7 novembre 2010

La fée aux choux (1900) de Alice Guy

La fée aux chouxLui :
(Muet, 1 minute) Dans un jardin féérique planté de choux géants, une gracieuse fée cueille des nouveau-nés et vient les poser à l’avant-plan. Depuis qu’elle fut redécouverte, cette petite fantaisie d’Alice Guy a souvent été datée de manière incorrecte de 1896 et présentée comme étant le premier film doté d’un scénario inventé (avec l’Arroseur arrosé qui est de la fin 1895) (1). Comme nous le montre l’excellent coffret édité par Gaumont, La Fée aux Choux aurait été en réalité réalisé par Alice Guy en l’an 1900, date qui paraît bien plus cohérente avec sa filmographie. Alice Guy est, avec les frères Lumière et Georges Méliès, l’un des trois grands pionniers du cinéma. Qu’elle ait été longtemps occultée dans les histoires du cinéma est une grande injustice.
Sage-femme de première classe Alice Guy a par la suite tourné plusieurs variantes de la Fée aux Choux dont l’étonnant Sage-femme de première classe (1902) parfois décrit à tort comme un remake ou même confondu avec l’original (2). Il s’agit d’une petite fantaisie de 4 minutes, bien plus élaborée, où l’on voit un jeune couple aller chez… une marchande de bébés ! Comme aucun des bébés exposés ne leur convient, la marchande les fait entrer dans la réserve, un jardin plein de choux géants et commence à leur montrer les différents modèles en les cueillant derrière les choux pour les étaler au premier plan sur une couverture comme une vulgaire marchandise. Les nourrissons sont de vrais bébés (on les voit brailler à plein poumons). Le couple finit par faire son choix, paye et repart avec son nouveau-né. Il y a de quoi choquer nos esprits modernes mais l’ensemble reste charmant, d’une grande fraîcheur et surtout plein d’humour.
Note : 3 étoiles

Acteurs:
Voir la fiche du film et la filmographie de Alice Guy sur le site IMDB.
Voir les autres films de Alice Guy chroniqués sur ce blog…

(1) Les Frères Lumière filmaient essentiellement des scènes de la vie et non des histoires inventées : l’arrivée d’un train, une sortie d’usine, etc… Méliès, de son côté, débutera en 1896. Les premiers films d’Alice Guy dateraient de 1897.
(2) Ces imprécisions ont été engendrées par les déclarations d’Alice Guy dans les années 50 et 60 qui a présenté ce film comme étant son tout premier en le datant de 1896.

A voir aussi : Une conférence de Maurice Ginati à la Cinémathèque Française le 13/03/2011 où l’historien-chercheur place Sage Femme de Première Classe (1902) comme étant le premier film d’Alice Guy. Sa conférence est assez passionnante car il retrace au passage l’évolution des matériels, la construction des studios Gaumont…

10 réflexions sur « La fée aux choux (1900) de Alice Guy »

  1. On t’rouve une réérence à Alice Guy dans le dernier roman de Gilles Del Pappas, « Attila ou la mgie blanche » qui parle des rapports entre l’illustre cambrioleur Alexandre Jacob et la naissance du Cinéma.

  2. Je viens de lire sur un autre site qu’Alice Guy était le premier réalisateur/trice de cinéma. D’après ce que vous dites dans votre note (1), ce n’est pas le cas. Que doit-on en penser ?

  3. Ce qui est certain, c’est le fait qu’Alice Guy fait partie des premiers créateurs du cinéma et le fait qu’elle soit absente de nombreuses histoires du cinéma est de la plus grande injustice. Le fait que cette non-reconnaissance soit probablement due en bonne partie au fait qu’elle était une femme, rend la chose encore plus inimaginable.

    Maintenant, dire qu’elle est le premier réalisateur(trice) de cinéma me paraît difficile. Je ne prétends pas faire autorité en la matière mais pour dire cela, je me base par exemple sur l’excellent coffret Gaumont « Cinéma Premier vol.1 » sorti assez récemment. On peut voir toute un série de films d’Alice Guy et quand on les regarde dans la continuité, on peut visualiser assez précisément son évolution et son parcours. C’est un avantage énorme. Quand Francis Lacassin écrivait sur Alice Guy dans les années 60 et 70, il n’avait pas cette fabuleuse possibilité, il se basait qur quelques films et surtout sur ses entretiens avec la réalisatrice.

    Ceci dit, tout comme Méliès avait une vision du cinéma, Alice Guy avait la sienne. Tous deux sont à classer parmi les grands créateurs du cinéma. Les frères Lumière en sont les inventeurs. Maintenant, je ne sais pas si cela est très important de savoir qui était le premier. Il semble que Méliès a commencé avant Alice Guy mais peu importe. Tout cela est très proche.

    [Ajout du 27/6/12: … sauf si le premier film d’Alice Guy est La fée au choux : que ce soit la version de 1900 ou celle de 1902, cela fait un écart important. Mais de toutes façons, comme le dit Maurice Ginati à la fin de sa conférence à la Cinémathèque Française (voir lien ci-dessus), le mérite d’Alice Guy, son plus grand apport au Cinéma, cela se concrétise par la construction du studio en 1905 : en 2 ans, de 1902 à 1904, elle a modifié l’orientation de la société Gaumont en la tournant vers le cinéma de création, tâche qui sera poursuivie après son départ aux Etats-Unis par Louis Feuillade.]

  4. vous vous basez sur ce qu’ecrit Pierre Philippe sur la jaquette du dvd gaumont, q il décrit Alice Guy comme abérrante, lorsqu’elle date « La fée aux choux » de 1896, Pour Pierre Philippe responsable des archives Gaumont, elle n’a fait aucun film durant sa periode française, comme on peut le lire sur cette retranscription d’une emission de France Culture pour la promotion du dvd en 2008:
    Extrait de l’emission « Projection privee » France Culture 12 07 2008
    Pierre Philippe parle d’Alice Guy:
    …A son âge dans cette espece de concert d’eloge et d’honneur qui l’a acceuilli lors de son retour vers 70 c’est ça? elle a elle a sur une photo dit « Ça c’est la fee aux choux » hein ce n’est pas la photo en question n’est pas « La fee aux choux » c’est un film posterieur qui s’appelle « Sage femme de premiere classe » c’est bien ça qui est egalement dans le coffret c’est UNE TOUTE PETITE FIERTE D’AVOIR REINTRODUIT DANS UNE ESPECE DE FILMOGRAPHIE FLOTTANTE D’ALICE GUY LA VRAI « FEE AUX CHOUX » qui est DIT-ON
    le premier film de fiction de la production Gaumont…..Le cinema premier pour ne pas dire primitif en ce qui concerne Alice Guy on peux dire primitif…….on peux dire que l’oeuvre française (sic) d’Alice Guy elle est de Monsieur Thiberville par ce que c’est son operateur il est toujours avec elle et mème en dehors d’elle (sic)
    J’AI FAIS ET C’EST UNE DE MES GLOIRES LA LA DECOUVERTE QU’ON VOIT ALICE GUY DANS UN PANORAMIQUE ESPAGNOL DE THIBERVILLE DONC ELLE N’EST MÈME PAS A COTE DE SON OPERATEUR HEU JE COMPRENDS PAS HEU ENFIN CE SONT DES DETAILS …. Ciment- Alice Guy etait la secretaire heu je veux dire du patron c’est comme ça que..
    Xxx- Meme un peu plus que la secretaire
    Pierre Philippe- Oui
    Ciment- Hein disons le
    Pierre Philippe- Oui oui disons le
    Ciment -On le dit pas beaucoup
    Xxx-Bon Allez
    Pierre Philippe -La vous revelez des secrets…..
    – Rires Gras……. un peu plus loin « La vie du Christ » Feuillade bien sur,
    Pour Lacassin qui a fait son mea culpa avant de mourir, elle n’avait plus sa tête lorsqu’elle datait « La fée aux choux » mais pour sa  » contre histoire du cinema » en fait une longue interwiew d’Alice Guy, elle n’était plus délirante , votre expert Pierre Philippe parle de son retour dans un concert d’éloge en 70, elle est morte depuis 2 ans en 68, son autobiographie, dont chaque détail peut ce verifier a été publié 8 ans aprés sa mort. Savoir qui est le premier?, elle laissait le titre aux frères Lumière, pour l’Arroseur

  5. Je comprends aisément votre enthousiasme et votre ardeur à défendre votre aïeul mais il faut bien reconnaître que, du fait de l’absence de documents précis et fiables, il est difficile de reconstituer les débuts d’Alice Guy. Personnellement, je ne peux avoir d’avis tranché sur la question : c’est un travail d’historien qui demande de longues recherches et moult recoupements.

    Je dirais seulement que je trouve que vous avez peut-être tort de maudire ainsi le coffret Gaumont et la présentation de Pierre Philippe car ce coffret est le meilleur vecteur pour faire découvrir le travail d’Alice Guy.

  6. Je ne maudit pas ce dvd juste la presentation d’Alice Guy par Pierre Philippe et son acharnement lors de la promotion sur France Culture, « Elle n’a jamais fait de film durant son oeuvre française … la preuve… on la voit dans un panoramique… oui elle couchait avec le boss… »
    …. du fait de l’absence de documents précis et fiable dites vous, son autobiographie ne vous suffit pas? elle est trés précise et trés fiable, tout peux ce verifier dans le moindre détail, tout, sauf les archives Gaumont. La nouvelle datation gaumont: 1902 to 1906 la periode des chronophones, dans une promotion Gaumont on la voit derrière la camera, difficile a effacer, quoique, elle faisait peut être de la figuration. Aujourd’hui, pour Gaumont via wikipedia « La Fée aux Choux » est de Georges Hatot ou de Gaston Breteau, si vous suivez les nouvelles datations Gaumont/ Pierre Philippe vous devez rectifier le titre de cette page

  7. Ce n’est pas moi qui parle de « l’absence de documents », ce sont les historiens car c’est bien ici un travail d’historien. Le document le plus important est effectivement son autobiographie, mais elle a été écrite dans les années 50 et 60. Il peut donc y avoir une distorsion involontaire.

    Je suis d’accord avec vous pour dire que l’affirmation « Alice Guy n’a jamais fait de film durant sa période française » paraît étonnante et excessive. Il faudrait voir sur quels éléments il base cette affirmation.

  8. « l’absence de document » entre 1895 et 1902. Lors de la publication d’un texte sur l’histoire de la Gaumont, Leon Gaumont efface Alice Guy, pas un mot, voir la lettre d’excuse de son fils publiée dans l’autobiographie d’Alice Guy, logique tous les premiers historiens du cinema copient l’histoire de Leon Gaumont puis les nouveau historiens du cinema copient les anciens historiens….
    « Distortion involontaire » ?? dans son autobiographie elle decrit parfaitement « la Fée aux Choux » avec de nombreux détails, ce film personne ne l’avait revu depuis plus de cinquante ans lorsqu’elle le décrit dans son autobiographie, il dure une minute et aprés en avoir tourné des centaines d’autres elles ce souvient parfaitement des Choux découpé en carton… elle ce serait trompée sur le nom de l’actrice, surement celle d’un des remaque de « La Fée aux Choux »
    Je suis d’accord avec vous Il faudrait voir sur quels éléments ce base Pierre Philippe des Archives Gaumont pour affirmer qu’Alice Guy n’a jamais fait de film pour Gaumont, distortion volontaire?

  9. Sur Wikipedia Alice Guy page discussion 7 octobre 2012 à 18:28 Pierre WACKHERR
    Quelques remarques sur les arguments de M Gianati[modifier]
    Cette conférence étant devenue la base des articles français de Wikipedia sur Alice Guy, il me parait utile d’en faire une modeste critique
    La conférence se déroule en quatre phases.
    Première phase: Il est impossible qu’Alice Guy ait tourné la fée aux choux en 1896 !
    S’il est de 1896, ce film a été tourné en 60mm et on ne peut obtenir un film 35mm de 20m à partir du 60mm. Il est en outre impossible qu’il en fut tiré 80 copies ainsi qu’elle le prétend.
    Le chronophotographe de 60mm a des bobines de 35m 1000 images 1, il est donc possible d’obtenir un film de 20m 35mm.
    Les 80 copies sont citées dans le New Jersey Star de 1914
    This film was so successful that it sold eighty copies and had to be remade at least twice, as the original prints disintegrated 2
    Rien ne dit qu’il s’agit de copies 60mm en 1896.
    Selon Victor Bachy 3 le journaliste ajoute  » l’expérience dans ce domaine de Mme Alice Guy remonte à 1895″ ( et sur l’ exemplaire de l’article qu’elle montre à Victor Bachy elle a corrigé: 1896).
    Alice ajoute dans son interview avec Victor Bachy « j’exagérerai en vous disant que c’était un chef d’oeuvre ». Le scénario, très « simple », est d’ailleurs en faveur d’une datation ancienne.
    Alice Guy ne reconnait rien dans un catalogue 1900 de la maison Gaumont, donc elle n’a rien tourné avant 1900
    La réaction d’Alice Guy est interprétée comme étant celle d’une personne en pleine confusion qui refuse de reconnaître la vérité avec par exemple :  » je n’ai jamais vu cette vie du Christ ».
    Dans la suite de la conférence, comme chez d’autres historiens, il est expliqué que Lear avait tourné une vie du Christ et avait vendu l’ensemble de ces négatifs à Gaumont. Une explication simple de ce catalogue peut donc être: Gaumont, ravi de l’aubaine, fait imprimer un catalogue avec les films achetés à Lear et à d’autres et celui ci est évidemment complètement inconnu d’Alice. 4
    Le film n’apparaît que dans le catalogue 1901 et porte me n°379 près des vues de l’exposition et de la visite du président Loubet (n° 397). Il est donc de 1900 au minimum
    C’est l’argument classique des partisans d’une date tardive.
    Il faut tout de même remarquer qu’il est encadré par les n°377,378 et 380 5 qui sont … des retirages de films 60mmm !
    McMahan suggère que « la fée aux choux » fut tourné comme film de démonstration afin d’obtenir le contrat du Chatelet pour le tournage et la projection de « la Biche aux bois » en 1896. 6 Ceci, joint à une possible indisponibilité due a la destruction du négatif (« (the film) had to be remade at least twice, as the original prints disintegrated »7) expliquerait la présence tardive au catalogue.
    Deuxième phase: Alice n’a pas tourné la fée aux choux mais d’autres l’ont fait.
    Il y a là un curieux changement d’argumentation, car si Alice ne l’a pas tourné il était inutile de démontrer que le film était de 1900. La première phase ne sert qu’à introduire « le doute ».

    Les premiers films de fiction de la maison Gaumont sont l’oeuvre d’Hatot, de Breteau et de Lear, voire d’autres.
    Ces trois auteurs ont surement faits ou vendus 8 des films à Gaumont, mais pourquoi cela exclurait t’il Alice de la réalisation à cette période ?
    Ceci est pourtant pris comme base indiscutable: sans aucune preuve il est affirmé qu’Alice n’a pas tourné avant 1902. Logiquement il s’en suit qu’un des trois serait l’auteur de « la fée aux choux », sujet typiquement masculin.
    Il situe les débuts d’Alice dans le jardin de la maison que louait Gaumont à Alice en face des ateliers de l’autre coté de la ruelle des sonneries.
    Il présente comme argument un tableau de cette maison qui la représente comme une agréable villa avec un vaste jardin fleuri. Si on se rapporte au plan parcellaire la largeur totale du terrain est de 10m, Alice a surement raison de qualifier ce lieu « d’horrible machin » et d’affirmer à Victor Bachy qu’elle habitait quai Maquais quand elle a tourné 9
    Cet lieu ne semble être évoqué que pour refuser à Alice tout début en 1896 puisque Gaumont achètera la maison en 1897.10
    D’autre part il est très improbable que des films aient été réalisés, comme il l’affirme, sur la terrasse située à gauche, au Nord, de l’atelier vu sa largeur et l’ombre que celui ci projetterait.
    La terrasse disparaît d’ailleurs en 1899 au profit d’un agrandissement.11
    Il est par contre probable que les premiers films de fiction ( y compris ceux d’Alice) ont été réalisés dans le fond du jardin de la maison de Gaumont12, à proximité de l’atelier de 1897 et qu’il a existé ensuite un studio, une verrière convenable13, avant la construction de la cathédrale en 1905.
    Troisième phase: La carrière d’Alice Guy commence en 1902
    Pour réaliser cette démonstration sans trop d’incohérences avec les textes, il va falloir affirmer que le premier film d’Alice est « sage femme de première classe » de 1902 (puisqu’il correspond à peu près à la description des mémoires d’Alice et que la première « fée aux choux » n’est pas son oeuvre.)

    Selon M Gianati le premier film d »Alice, qui « fréquentait les studios de la Villette et a peut être donné des idées de films », serait de 1902
    Dans le « courrier du cinéma » du Temps du 23 Septembre 1933 quelques lignes  » Germaine Dulac fut chez nous la première femme metteur en scène Après elle vint en Amérique Dorothy Azner .. »
    Dans le numéro du 30 Septembre on lit « Mme Blaché proteste et revendique pour elle le titre de « première femme metteur en scène dans une longue lettre ….( elle écrit 🙂  » de 1897 à 1907 j’ai dirigé la production de la maison Gaumont, ayant sous mes ordres des artistes de talent tel Feuillade, Jasset, etc… ». Elle signale aussi qu’elle a reçu les palmes académiques en 1907 en tant que « directrice de théatre ». 14
    De plus en 1936, Alice écrit à Léon Gaumont « A la tête du service de prise de vues… j’y ai consacré durant 11 ans le meilleur de moi même « .
    Léon Gaumont aurait évidemment protesté en 1933 devant la publication d’affabulations dans un grand journal et répondu courtoisement en 1936 à sa « grande amie » qu’elle se trompait.
    Ces deux faits sont ignorés par M Gianati qui préfère dire que Léon Gaumont a confié vers 1902 ( voire plus tard) la direction de la production de sa maison à une personne, une femme, totalement inexpérimentée .
    Le premier film d’Alice ne serait donc pas « la fée aux choux » du catalogue 1901 mais « Sage femme de première classe  » du catalogue 1902. 15
    Dans ce dernier film il n’y a pas de fée, il s’agit d’une marchande de bébés, bien achalandée ( 6 bébés vivants), Mme Féauchoux, à laquelle un jeune couple achète un bébé.Il ne viendrait à personne l’idée d’intituler ce film « la fée aux choux », si ce n’est le nom de la marchande du film. Ce nom indique plutôt un clin d’oeil d’un metteur en scène qui fait un remake (On ne fait pas un remake un an après la sortie d’un film, même en 1902).
    M Gianati amène un argument nouveau: Yvonne Serand a 10 ans en 1896 et ne peut être la fée.alors que dans ses mémoires Alice l’a désigne comme son actrice. Il en déduit qu’Alice ayant menti, il faut remettre en cause tout ce qu’elle dit.
    Il faut tout de même remarquer que quand Alice décrit le tournage de la fée aux choux, elle dit qu’elle l’a fait « avec des amis », sans plus de précisions. Ce n’est que beaucoup plus loin dans le texte qu’elle dit « on me donna deux assistants… Louis Feuillade … et une secrétaire, Yvonne Serand qui joua dans la fée aux choux et deviendra la femme du metteur en scène Arnaud ».
    Si on considère « sage femme de première classe » comme un remake, la confusion est parfaitement pardonnable à ce point du texte.
    Ce paragraphe des mémoires d’Alice est vraiment un « raccourci » puisqu’elle écrit « Jusque là j’avais travaillé seule. Après quelques mois on me donna deux assistants (Feuillade et Yvonne Serand) ».
    Même en admettant la date tardive de 1902 pour un début de carrière, Feuillade arrive plus de 3 ans après et il est peu probable qu’Yvonne Serand soit embauchée à 16,17 ans.
    Alice est décidément de mauvaise foi quand elle dit à Victor Bachy  » une sage femme ? je n’aurais jamais oser à cette époque » alors qu’elle a 29 ans
    Il faut citer intégralement le passage de l’interview d’Alice à 90 ans (1964)
    VB: « Dans une autre partie du livre (de Georges Sadoul) il cite comme vos films « la fée aux choux et « les aventures d’une sage femme ». Dans un passage il les confond tous les deux , dans un autre il en fait allusion séparément Est ce qu’il y a vraiment deux films distincts ?  »
    AG: « L’histoire d’une sage femme ? A cette époque là je n’aurais jamais osé parler de ce genre de chose. « La fée aux choux » Ça fait partie de mon histoire »
    Alice est une femme de bonne famille, elle raconte dans ses mémoires que « le plus embarrassant moment de sa vie » fut lorsque chez des amis, à la fin d’un cylindre qu’elle avait amené, on entend soudain une voix qui chante un couplet grivois.
    Il est probable qu’elle interprète la question au premier degré et que pour elle il est inimaginable de conter les aventures d’une accoucheuse.16
    Il est cependant également probable qu’Alice elle même confond les deux films ou leur donne le même titre puisqu’elle écrit à Louis Gaumont en 1954: « Dans la photo de la fée aux choux figurent mes amies Germaine Serand et Yvonne Serand ( qui deviendra plus tard Mme Arnaud) »
    Les photos de tournage, dont elle dit elle même qu’elles ont été faites « après coup », l’induisent en erreur. Victor Bachy ne lui rend pas service en ne relevant pas qu’il y a un problème.
    Ce dont je donne acte à M Gianati mais ceci était déja noté dans le livre de joan Simon
    This confusion, one of the rare points where the Autobiographie is clearly unriable is in a way enterely understandable.17
    C’est Zecca, en 1903, qui a tout appris à Alice
    Pour M Gianati, la jeune et inexpérimentée Alice arrive à conserver son poste de directrice de production alors que Zecca est son professeur. Elle fait de tels progrès qu’elle se maintient en 1904 quand « la production Gaumont évoluera nettement vers la mise en scène » (Sadoul)
    Alice précise dans ses mémoires que son professeur fut Frédéric Bailly, consultant de la première heure du comptoir général de photographie18
    Pour établir sa liste de films d’Alice, M Gianati écarte celles de Victor Bachy et celles de Mc Lean et veut partir des listes qu’Alice a donné en enlevant ce qui, selon lui n’est pas d’Alice. Il note que les listes d’Alice « contiennent un message subliminal »: il n’y a pas de film antérieur à 1902
    Tout d’abord je ne vois pas très bien comment Alice, dans les années 60, aurait pu se rappeler de toute sa production . Les titres des films, donnés de mémoire, ne sont évidemment pas tout à fait exacts et M Gianati s’acharne à les interpréter dans le sens le plus défavorable à Alice.
    Par exemple Alice cite dans ses mémoires « déménagement à la cloche de bois » qui peut être le (n° 149) de 1898 mais qu’il donne comme un film de 1907 (n°1616) 19
    Je laisse à des gens compétents le soin de faire une critique de la liste de M Gianati.
    Quatrième phase: Alice Guy confond les dates et parle de 1896 alors qu’elle a débuté en 1902 et son apport réel est d’avoir transformé la production Gaumont.
    Pour conclure la conférence, il tout de même expliquer pourquoi des historiens se sont laissé tromper et essayer de recaser Alice dans l’histoire du cinéma

    Une des raisons des erreurs des historiens sont les perpétuelles confusions de date d’Alice. M Gianati cite comme exemple majeur: « je fus la seule durant 17 ans à avoir droit à ce titre ( de metteur en scène) « ; le dernier film d’Alice étant de 1919 il en tire argument pour donner son début de carrière en 1902.
    Il omet qu’il y a une autre femme metteur en scène au début du cinéma, Lois Weber, qu’Alice connait bien puisqu’elle a joué pour Gaumont. Cette dernière réalise son premier film en collaboration avec Smalley en 1911 et un premier film conséquent « suspense » en 1913 : 1913-17= 1896 (13) .
    Il oublie qu’Alice écrit à Léon Gaumont en 1936 « A la tête du service de prise de vues… j’y ai consacré durant 11 ans le meilleur de moi même « :1907-11=1896.
    Alice est d’ailleurs une mythomane conséquente qui a déclaré a un journaliste du New York Star en 1914 qu’elle avait débuté en 1896.
    Elle récidive en 1939 Dans une lettre à Léon Gaumont, puis en 1953 dans une lettre à Louis Gaumont, puis dans ses mémoires:.
    « (Georges Sadoul) m’a promis de rectifier cette partie dans les prochaines éditions, ce qu’il a honnêtement fait bien que son énumération contienne encore des erreurs: la fée aux choux date de 1896 (chapitre 4) »
    « Le premier film dont je parle dans la première partie de ces mémoires est de 1896 ( chapitre 7) » et enfin dans l’interview avec Victor Bachy en 1963.
    Quand elle fait ses premières déclarations il y a des témoins ( Léon Gaumont, Feuillade, Zecca,..) et quand elle fait ses dernières déclarations il y a des historiens , personne ne l’a contredit.
    Elle a transformé (Gaumont) en 2 ans, de 1902 à 1904 , elle est devenue une grande société de cinéma : C’est là son titre de gloire
    Comment croire à l’ascension fulgurante d’une femme dans une société déjà puissante en 1902 et dans une industrie qui n’en est déjà plus à ses débuts ?
    Chacun peut écrire son histoire, puisque les preuves sont fragiles, mais celle là est vraiment improbable.
    La version « traditionnelle »,  » Alice Guy a commencé a tourné en 1896″ , a une base solide : les écrits non contredits d’Alice elle même et aucune preuve contraire nouvelle n’est amenée dans cette conférence.

    Si ce n’est ce parti pris, déboulonner Alice, la conférence est très documentée et présente des films rares. On ne se rend pas compte à la première vision que la moitié de l’exposé ne concerne pas vraiment le sujet mais les appareils Gaumont, la série N, la cité Elgé, les films et les photos d’époque.

    PW1949 (d) 7 octobre 2012 à 18:28 (CEST)Pierre WACKHERR
    ↑ Description du chronophotographe dans la Nature 1896 2éme semestre par Mareschal p392.. « . La « biche aux bois » filmé par Ducom au Chatelet en 1896 et colorié approche les 35m (un avantage du 60mm est qu’il permet de colorier le film plus facilement ).Sadoul écrit même à propos de la biche aux bois : »ce film de large format mesurait 35m et comportait un millier images » (T1 p375)
    ↑ New jersey Star 1914 rapporté par McLean p 23
    ↑ Victor Bachy p 35
    ↑ Elle écrit d’ailleurs « je pense que la plupart des films figurant sur ce catalogue ont été achetés à des opérateurs du dehors ou pris à l’extérieur par des employés du laboratoire » (1954, lettre à Louis). ( « à l’extérieur » signifie bien qu’il s’agit de reportages, pas de fictions). L’évocation de la série N dans la conférence, sous prétexte qu’Alice croit y reconnaître un film dans le catalogue, n’apporte rien si ce n’est l’exposition d’un catalogue de 1907 commençant au n°11.
    ↑ Les autres transpositions 60mm effectuées concernent plusieurs films de la Série A 35mm suivant Bachy et Mc Lean :baignade de chevaux à la caserne(377), promenade des animaux au jardin d’acclimatation (378) , baignade dans le grand bain (380). Mc Lean ajoute « joueurs de cartes » (2042) du catalogue 15mm 1908 comme transposition possible.
    ↑ McMahan p15: with a demonstration film like la fée aux choux it would have been easier for Gaumont to win such a contract with the Chatelet
    ↑ New jersay Star 1914 McLean p23
    ↑ Lear vend ses négatifs en 1898 d’aptès Sadoul. Gaumont produit peu de fictions par rapport à Pathé, mais sa production interne n’est tout de même pas nulle. La production de fictions Gaumont de cette période est modeste comparée à celle de Pathé mais ce n’est pas non plus un argument pour en écarter Alice.
    ↑ AG: Il y avait une petite maison que Gaumont avait à Belleville, Il y avait ce jardin et devant il y avait une petite plateforme cimentée et c’est là que j’ai tourné mon premier film. …. VB: Cela date de quand alors ? AG: Cela date de 96. Les gens n’avaient jamais vu ça. J’habitais entre l’Académie et l’école des Beaux Arts ( et non à Belleville. La petite maison est celle ou habite Gaumont !) Les premiers ans du cinéma français Institut Jean Vigo 1985
    ↑ Archives numérisées de Paris. plan parcellaire quartier Combat 132 éme feuille E. L’argument est d’ailleurs inutile puisqu’il vient d’être démontré que « la fée aux choux » n’est pas de 1896. La maison que loue Alice est de toute manière à quelques mètres du fond du jardin de Gaumont( de l’autre coté de la ruelle des sonneries)
    ↑ Il me semble que M Gianati se trompe dans l’orientation du bâtiment: Le moteur à gaz ne peut être qu’a l’Est ( à l’opposé de l’entrée de la ruelle des sonneries) ce qui donne la terrasse sur la chambre noire au Nord. Il est difficile de se faire une idée sur le début des constructions car il n’existe, ruelle des sonneries, qu’un permis de construire du 28 Décembre 1896. L’agrandissement incontestable de 1899 n’a pas, à ma connaissance, de permis connu. Les permis suivants datent de 1904 et sont enregistrés au 12 rue des alouettes.
    ↑ Pour être exact celui de la maison de sa femme au 55 rue de la Villette. Celui ci donne aussi sur la ruelle des sonneries
    ↑ M Gianati donne lui même une photo de Zecca avec un ballon marqué Elgé dans lequel se reflète cette verrière, ceci en 1903. Cette verrière n’a manifestement rien à voir avec une « verrière branlante » telle que l’a décrite Alice dans ses mémoires à propos de 1896 . Il donne aussi des photos de tournage dans le jardin.
    ↑ Le temps 23 et 30 Septembre 1933 sur Gallica
    ↑ « La fée aux choux » est un film de 20m qui apparaît dans le catalogue 1901 et est toujours là dans le catalogue 1908 sous le n°379. (cahier de la cinémathèque Dec 95. En feuilletant le catalogue Gaumont de janvier 1908. Roger Icart), « sage femme de première classe apparaît en 1902 sous le n° 626, il fait 100m.
    ↑ Le titre « sage femme de 1ere classe » n’est tout de même pas très en rapport avec le sujet. Il est cité approximativement par Victor Bachy ce qui accroît la confusion
    ↑ Adam Williams. Joan Simon p 36
    ↑ M Bailly écrit une description du chronophotographe dans la Science Illustrée 2éme semestre 1896. Si, suivant Laurent le Forestier, le poste de Zecca chez Pathé n’était « pas très clair » il varie entre « inspecteur général « ou « directeur général » d’une société qui produit plus de fictions que Gaumont ( souvent des copies des oeuvres des autres). Il vient chez Gaumont en 1903 ( la datation est de M Gianati, Sadoul plaçait l’incursion de Zecca chez Gaumont en 1904 ( p291 et 348)), ce qui prouve au moins que Gaumont avait un studio sinon comparable à Vincennes du moins convenable. La pauvre Alice devrait donc immédiatement perdre son poste et au lieu de cela Zecca lui sert gentiment de professeur. C’est surement par reconnaissance qu’elle rétablit la paternité des « Méfaits d’une tête de veau » à Zecca
    ↑ Victor Bachy donne lui le n°1617 et la date de Septembre 1906 pour ce 2eme film de 92m. Notons que M Gianati écarte plusieurs films de 1907 ( pour cause de départ d’Alice aux Etats Unis) mais que celui là est conservé.

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