Titre original : « Under Capricorn »
Lui :
Les amants du Capricorne apparaît comme un film plutôt surprenant dans la filmographie d’Alfred Hitchcock. Alors qu’il s’est fait une solide réputation de maître du suspense, le réalisateur tourne un film en costumes, sans intrigue policière marquée, un film qu’il produit lui-même. Dans l’Australie de 1830, un jeune gentleman irlandais rencontre un ancien forçat qui a fait fortune et sa femme qu’il a jadis connue. Celle-ci est la proie de terreurs qui semblent irraisonnées. Point de suspense donc mais un drame doté d’une grande profondeur, sur la culpabilité, le remords, l’amour et l’esprit de sacrifice. Le film fut un énorme échec (1), Alfred Hitchcock avouera lui-même regretter de l’avoir tourné, disant qu’il avait été obnubilé par sa volonté de faire tourner Ingrid Bergman qui était à l’époque l’une des actrices les plus recherchées (2). Les raisons de cet échec commercial sont toutefois plutôt inhérentes à l’aspect atypique du film pour Hitchcock car la seule faiblesse que l’on puisse reprocher au film se situe certainement du côté du scénario qui paraît un peu bâclé vers la fin. Hormis cela, Les amants du Capricorne est un beau film qui parvient à restituer la formidable tension interne de ses personnages. Le film est aussi connu pour ses longs plans-séquences, des plans de plusieurs minutes sans aucune interruption, qui mettaient les acteurs sous pression mais qui permettent d’obtenir une belle fluidité.
Note :
Acteurs: Ingrid Bergman, Joseph Cotten, Michael Wilding, Margaret Leighton, Cecil Parker
Voir la fiche du film et la filmographie de Alfred Hitchcock sur le site IMDB.
Voir les autres films de Alfred Hitchcock chroniqués sur ce blog…
(1) Le film fut même racheté par la banque qui avait avancé l’argent de la production. Le film fut donc fatal à la Transatlantic Pictures, la compagnie d’Alfred Hitchcock, qui n’aura ainsi produit que deux films : La Corde et Les amants du Capricorne.
(2) C’est notamment ainsi qu’il parle du film dans ses entretiens avec François Truffaut dans les années 60. Il faut dire que la critique en général n’a guère été tendre avec le film (à part Les Cahiers du Cinéma dans les années 50 qui a même classé le film parmi les 10 meilleurs films de tous les temps). Dans son autobiographie, Ingrid Bergman évoque à peine le film. Joseph Cotten, quant à lui, parle du film en des termes peu élogieux (il l’appelle « under corny crap« ). Ils ont tort…
Une anecdote célèbre : un soir de tournage, Ingrid Bergman a commencé à se plaindre auprès de Hitchcock des conditions de tournage. Hitchcock, n’étant pas du genre à argumenter avec les acteurs et encore moins à se mettre en colère, a quitté la pièce sans bruit et Ingrid Bergman a continué à se plaindre dans le vide pendant de longues minutes…
Je n’ai pas vu le film, mais la raison des terreurs irraisonnées ne serait-elle pas la clé d’un certain suspense ? 😉
Plus sérieusement, je ne suis pas sûr que le film me tente, surtout si la fin est bâclée. Vous avez pourtant le chic pour enrichir vos chroniques de détails intéressants sur l’histoire des longs métrages, et susciter un intérêt plus grand qu’il n’était dans un tout premier temps.
Bravo, merci, à bientôt. Je me régale presque à chaque fois que je viens ici.
Le terme « bâclé » n’est peut-être pas bien choisi.
Disons que la fin est très conventionnelle…
Merci pour vos commentaires… Du coup, j’ai rajouté quelques détails supplémentaires… :-))
Détails supplémentaires eux aussi très intéressants.
Merci, « Lui ».
aïe aïe aïe, difficile de retrouver la patte du grand Al. Dans les entretiens, il dit même qu’il en avait honte, non seulement parce qu’il n’avait pas rencontré le public, mais parce qu’il avait surtout été fait pour Bergman. Comme Truffaut, je me demande pourquoi ce qui avait plutôt bien fonctionné dans Rebecca et Notorious a échoué ici. Sans parler de la fin, vraiment baclée.. Je retiendrais la belle photo de Jack Cardiff, récemment disparu.
Pas d accord avec les critiques négatives. Je viens de le revoir au Champo, or, sans doute avec le temps, je nesais, mais Under caprîcorn est un film magnifique. Le scénario est très complexe, comprenant plusieurs lignes narratives, comme les deux personnages masculins, superbes, eux-mêmes « chargés » de leur propre histoire, et bien sûr la sublime Ingrid Bergman (dans les dix meilleurs actrices de l histoirte du cinema), passant le la détresse, avec son visage tourmenté, à la joie intérieure, face à celui qui, par son affection pour elle, veut la sauver de son erratisme, dont on saura ensuite qui en est responsable, son jeu subtil et fort, avec son visage et son regard intense. La culpabilité qui la détruit intérieurement, et son désespoir, partagé par son mari, qui nourrit l échec de leur couple, tout cela est narré avec une intensité dramatique et un leu d acteurs impeccable (les plans longs, jusqu à plus de 10 minutes, sont prégnants), bref, pour moi, un chef d oeuvre, et qui sait ce qu en penserait Hitchcock aujourd hui. Quant à la fin, non, elle n est pas bâclée, elle arrive just in time, sans surenchère émotionnelle, parce que les personnages sont tout simplement épuisés et n ont pas tout de suite pris conscience que le bonheur est là, cette fois, pour ce couple qui semblait maudit. Quant à l ami merveilleux qui les a sauvés du pire, le destin a voulu qu il était venu à Sidney pour remplir une mission : donner de l amour, et chasser la mort dans l âme. Quant à la gouvernante, amoureuse de son patron, dont elle veut empoisonner la femme, elle est bien la « méchante réussie », suivant la formule du Maître : « Pour que le suspense fonctionne, il faut que le méchant soit réussi. »