Titre original : « Man cheng jin dai huang jin jia »
Elle :
Une fresque impériale éblouissante se déroulant au temps de la dynastie des Tang qui n’a rien à envier aux grands péplums américains. On en prend plein les yeux à chaque plan! Des décors grandioses rouge, or et rouge sang, une palette rutilante de couleurs un peu kitsch, des costumes somptueux, des scènes de bataille magistrales basées sur l’effet de foule et de répétition, de superbes éclairages et effets sonores, de bons acteurs … Zhang Yimou réalise un sans faute sur le plan de la mise en scène et impressionne par sa dextérité étonnante. Machinations, complots, trahisons gangrènent la famille impériale qui se déchire et s’entretue. Le scénario est assez simple ; il faut se laisser porter par les images de ce film à grand spectacle.
Note :
Lui :
Les premières minutes de La Cité Interdite donne le ton général du film avec des images spectaculaires mettant en œuvre des décors somptueux et un nombre impressionnant de figurants. Hélas, ce grand spectacle tombe trop rapidement dans la démesure ce qui provoque en nous une sorte d’overdose et le sentiment d’être face à des images artificielles vient trop souvent à l’esprit. Même les décors et costumes, avec une véritable débauche de couleurs rouges et or, paraissent excessifs en tous points. Certes, La Cité Interdite reste un grand spectacle, Zhang Yimou faisant preuve d’une belle maîtrise de mise en scène, Chow Yun-Fat et Gong Li font deux belles prestations en empereur et impératrice de la dynastie Tang dans la Chine du Xe siècle, mais l’ensemble paraît trop excessif.
Note :
Acteurs: Chow Yun-Fat, Gong Li, Chou Jay, Liu Ye
Voir la fiche du film et la filmographie de Zhang Yimou sur le site imdb.com.
Voir les autres films de Zhang Yimou chroniqués sur ce blog…
Contrairement à vous (et surtout à Elle), j’ai trouvé la photo de ce film trop criarde. Grosse déception sur ce plan-là, alors que, pourtant, j’adore les films en costume (d’hier et d’aujourd’hui). Comme, de plus, je ne suis jamais rentré dans l’histoire, ça reste un piteux souvenir. Je préfère de loin « L’empereur et l’assassin », d’un genre il est vrai un peu différent.
J’attendais tellement mieux…
Inutile de vanter encore les multiples talents de la plus grande actrice asiatique de son temps, Gong Li. Tout est dit. Zhang Yimou, le premier à croire en elle, ne s’est pas trompé. Elle n’est pas seulement belle, elle est aussi talentueuse, touchante. Gong Li aime les rôles difficiles, ceux de femmes aux apparences soumises, serviables pour na pas dire serviles, malmenées par des conjoints généralement peu scrupuleux… Mais elle n’est pas ce genre de femmes qui se résignent sans rien dire. Non, l’actrice préfère des femmes de caractère, des révoltées, prêtes à tout pour conquérir une liberté si chèrement convoitée. Gong Li, une combattante dans l’âme.
Dans la Cité Interdite, elle incarne cette Impératrice à la fois soumise et insoumise. Son haut rang la contraint à bien des concessions. Accepter les mépris et les entreprises machiavéliques d’un mari qui ne désire pour elle qu’une chose : sa mort. Accepter de boire quotidiennement cet odieux breuvage empoisonné qui doit avoir raison d’elle. Tout en le sachant, ou du moins en l’apprenant.
Une femme séductrice et machiavélique elle aussi. C’est bien tout ce qui l’unit à son horrible époux. Avec les trois fils de l’empereur (issus de la femme aimée, celle encore vénérée), elle entretient des relations ambiguës, à la limite du dérangeant : pour l’aînée, elle se fera tigresse, passionnelle et maîtresse, désirable au possible. Avec le second, un lien filial, pourtant inexistant de fait, se créera, touchant, émouvant, troublant. Une fidélité infaillible semble désormais les unir et c’est par amour pour sa mère que le fils indigne n’hésitera pas à défier ce père tant admiré. Avec le dernier des fils, il n’y aura rien ou plutôt si, un mélange d’intrigue et de dédain pourrait-on dire. Un cadet de toute façon détesté aussi bien par sa mère adoptive que par son père ; un dédain et une haine qu’il saura leur rappeler en assassinant impunément son aîné avant de provoquer en duel son géniteur (tentative vaine, perdue d’avance, mais révélatrice d’une souffrance dévorante).
Elle n’est rien pour ces trois garçons, mais elle sait qu’elle peut tout en tirer. Amour libertin ou amour maternel, elle aura besoin de leur aide pour se venger. Et quand la rebelle se révolte, l’empereur, glacial toujours, ne semble pas impressionner. L’armée constituée par son insoumise d’épouse se heurte à un obstacle de taille : celle du maître des lieux est plus expérimentée, elle possède des armes et des tactiques de combat redoutables. Mais ce n’est pas là que se noue le drame, qui arrive bien avant la scène du combat final… Combat vain pour l’impératrice qui une fois de plus devra s’incliner devant l‘impitoyable menthor.
Le drame, c’est celui d’une famille divisée, décomposée, meurtrie, en partie par le désir de vengeance de l’Impératrice. Pour « transpercer » le patriarche, il lui faut redoubler d’efforts. Réunir dans une même sale son tendre mari, son fils aîné (quelques minutes avant son trépas), son ancien et seul véritable amour (une femme au courage extraordinaire) et sa charmante fille, toutes deux fuyant une mort acharnée. Mais plus remarquable, il lui faudra faire éclater la vérité. Des non-dits destructeurs qui ont trop longtemps fait souffrir. Il suffit de quelques mots et de regards pour que tout devienne fluide. Un fils cachée, un amour incestueux entre le fils aîné et sa (nouvelle) sœur, un mari qui a fermé les yeux… et le tour est joué. Terrifiée par cette cruelle clairvoyance, la jeune femme se sauve, emportant dans sa détresse et dans la mort sa pauvre mère, que des cris et des larmes ne parviendront pas à arrêter. « Tu es satisfaite, maintenant ? », lancera le mari « poignardé » en plein cœur à sa chère et tendre. Insensibilité et fierté, celle-ci, impassible, de répondre : « Parfaitement satisfaite ». Les dés sont jetés, la guerre ouverte, les festivités peuvent commencer.
Une terrible défaite, des larmes. A la table de son bourreau, l’épouse désenchantée, ayant cru un moment pouvoir le détrôner, n’a que le seul fils ayant survécut sur lequel compter. Celui-là même que depuis le départ elle a investi d’un amour inconditionnel. Le fils a un dilemme terrible, déchirant : choisir de tuer sa mère ou de se tuer. Comment aurait-il pu vivre sachant que, chaque jour, il devrait imposer le terrible breuvage à cette femme qui la hisser au rang de héros (même s’il fut déchu et humilié) ? Il choisira la seconde solution. Pour la Reine, c’en est fini. Et ainsi, tout revient dans l’ordre en quelque sorte. Cet ordre chinois dans lequel chaque chose reste à sa place, et si par malheur elle vient à un moment à en dévier, inexorablement elle retournera au point premier. Comme dans un cycle bouclé, sans issue possible.
Au début du film, l’empereur et son épouse étaient seuls autour d’une table symboliquement macabre. A la fin, rien n’a changé, hormis que le cri de douleur de l’Impératrice est annonciateur d’une chose… Ce n’est pas en s‘abreuvant du liquide maléfique que cette dernière signera ses derniers jours, mais bien en sortant du rôle qui lui fut assigné. En ce temps, encore fallait-il savoir que dévier, c’était mourir. Belle morale. Belle tentative aussi. Belles prestations !