Titre original : « Abrir puertas y ventanas »
Trois jeunes soeurs vivent ensemble dans une grande maison de Buenos Aires. Leur unique parent, leur grand-mère, vient de décéder. C’est l’été. Il fait très chaud. Les soeurs semblent assez proches, elles s’entraident beaucoup, mais ont des caractères différents. Rapidement, chacun s’interroge : rester ou partir ? … Trois soeurs est le premier long-métrage de la réalisatrice argentine Milagros Mumenthaler. Elle en a écrit le scénario. Ses trois jeunes filles sont dans une période de transition, elles sont indécises devant cette liberté inattendue, cette accroissement soudain du champ des possibles ; elles se positionnent les unes par rapport aux autres tout en aspirant à l’indépendance. L’un des thèmes forts de ce film est l’absence, l’absence de la grand-mère récemment décédée mais aussi l’absence des parents disparus depuis plus longtemps. Sur ce thème vient se greffer un début de sentiment d’incertitude sur ses origines (alimenté en outre par un autre élément que l’on découvre en cours de film). L’approche de la réalisatrice est assez étonnante : le scénario pourra sembler assez vide aux yeux de certains par l’absence de grands évènements (mais il ne l’est pas vraiment), le rythme est assez lent, nous sommes dans une position presque contemplative, sentiment accentué par ces mouvements, parfaitement maitrisés, d’une caméra qui semble avoir sa propre liberté. La communication peut parfois être silencieuse. Et il y a aussi les non-dits, de la part des personnages, mais aussi de la réalisatrice : la question des disparitions politiques n’est jamais évoquée mais il y a tout lieu de penser que les parents étaient des militants politiques (ce qui permet d’expliquer en outre « l’autre élément » précité). Trois soeurs est un film qui n’est pas sans défaut, il semble notamment s’étioler par instants (et il est sans doute aisé de rester en surface), mais ce huis clos ne manque pas de force et d’attrait.
Elle:
Lui :
Acteurs: María Canale, Martina Juncadella, Ailín Salas, Julián Tello
Voir la fiche du film et la filmographie de Milagros Mumenthaler sur le site IMDB.
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Remarque:
Trois sœurs, le film de Milagros Mumenthaler, n’a aucun lien avec la pièce homonyme de Tchekhov (même si on peut trouver certaines similitudes dans la situation de départ).
J’ai vu ce film assez récemment et je dois avouer ne pas l’avoir autant apprécié que vous. Très lent, il m’a semblé assez vide. Quel est donc cet « autre élément » que vous semblez vouloir mentionner ?
Je ne voulais pas en parler de façon explicite pour ne pas déflorer le contenu… Donc si vous avez l’intention de voir prochainement ce film, * NE LISEZ PAS * ce qui suit.
Le tournant du film est lorsque la 2e soeur fait part à la plus jeune de ses soupçons : l’ainée ne serait-elle pas une enfant adoptée ? Au départ, on pense à une expression supplémentaire (et classique) de jalousie mais peu à peu on commence à comprendre… Les parents étaient des militants politiques qui ont « disparu » dans les geôles du pouvoir il y a X années. Avant leur disparition, ils avaient adopté une petite fille, probablement d’un couple ami également impliqué en politique, emprisonné puis « disparu ». Ce n’est pas évident de savoir si l’ainée sait qu’elle est un enfant adopté. A mon avis oui. Cela expliquerait pourquoi elle n’est pas en colère après sa soeur qui a vidé le garage (qui contenait toutes les affaires des parents). En revanche, pourquoi est-elle étonnée qu’une personne à qui elle a annoncé la mort de la grand-mère d’un infarctus lui ait rétorqué « En êtes-vous sûre ? » (mais peut-être ce détail n’est qu’une astuce de scénario pour que le spectateur commence à se poser des questions…)
Il est en tout cas nécessaire d’avoir le contexte politique à l’esprit pour appréhender la profondeur du film. On peut sans doute reprocher à la réalisatrice d’avoir été trop subtile sur ce point… Ce n’est peut-être pas trop subtil pour les argentins mais pour nous, européens et nord-américains, ça l’est certainement. Personnellement, c’est en réfléchissant au film après coup que tout cela m’est clairement apparu…
Le message est indéniablement politique, tout en restant assez positif : quand la 2e soeur vide le garage (ou fait arracher l’arbre), c’est un acte très symbolique d’une volonté de tirer un trait et de re-vivre sur de nouvelles bases.