Titre original : « Omaret yakobean »
Elle :
Adaptation d’un best-seller signé par un jeune écrivain, ce film est une fresque inattendue, troublante et courageuse sur la société égyptienne contemporaine. C’est autour des habitants d’un immeuble mythique du Caire que le réalisateur révèle les failles d’un système gangréné par de grands écarts de richesse : le mal être de la jeunesse, la corruption de puissants qui exploitent les pauvres, le machisme, l’asservissement des femmes au bon vouloir des hommes, la montée de l’islamisme radical, le tabou de l’homosexualité, l’archaïsme des traditions, une quantité de facettes révélatrices d’une société malade, en perte de valeurs et de savoir vivre. Dans cette décadence ambiante, seuls une jeune femme et un sexagénaire nostalgique et admirateur de la France tentent de rester authentiques et honnêtes. La mise en scène est très douce dans la violence des comportements. Les éclairages sont somptueux avec une très belle photographie qui joue avec les flous et les plans en profondeur, et une caméra très mobile qui se glisse partout en observatrice de ce monde dévoyé.
Note :
Lui :
L’Immeuble Yacoubian est un film égyptien qui mérite d’être remarqué. Adapté d’un roman récent qui fit scandale, il bénéficia de moyens inhabituels pour le cinéma égyptien et s’écarta assez nettement de ses codes usuels, notamment en se concentrant non pas sur un seul personnage mais sur plusieurs. Il prend comme base un immeuble ancien et célèbre du Caire ; en nous faisant suivre plusieurs habitants de L’Immeuble Yacoubian, le film nous dresse en fait un véritable portrait de la société égyptienne, société que nous connaissons généralement plutôt assez mal. Elle nous est décrite ici comme écartelée entre une certaine soif de modernité et les pesanteurs liés à des archaïsmes profonds : le machisme, la corruption et l’intégrisme religieux. On comprend sans mal que le roman puis le film aient fait scandale en Egypte car le portrait n’est guère reluisant. Pire encore, sur le machisme par exemple, les quelques femmes qui parviennent à s’en affranchir utilisent cette liberté pour se livrer à des bassesses peu glorieuses. Non, le constat n’est guère optimiste, montrant plutôt une disparition des valeurs nobles, une impression de fin de civilisation. Sur la forme, L’Immeuble Yacoubian se présente comme un film à grand spectacle. Marwan Hamed se livre à une utilisation intensive, parfois immodérée, de travellings verticaux, latéraux, avants, arrières : ils sont le plus souvent assez beaux, tout comme l’image, très douce, avec une faible profondeur de champ pour mettre en valeur ses personnages. Si l’on peut reprocher un certain tape-à-l’œil, l’ensemble est tout de même très réussi sur le plan esthétique. Avec ses nombreux personnages, L’Immeuble Yacoubian montre une grande richesse qui le rend assez passionnant.
Note :
Acteurs: Adel Imam, Nour El-Sherif, Youssra, Essad Youniss, Ahmed Bedir, Hend Sabri, Khaled El Sawy, Khaled Saleh
Voir la fiche du film et la filmographie de Marwan Hamed sur le site imdb.com.