Titre original : « 3 godfathers »
Lui :
Trois aventuriers qui viennent de dévaliser la banque d’un petit village isolé de l’Arizona sont pourchassés dans le désert. Ils tombent sur un chariot près d’une source tarie. A l’intérieur, une femme est sur le point d’accoucher… John Ford tourne pour la seconde fois cette histoire à fort symbolisme religieux (1). C’est en effet une variation autour du thème des Rois Mages de la Bible. L’allégorie est assez appuyée, il faut bien avouer que Le fils du désert ne joue pas sur la finesse. John Wayne est ici employé à contre-emploi et ne se montre pas toujours très à l’aise avec ce rôle de cowboy au cœur tendre. Ses deux acolytes manquent plutôt de présence. Heureusement, il reste la superbe photographie de Winton Hoch et ce talent de John Ford pour filmer le désert (2). Les scènes de tempête sont superbes.
Note :
Acteurs: John Wayne, Pedro Armendáriz, Harry Carey Jr., Ward Bond, Mae Marsh
Voir la fiche du film et la filmographie de John Ford sur le site IMDB.
Voir les autres films de John Ford chroniqués sur ce blog…
Remarques :
(1) La première fois que John Ford a mis en scène cette histoire écrite par Peter B. Kyne, c’était en 1919 : Marked Men (le film est aujourd’hui perdu). Son acteur principal était Harry Carey qui est mort peu avant le tournage du Fils du désert. John Ford a dédié le film à sa mémoire et a engagé son fils pour tenir l’un des trois rôles principaux.
(2) Le film a été tourné en partie dans la Vallée de la Mort. John Wayne a dû être hospitalisé après avoir été gravement brûlé par le soleil.
Autres adaptations :
Three Godfathers (1916) de Edward LeSaint avec Stella LeSaint et Harry Carey
Marked Men (1919) de John Ford avec Harry Carey
Hell’s Heroes (1929) de William Wyler avec Charles Bickford
Three Godfathers (1936) de Richard Boleslawski avec Chester Morris et Walter Brennan
La cinématographie exceptée, qui est sublime (j’avais oublié que Winton C. Hoch se trouvait derrière la caméra), le plus pénible est ici la dimension religieuse. Parabole assez pesante. La Rédemption par le sacrifice ou comment Ford, via le genre du western, exalte les valeurs religieuses fondatrices des USA. Il faut donc essayer de ne pas trop y faire attention (difficile, très difficile, surtout quand Harry Carey Jr entonne l’inévitable « Shall We Gather at the River ») et se concentrer sur ce premier personnage de tout western qu’est le paysage. Une fois n’est pas coutume, Ford n’est pas allé planter sa caméra à Monument Valley mais, comme vous le soulignez, dans la Vallée de la Mort, sous la Sierra Nevada, et c’est intéressant de comparer le parti qu’il en tire avec ce qu’en ont retiré des cinéastes comme Wellman (« Yellow Sky ») ou Sturges (« The Law and Jake Wade »), par exemple. John Ford a beau avoir changé de cadre, les images qu’il propose sont toujours aussi splendides et son sens de la composition n’a pas beaucoup d’équivalents dans le western. Avec le recul du temps, on se dit que, d’un point de vue visuel, seuls Mann (presque toujours), Daves (assez souvent) ou Boetticher (dans ses meilleures oeuvres) soutiennent la comparaison avec celui que JL Rieupeyrout appelait « The old master of Western Land ». J’ignorais que le Duke (Wayne) s’était cramé au soleil du Nevada. Il faut dire qu’on ne se risquerait pas à faire dix mètres sans chapeau dans un pays pareil. Comme pour « The Shooting » de Monte Hellman, « Le Fils du désert » est un film où l’on a sans cesse chaud, très chaud, et soif, très soif.
Je ne trouve pas pesantes les métaphores et allégories bibliques présentes constamment dans ce film de Ford, elles font partie intégrante du récit, l’humour (dans la manière dont les trois hommes s’occupent, maladroitement, du bébé) est un autre des traits forts de cette belle histoire.
Il faut le voir comme une « parabole » moderne, cinématographique, d’écrits religieux. Enlevez le côté « biblique », et que reste-t-il de l’histoire ?
Un autre message fort du film, et qu’on retrouve dans de nombreux films de Ford (surtout La chevauchée fantastique) est « l’habit ne fait pas le moine » (zut, encore un vocabulaire qui renvoie à la religion !).
En effet; dans leur rapport à la mère mourante et à l’enfant, Ford montre la profonde humanité qui anime les actes des trois hommes qui sont des bandits -et que la société réprouve donc-, il donne une parfaite illustration du proverbe qui illustre une vérité immanente.
Je trouve enfin que Pedro Arrmendariz est un comédien exceptionnel, Harry Carey Jr. aussi, même si son talent n’égale pas celui de son père. Et la photo de Winton C. Hoch fait baigner le film dans une lumière (divine serais-je tenté de dire), magnifique en tout cas, il prouvera son savoir-faire à de nombreuses autres reprises, notamment La prisonnière du désert en 1955.
EXODUS, GODS and GODFATHERS
Et bien mes amis j’en sors, et ça ne pouvait pas mieux tomber qu’aujourd’hui 24 décembre. Juste quelques lignes : d’accord rien n’est crédible dans le déroulé de ce récit et de moins en moins au fur et à mesure de sa quête – on démarre à la ville de WELCOME (!) et on va jusqu’à NEW JERUSALEM (!) – mais c’est normal puisque c »est un conte de Noel (attention, pas façon Desplechin), et même notre trio attachant de bandits est dès le départ présenté comme de sympathiques canailles qui vont dévoiler générosité et émotion. Ce vieux dur à cuire de John Ford était un tendre refoulé. Je rejoins tout le monde sur la physionomie splendidement filmée du désert et sur celle de l’enfant son fils.
Ah, c’était effectivement le film tout indiqué pour ce 24 décembre… La Cinémathèque avait bien prévu. Quand je vois le programme de cette rétrospective John Ford, je regrette de ne pas habiter à Paris ! Je vous souhaite de passer un bon réveillon !
Merci! A mon tour je vous souhaite une très belle année emplie d’une goûteuse dégustation de 365 films
Un peu d’humanité dans ce monde de brute !
Un film de Ford, c’est comme une liqueur qui vous réchauffe le cœur et vous réconcilie avec le genre humain.
Laissez-vous emportez par le meilleur qui est en vous et retrouvez votre âme d’enfant !
Cet enfant, c’est l’incarnation de la rédemption pour les trois outlaws… et ça fait du bien de vouloir y croire.
Magnifique photographie, magnifique sens de la composition, comme, par exemple, ce plan de la lampe qui s’éteint à la mort de la mère du petit, puis qui laisse paraître en arrière-plan un arbuste desséché. Influence de l’expressionisme
allemand, qu’en pensez-vous ?
Joyeux Noël à vous tous , et paix sur la terre aux Hommes de bonne volonté !
J’étais à la séance du 24 décembre 2014, inoubliable.
Depuis un certain temps, chaque fois que je vois ou revois un film de Ford, à de rares exceptions près, je suis saisi d’admiration et de reconnaissance.
Dans leur livre Coursodon et Tavernier tentaient un rapprochement entre Ford et Louis Armstrong: bien vu.