Lui :
Le silence est d’or fut le premier film que réalisa René Clair à son retour en France, juste après la Libération. Le succès fut immense, le film symbolisant le retour d’un certain optimisme et des valeurs françaises. L’histoire est assez classique, René Clair l’a lui-même décrite comme étant proche de l’intrigue de l’Ecole des femmes. C’est un triangle amoureux où un fringuant quinquagénaire donne des conseils amoureux à un jeune timide, conseils qui vont se retourner contre lui lorsque tous deux seront amoureux de la même femme. Le jeu des acteurs n’est pas franchement remarquable, François Perrier est juste bien dans son rôle. A la décharge de René Clair, il faut signaler que Raimu, qui devait tenir le rôle principal, est mort peu avant le début du tournage et qu’il a du être remplacé rapidement par… Maurice Chevalier. Le film serait sans doute assez anodin si le réalisateur n’avait choisi de placer l’intrigue au tout début du XXe siècle, dans le monde naissant du cinéma muet. Nous assistons ainsi à la reconstitution du tournage d’un film vaguement oriental dans un petit studio parisien. Comme René Clair vouait une certaine admiration à Louis Feuillade, on peut penser qu’il a voulu ainsi faire revivre cette grande époque des pionniers. C’est cet aspect qui fait, aujourd’hui encore, tout le charme de Le silence est d’or.
Note :
Acteurs: Maurice Chevalier, François Périer, Marcelle Derrien, Dany Robin
Voir la fiche du film et la filmographie de René Clair sur le site IMDB.
Voir les autres films de René Clair chroniqués sur ce blog…
Je comprends votre approche, mais je trouve à ce film (vu plusieurs fois mais pas depuis un temps certain) le charme des choses surannées et précieuses. D’accord pour trouver Perrier en sous-registre, mais Derrien est exquise dans un rôle presque nunuche, et Chevalier en fait juste ce qu’il faut comme il faut. Néanmoins, le plaisir de ce film provient du formidable métier de René Clair, plein de légéreté et de sourires, et dans le cas présent, d’hommage au cinéma et ses personnages, tant ceux de Clair que du cinéma en général.
On est certes un cran en-dessous des « Grandes Manoeuvres », voire du « Million », mais je n’ai jamais regretté de revoir ce film. Ce qui me donne envie… 😉
Le film garde encore le style élégant de ses comédies antérieures, mais quelque part le rire est remplacé par une certaine nostalgie. Agréable à voir.
Les éminents critiques de cinéma ont certainement fait remarquer ou simplement remarqué qu’en cette fin des années 1940, début des années cinquante, trois grands cinéastes ont réalisé chacun un film ayant une trame très voisine.
Un homme d’un certain âge, évoluant dans le milieu du spectacle entretenant une relation +/- amoureuse avec une jeune actrice, une jeune danseuse.
Vous avez ainsi:
-Le Silence est d’Or de René Clair
– Les Feux de la Rampe de Charlie Chaplin
– Fernch Cancan de Jean Renoir
Délicieusement rétro, c’est Clair!
En ce jour anniversaire de la projection inaugurale et commerciale des frères Lumière au salon indien du grand café du boulevard des Capucines (125 ans) je cherchais un film qui convienne, c’est trouvé avec le nouveau Clair de retour d’Amérique, hommage au noir et blanc et muet, aux pionniers de 1903 comme on le découvre dans ce film de 47 où intervient sans cesse le cinéma dans le cinéma, celui « d’avant » dit d’époque, dans le cinéma d’alors, celui de 47. Oui il faut se laisser téléporter dans ce double temps dit du cinéma de papa. Si j’évoque cela en préambule c’est que Clair a toujours aimé jouer avec les astuces temporelles dans son cinéma à la ligne claire (ouaf!)
Lorsqu’il entreprend ce Silence au scénario et dialogue de son cru, il est tout proche de 50 ans et prend pour comédien/personnage un acteur qui lui aussi revient des US, un Maurice Chevalier grisonnant qui frise la soixantaine, éternel coureur de jupons et jolis minois à faire tourner dans les productions de ses studios qui ressemblent à ceux de Méliès
Pour l’un (René) comme pour l’autre (Maurice) le temps a filé, l’âge mur est arrivé et le spectre de la vieillesse se profile au loin, il faut en profiter, rester gai, libre, créateur, vivant (et Maurice tournera encore de semblables personnages avec Billy Wilder et Vincente Minnelli)
Entre le vieux-beau dénicheur de jolis minois à filmer et à aimer, et le petit jeune sans le sou (François Périer), il y a rivalité pour la même femme (par quiproquos), mais ce qui intéresse Clair c’est l’évolution de l’amitié entre les deux hommes. A la fin, le vieux s’effacera devant la jeunesse amoureuse, mais repérera aussitôt dans la salle de cinéma (où on projette son dernier film dont les deux tourtereaux en question sont les héros) une nouvelle venue : on ne se refait pas. « Vous aimez le cinéma mademoiselle? / Oh oui, beaucoup. J’aime surtout quand ça finit bien » lui répond-elle dans l’ombre de la projection lorsque s’inscrit le mot Fin sur l’écran. « Moi aussi » répond-il. Et nous aussi
Outre la note de mélancolie présente à ce retour au bercail français – celle du temps et de l’amour en fuite – ce qui me ravit chez Clair est la musicalité de son style, les notations rapides et spirituelles, les chansons let motif déployées en arabesque, reprises et variantes sur les mêmes thèmes
C’est un grand succès