieurement et laisser de côté leur colère et leur violence enfouies. La prestation très réussie de Sally Hawkins la rend attachante et irrésistible. Mis à part quelques invraisemblances de scénario et un début un peu difficile, on passe un bon moment.
Note :
Lui :
Il faut saluer la démarche de Mike Leigh qui n’hésite à pas à marcher à contre-courant. A une époque où il est de bon ton d’afficher sans modération noirceur et pessimisme, le réalisateur anglais n’hésite pas à jouer avec son image de cinéaste social sombre pour nous offrir un film résolument optimiste. Ceci dit, Be happy n’est pas si différent de ses précédentes réalisations car nous y retrouvons le regard très pointu du cinéaste sur la société anglaise et la mise en relief d’une certaine difficulté de communication. La différence ici est que son héroïne a une inébranlable bonne humeur, elle s’amuse de tout, ne semble ne rien prendre au sérieux et, surtout, elle voudrait communiquer ce bonheur et cette simplicité autour d’elle, et là elle va buter sur de gros obstacles. Sally Hawkins interprète son personnage de trentenaire survoltée et pétulante avec beaucoup de naturel, bondissant et papillotant, avec moult mimiques et intonations de voix ; faire tout cela sans rendre le personnage insupportable (du moins est-ce le cas en V.O.) est un véritable tour de force. Mike Leigh a construit son film comme un assemblage de petites briques, une scène au milieu du film n’étant même pas reliée aux autres. Ce type de construction lui permet de se concentrer sur l’essentiel car, au-delà d’un film qui propose une attitude optimiste, Be happy est avant tout un certain regard sur notre société et, en ce sens, s’inscrit tout fait dans la lignée de ses films précédents.
Note :
Acteurs: Sally Hawkins, Alexis Zegerman, Eddie Marsan, Samuel Roukin
Voir la fiche du film et la filmographie de Mike Leigh sur le site IMDB.
Voir les autres films de Mike Leigh chroniqués sur ce blog…
Ah oui, je voulais voir ce film, moi aussi ! Votre critique me fait penser au très sympathique « Looking for Eric », de Ken Loach, dont on a dit aussi qu’il reprenait les thèmes chers à son auteur sur un ton différent de celui dont il est coutumier. Le parallèle m’amuse.
De plus, pour l’heure, je n’ai vu que « Secrets et mensonges », de Mike Leigh. Une oeuvre un peu plus joyeuse ne peut que nous faire du bien. Même si j’ai beaucoup de respect pour la première citée.
Bonne journée.
J’ai également beaucoup aimé ce film, en étant surtout sensible à deux choses : d’une part la composition graphique des images, qui s’appuient toujours sur une palettes de couleurs vives et chaudes, et surtout la démarche de nous emmener à la découverte de la psychologie de l’héroïne. Sous des premières aparences futiles, fofolles, à travers un patchwork de saynètes, on apprend à connaître une personne avec sa complexité, ses tics, ses valeurs, ses forces, ses défenses, ses finesses. La séquence quasi-finale avec le moniteur d’auto-école est époustouflante de crédibilité et de justesse psychologique, dévoilant finalement la très grande maturité de Poppy et sa façon profonde de prendre la vie et les gens avec ce qu’il lui faut d’auto-protection et de générosité. C’est à la qualité de ce portrait que l’on retrouve toute la force du cinéma anglais, avec notamment Leigh, Loach (justement cités ci-dessus) et Newell.
A noter que ma compagne n’a apprécié le film qu’en le revoyant en VF, ayant été gênée par la voix de l’héroïne en VO !
J’ai la curieuse impression de n’avoir pas vu le même film. Comme si les spectateurs en France s’étaient laissé berner par la mauvaise traduction du titre. « Happy-go-lucky » c’est « au petit bonheur la chance »: rien à voir avec « be happy », et limite l’inverse. C’est un film non pas sur l’insouciance mais sur l’irresponsabilité (thème fréquent dans les films de Leigh, dans Secrets and Lies, pour ne prendre qu’un exemple). Le couple structurant, c’est celui formé par le moniteur d’auto-école et par Poppy, et la mise en scène de l’incompréhension entre psychorigide et irresponsable me semble faite pour les renvoyer dos-à-dos plutôt que pour rendre Poppy sympathique. (L’est-elle? Pas à mes yeux et je connais d’autres spectateurs qui étaient d’accord.) Sinon, d’ailleurs, pourquoi Poppy serait-elle aussi affectée par la diatribe que lui adresse son moniteur vers la fin du film? Ce qu’un autre commentateur appelle « dévoilement de sa maturité » n’est-ce pas plutôt une vraie rupture existentielle?
@John Crowley : l’approche est effectivement intéressante. Mais à la réflexion, je ne crois pas que la mise en scène les renvoie dos à dos. D’accord pour envisager que la situation sert de révélateur, voire de catalyseur, non seulement au moniteur mais également à Poppy. Ceci dit, pour pouvoir répondre de la façon dont elle le fait (la plupart des femmes seraient parties en courant) dénote une connaissance d’elle-même, une maturité déjà existante en elle, et maîtrisée, et approfondit donc la profondeur du personnage et change la perception qu’a le spectateur de sa façon de prendre la vie « au petit bonheur » (judicieux rappel).
Désolée, mais franchement, je trouve Poppy insupportable, même en VO. A part quelques rares moments de gravité, elle rit niaisement tout au long du film, et exhibe de façon provocatrice son irresponsabilité.
Je préfère de loin Secrets and lies, il n’y a pas photo !
J’ajoute que j’ai été très déçue car j’aimais bcp ce cinéaste, à cause de Secrets and lies justement.
Je suis d’accord pour dire que ce n’est pas un film qui prône l’attitude positive ou l’insouciance et d’ailleurs, d’une manière générale, je ne pense pas que le sujet central du film soit vraiment Poppy… 😉 Personnellement, j’ai plus vu un film sociologique que psychologique, plus sur les mécanismes sociaux qui gèrent nos rapports et notre communication.
Poppy veut faire en sorte que tout le monde soit heureux autour d’elle mais elle n’y arrive pas, elle se heurte de plein fouet aux autres personnages qui ont un autre comportement social : ses soeurs, et surtout le moniteur, le SDF et même l’enfant violent. Elle ignore une bonne partie de la réalité mais elle lui saute au visage à la première occasion. On ne peut pas forcer les gens à être heureux, le bonheur n’est pas une chose qui se force, qui se décrète. Ce n’est pas si simple…. 😉
Allez, je vais pousser un peu ma position, pour la beauté du débat, même si je peux souscrire aux vues contraire (au moins, voilà un film qui pousse à l’échange et à la réflexion, c’est probablement ce que le cinéma peut nous apporter de mieux :o)
Si la réalité « saute au visage de Poppy », je ne vois pas de fêlure et de faiblesse dans sa réaction : avec le SDF, elle le laisse parler, établit une sorte de rapport et de contact avec lui, ce qui est le premier niveau de ce qu’elle peut lui apporter de positif. Concernant l’enfant violent, c’est encore plus… « criant » (!) : elle met en place, avec la complicité de l’assistant social, un dispositif qui, en démarrant sur les qualités de l’enfant, va lui permettre de se libérer par la parole et d’être pris en charge pour sortir de la souffrance avec laquelle il vit. Dans ces deux cas, Poppy ne fuit pas la difficulté mais y fait face avec ses moyens, avec son écoute et son regard et à défaut de procurer du bonheur, contribue à soulager son interlocuteur.
Il n’y a pas de faiblesse dans sa réaction mais elle n’arrive pas à ses fins en partie parce qu’elle voudrait que tout le monde fonctionne comme elle et qu’elle ne peut rien face à une certaine réalité sociale ou économique.
Le SDF, effectivement elle le laisse parler mais il n’y a pas de dialogue sauf peut-être à la toute fin où il y a un vrai contact silencieux avec les yeux, un instant instable où l’on ne sait dans quel sens on va basculer. Dans le cas de l’enfant, je me basais sur la remarque défaitiste de l’assistant social au lendemain de leur petite nuit, à laquelle elle répond « on croise les doigts » mais c’est vrai que c’est moins évident : dans ce cas, son intervention a des chances de produire quelque chose.
Dans le cas du moniteur d’auto-école, son intervention aura eu l’effet inverse de ce qu’elle espérait. En simplifiant, on peut dire qu’au lieu de le rendre plus heureux, elle l’a rendu plus malheureux…
Enfin, c’est ainsi que j’ai vu le film… mais pour moi Mike Leigh ne prône rien, il observe. C’est vrai pour ce film ou pour ses autres films : il nous offre un regard, une vision sur notre société, une vision que l’on n’aurait pas eu naturellement et c’est en cela que ses films sont intéressants.
Un film sans intérêt ! pas de bande son, une actrice nasillarde et des dialogues très faibles. le seul moemnt intéressant reste les quelques scènes dans l’auto -école mais bon c’est un peu long et franchement ennuyeux.
Un film quelque peu décevant pour un Mike Leigh mais que j’ai quand même apprécié. Secrets & Lies et Vera Drake restent tout de même mes préférés car, selon moi, ils sont le produit même du travail de Mike Leigh comme il est.
Magique étude du bonheur, le livre de Vincent Cespedes, fait une analyse très juste et fine du personnage de Poppy dans le cadre d’un essai plus général sur le bonheur. C’est intéressant d’entendre parler d’irresponsabilité pour Poppy. Je la trouve au contraire très responsable, et elle prend en charge sa vie à chaque instant, puisque elle décide de lui instiller une qualité générale, qualité pour chaque instant, avec une attention, prise en compte, célébration de chaque moment et de chaque personne, et c’est une véritable attention au monde qu’elle a, une véritable considération de chacun et présence réelle (versus les prisons mentales des rigidités qui se coupent d’une certaine façon du tremblé du monde, du vivant) , et un rapport éminemment poétique à ce monde, qui devrait être le rapport de tout homme créateur de sa conscience du monde. Elle vit l’amitié l’empathie avec chacun et c’est très beau, à chaque instant, et il n’y a rien de plus contagieux que la vibration de la matière, comme des ondes de charme avec lesquelles elle assouplie les rigidités. Elle danse sa vie de bien belle manière, et tous les rigides sérieux pessimistes et autres mendiants de desespoir à basse calorie qui n’aiment pas Poppy me font bien de la peine, pour le monde, qui a tant besoin de simplicité de beauté et d’attention pour se rafraiîchir. Une approche du monde telle que celle de Poppy devrait être un exemple à de nombreux égards. Je conseille à tous l’analyse qui est faite du film dans le livre cité au dessus.