Titre original : « Sherlock Holmes: A Game of Shadows »
1891. Le monde occidental est déstabilisé par une série d’attentats qui peut le faire basculer dans la guerre. Sherlock Holmes est le seul à déceler la marque du professeur Moriarty et va tout faire pour contrecarrer ses plans maléfiques…
Sherlock Holmes: Jeu d’ombres est la suite de Sherlock Holmes réalisé par le même Guy Ritchie. L’histoire a été cette fois imaginée et écrite par les époux Kieran et Michele Mulroney dans l’esprit des romans de Conan Doyle tout en gardant le personnage iconoclaste du premier volet. Si les ingrédients restent les mêmes, l’ensemble est mieux équilibré, plus subtil, avec une intrigue riche et joliment corsée. Même l’alchimie très particulière entre Holmes et Watson, toujours mâtinée un peu lourdement d’homosexualité, semble ici mieux intégrée. Certains effets paraissent superflus mais cet habituel défaut reste ici finalement assez négligeable. Avec son côté british qui lui apporte un peu d’élégance, Sherlock Holmes: Jeu d’ombres se révèle être une comédie policière rétro vraiment plaisante. Le film fut boudé par la critique mais pas par le public et un troisième volet est prévu pour 2020.
Elle: –
Lui :
Acteurs: Robert Downey Jr., Jude Law, Noomi Rapace, Rachel McAdams, Jared Harris, Stephen Fry
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Robert Downey Jr., Noomi Rapace et Jude Law dans Sherlock Holmes: Jeu d’ombres de Guy Ritchie.
C’est amusant, pour ma part j’aime plutôt un peu moins ce deuxième volet que le premier, notamment parce que je le trouve moins bien équilibré et avec une intrigue moins subtile. En fait, c’est un film d’action, pas vraiment un film de Sherlock Holmes (le premier était aussi un film d’action, mais pas seulement — alors qu’ici l’intrigue est une sorte de course-poursuite aventureuse, sans énigme ni mystère, juste une succession de scènes d’action).
En particulier, les défauts qui me gênaient juste un peu dans le premier film deviennent ici par moments vraiment énervants (sans doute par effet cumulatif au bout de deux films, mais aussi parce qu’ils sont me semble-t-il encore plus insistants). Je veux notamment parler du côté « comic book », avec abus de ralentis, de postures improbables lors des combats, quelques scènes d’action interminables filmées avec gros plans inutiles. En fait, plus que des ralentis, ce sont même des arrêts sur image, des ruptures figées qui ressortissent explicitement (et lourdement) au visuel des comics.
La scène de fuite dans la forêt est vraiment de trop, avec ses gros plans au ralenti sur les balles qui ripent sur les troncs d’arbres, l’explosion improbable avec ralentis et arrêts sur image, les champs/contrechamps saccadés et confus qui font qu’on ne comprend pas grand chose et qui ne sont là que pour créer cet effet de confusion et de gros bordel d’action (technique archétypale des comics et que je trouve malhonnête artistiquement car c’est juste une « ficelle » pour créer de la confusion et donner une impression d’action confuse, dans une fascination quasi-obsessionnelle des comics pour l’action-confuse-qui-procure-une-impression-de-film-noir-bien-glauque-et-vraiment-qu’est-ce-qu’on-est-brillants-à-être-cyniques-et-sordides-et-glauques-et-dans-l’obscurité-constante).
Le côté « super-héros » d’Holmes est également encore plus marqué que dans le premier film — du moins dans le premier quart de ce film-ci. Cela se calme et s’équilibre ensuite, mais vraiment toutes les scènes de combat et d’action où Holmes est presque seul à agir (donc le premier quart du film) sont des scènes de super-héros, pas de Sherlock Holmes (et franchement le combat interminable avec le Cosaque est confus, totalement invraisemblable, de trop).
Ces lassitudes et excès mis à part, j’admets que le film est plutôt bien rythmé, et le duo Holmes-Watson est si réussi qu’il nous embarque sans problème dans cette aventure.
Autant je trouvais que l’ambiguïté homosexuelle d’Holmes était peu étoffée dans le premier film, et que l’invoquer relevait (de la part de Robert Downey Jr. et de Guy Ritchie) plutôt d’une posture ou d’une provocation sans grand intérêt puisqu’elle n’était pas vraiment étayée et n’apportait pas grand chose au personnage ou au récit ; autant je suis d’accord qu’elle est ici assez indiscutable. Vu ce que vous écriviez sur le premier film (= que les producteurs menaçaient de ne pas produire de suite si l’acteur et le réalisateur continuaient à insinuer qu’Holmes serait homosexuel et amoureux de Watson), j’ai même l’impression que Robert Downey Jr. et Guy Ritchie (et Jude Law) se sont fait un malin plaisir à appuyer, vraiment appuyer, et appuyer encore, cette interprétation. Est-ce cette provocation qui fait qu’il n’y a finalement jamais eu de suite ?
En tout cas, la séquence dans le train comporte plusieurs scènes outrées qui ne laissent aucun doute sur l’interprétation à avoir de l’attitude d’Holmes à l’égard de Watson, la séquence du bal également quand ils dancent ensemble et que Watson dit même qu’il commençait à se demander si Holmes allait finir par l’inviter (!), etc. Et la disparition rapide du personnage d’Irene Adler, qui impliquait très clairement Holmes dans une relation amoureuse hétérosexuelle, laisse en outre libre champ pour recentrer Holmes sur sa relation avec Watson.
Quoi qu’il en soit, ce que je disais du premier film se confirme : c’est la seule adaptation que je connaisse de Sherlock Holmes où Watson ait une personnalité totalement équilibrée avec celle d’Holmes, où l’on sente qu’aucun ne prend le dessus sur l’autre, où Watson soit « incarné » avec une personnalité aussi sûre d’elle que l’est Holmes. Cela donne une tension, un équilibre (je vous rejoins sur cette notion d’équilibre, en l’espèce), un dynamisme, qui rend ce film réjouissant. Avant tout pour les (heureusement nombreuses) scènes associant Holmes et Watson. Et donc, en fin de compte, un film agréable.
J’ajoute que Robert Downey Jr, Jude Law et Stephen Fry fournissent des magnifiques prestations (les autres rôles sont plus typés et, dans la logique comics, trop monolithiques pour être notables).