Titre original : « Victim »
Grand avocat londonien et père de famille, Melville Farr est sur le point d’embrasser une carrière de juge. Lorsque Jack « Boy » Barrett, son ancien amant victime de chantage, l’appelle à l’aide, Farr refuse de l’écouter, craignant pour sa carrière. Peu de temps après, Barrett est retrouvé pendu dans sa cellule. Bouleversé par cette nouvelle, l’avocat décide alors de retrouver la trace des maîtres-chanteurs…
La Victime est un film britannique réalisé et coproduit par Basil Dearden. Le film a une indéniable valeur sociologique car il dresse un portrait de la situation de la pénalisation de l’homosexualité en Angleterre au début des années soixante : si après 1957, les homosexuels (alors passibles d’une peine de 10 ans de prison) étaient un peu moins poursuivis par la police, ils étaient couramment à la merci de maîtres-chanteurs sans scrupule. Le plus remarquable dans ce film est la façon dont il traite ce sujet très délicat à l’époque : le récit est très équilibré, sans militantisme, il met l’accent sur l’amour et sur l’attachement. Son succès relatif aurait joué un rôle déterminant dans la libéralisation des mentalités et de la loi britannique (1). C’est le premier film britannique qui utilise le terme « homosexualité ». Beaucoup d’acteurs ont refusé le rôle mais Dick Bogarde n’a pas hésité à prendre de gros risques : à l’instar de son personnage, il risquait d’y sacrifier sa carrière. Il était alors un acteur très connu, mais dans des rôles plutôt légers. Il montre ici une belle intensité. Ce film (et bien entendu, peu après, The Servant de Losey) sera finalement pour lui un tournant. L’accueil de la critique anglaise sera plutôt bonne… alors que, bizarrement, la critique française a méprisé le film.
Elle: –
Lui :
Acteurs: Dirk Bogarde, Sylvia Syms, Dennis Price, Anthony Nicholls, Peter McEnery, Donald Churchill, Derren Nesbitt
Voir la fiche du film et la filmographie de Basil Dearden sur le site IMDB.
Voir les autres films de Basil Dearden chroniqués sur ce blog…
(1) La dépénalisation des relations homosexuelles pour les plus de 21 ans se fera en 1967 (Angleterre et Pays de Galles), en 1980 (Ecosse) et en 1982 (Irlande du Nord). En 2000, la limite d’âge sera minorée à 16 ans.
Merci d’avoir chroniqué ce chef-d’œuvre particulièrement sensible, si important tant pour la société anglaise que pour l’immense acteur qu’est Dirk Bogarde .
Basil Dearden a réalisé plusieurs autres très beaux films sur des sujets sociétaux abordés de manière courageuse et sensible, dans la société britannique des années 50-60. Ces films sont intelligemment réalisés, bien équilibrés entre film noir, thriller, romance et aspect documentaire; « La victime » en est un exemple emblématique.
Dix ans avant « la victime », Dirk Bogarde avait déjà prêté son concours à Dearden en interprétant un jeune voyou dans « La lampe bleue », qui met en scène les « bobbies » d’un commissariat de quartier (ambiance très british qui change des films américains…) aux prises avec une voyoucratie montante; un film qui emprunte beaucoup au film noir. Deux autres films de Basil Dearden valent le détour: ils évoquent avec beaucoup d’humanité le racisme encore bien présent dans cette société, « les trafiquants du Dunbar » (1950) et « Saphire » (1959).
Merci pour ces conseils. Je suis à peu près sûr de n’avoir jamais vu les trois films que vous mentionnez. Le cinéma de Basil Dearden, et même le cinéma anglais dans son ensemble, n’est hélas pas assez connu. Il le mérite pourtant…