Elle :
Revu avec du recul, ce film me déçoit plutôt ; aurait-il vieilli? Brialy en citadin sauveur des âmes qui débarque à la campagne et découvre les maux quotidiens des ruraux rongés par l’alcool, l’ennui et la frustration, n’est-ce pas une vision un peu trop parisienne et manichéenne des pauvres provinciaux que nous sommes. Brialy, Blain et Laffont sont convaincants mais font un peu pièces rapportées au milieu des villageois qui patoisent.
Note :
Lui :
Chabrol nous dresse un portrait de la province très profonde, celle où l’on sombre dans l’alcool pour supporter le désoeuvrement et l’absence de buts. Le propos est assez misérabiliste et reste superficiel : on aimerait connaître le parcours du fameux Serge, les raisons de sa déchéance. Jean-Claude Brialy, en citadin qui veut sauver son prochain, et également Gérard Blain font de très bonnes compositions de leurs personnages. Si à l’époque, ce film du tout début de la Nouvelle Vague apportait un ton nouveau, il paraît moins séduisant aujourd’hui. Il garde toutefois un intérêt historique… Claude Chabrol montre une indéniable maîtrise de la mise en scène dès son premier film.
Note :
Acteurs: Gérard Blain, Jean-Claude Brialy , Michèle Méritz, Bernadette Lafont
Voir la fiche du film et la filmographie de Claude Chabrol sur le site imdb.com.
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Le problème avec ce genre de films dont on n’aura cessé de souligner l’importance historique (Chabrol lance la « Nouvelle Vague »), c’est que nul n’ose plus émettre la moindre critique à leur propos. A revoir « Le beau Serge » aujourd’hui, avec presque soixante ans de recul, on a tout de même le sentiment que la réalisation, frôlant bien souvent l’amateurisme, est passablement bâclée. Tout paraît mal foutu là-dedans, du jeu des acteurs (Bernadette Lafont indigente) à la photo en passant par le montage. Mais comme il s’agi(rai)t d’une oeuvre fondatrice… chut! Par ailleurs, si la vie en milieu rural ressemblait déjà à ça en 1958, on comprend que plus personne n’ait envie d’aller y vivre. Le film de Chabrol dépeint un monde complètement déprimant, atone, inculte, arriéré, peuplé d’abrutis ivrognes, incestueux, dégénérés auxquels nul n’aurait envie de se mêler. Du coup, on ne comprend pas très bien l’acharnement dont le personnage de Jean-Claude Brialy fait preuve pour tenter d’arracher son ancien ami (Gérard Blain) à son enlisement dans l’alcool et la médiocrité la plus crasse. Au point de se sacrifier. Abnégation christique? Un univers à la Zola filmé à la truelle. « Le beau Serge » marque peut-être une date importante dans l’histoire du cinéma français mais il n’a rien d’un chef-d’oeuvre. Loin s’en faut. Un peu comme « Le Cabinet du Dr Caligari » pour le cinéma expressionniste allemand. Historiquement significatif mais esthétiquement faible.