Elle :
Cléo de 5 à 7 nous plonge en nostalgie délicieuse dans le Paris très vivant du début des années 60. Agnès Varda filme en très grande liberté les rues, les gens et son personnage principal interprété par Corinne Marchand. Cette jeune femme chanteuse attend les résultats d’un examen médical avec grande anxiété. Cette attente insupportable va lui donner l’occasion de partir en quête d’elle-même pendant 1h30 dans les quartiers de Paris. Du terrible diagnostic d’une cartomancienne, Cléo ouvre petit à petit les yeux sur ce qu’est réellement la vie en dehors des apparences qu’il faut préserver dans son métier. Parmi ses rencontres, elle tombe sur un militaire qui lui tient un tout autre langage sur le sens de la vie. L’angoisse fait place à la sérénité pour la première fois. Un film émouvant en très beau noir et blanc.
Note :
Lui :
Cléo est une jeune chanteuse qui attend les résultats de ses examens médicaux. Elle pense être atteinte d’une maladie grave. Cléo de 5 à 7 se déroule en temps réel sur presque deux heures (en réalité de 5h à 6h30) où Cléo va essayer de chercher du soutien dans son entourage. Ce faisant elle va mesurer la futilité de son existence mais trouvera quelque chose qu’elle n’attendait pas. Le film d’Agnès Varda est très teinté « nouvelle vague » avec ce pari audacieux de filmer de longues scènes de rues en plans-séquences qui nous replongent dans le Paris des années 60. Au-delà de cette prouesse technique de réussir à maîtriser ainsi le temps, Agnès Varda parvient à aborder des sujets graves avec une vitalité et un optimisme peu courants. Cléo de 5 à 7 est presque une vraie leçon de vie.
Note :
Acteurs: Corinne Marchand, Antoine Bourseiller, Dominique Davray, Dorothée Blank, Michel Legrand
Voir la fiche du film et la filmographie de Agnès Varda sur le site imdb.com.
Voir les autres films de Agnès Varda chroniqués sur ce blog…
La séquence « Les fiancés du Pont Mac Donald » est un mini-film dans le film dans lequel Agnès Varda fait jouer beaucoup de ses amis (non mentionnés au générique). Les « fiancés » sont Jean-Luc Godard et Anna Karina et on peut aussi y voir Sami Frey, Jean-Claude Brialy, Yves Robert, Eddie Constantine et Danièle Delorme.
Cléo dispose de cent vingt minutes de réflexions à l’air libre afin de se préparer à une sentence finale.
Deux heures égrenées dans les rues d’un Paris scénarisé par des procédures quotidiennes distantes de rencontres spontanées entre projets des uns et desespoir des autres.
Il faut tout se dire en quelques minutes avec en toile de fond une ville procéduriere dans des actions récurrentes, se prouver que l’on existe par la voix plus pour soi même que par l’apport des autres en testant courageusement une indifférence collective à la terrasse d’un café.
Cléo n’a pas le choix elle doit accepter l’autre comme volatile, narcissique, pleins de projets.
Les contraintes et les vitalités rencontrées narguent une jeune femme ne pouvant construire qu’un relationnel limité dans le temps au contact d’une faune anonyme dans une mégapole structurée par le devoir de production.
Cléo néantisée par l’énergie collective visualise les vibrations du monde.
La dernièr quart d’heure sensible consacré au gentil militaire regagnant l’Algérie alors en guerre tout en laissant en apparence un infime espoir de construction sentimentale n’ôte pas le doute sur la difficulté d’élaborer une stabilité à long terme. La maladie scelle un avenir que Cléo doit assumer seule.
Un esprit trituré par le potentiel d’un diagnostic à risque se lache dans une ville en pleine transpiration. Paris n’à jamais aussi beau, filmé par une cinéaste de l’errance la ville palpite en temps réel une technologie obsolète faite de plates formes de bus, de spragues et de machines à vapeurs.
Ces deux heures distillées entre craintes et espérances dirige une entité momentanément récupérée par la thématique du vacarme urbain vers une conclusion ne laissant que peu de chances sur la possibilité d’offrir à une femme pleine de vie la possibilité de s’ébattre dans un élément souverain, le temps.
Cléo de 5 à 7 œuvre de rues promotionne les rencontres improvisées stimulant colères, rires et larmes dans une procédure sensorielle frémissant en décor naturel.
Remarquable Corinne Marchand + chef d’oeuvre d’Agnès Varda = plaisir renouvelé à chaque visionnage !
J’ai revu, hier, ce film magnifique, profondément limpide, émouvant, servi par des dialogues mesurés et intelligents, un noir et blanc d’une beauté incroyable (merci Jean Rabier). C’était dans le cadre du Festival Lumière à Lyon. La version avait été restaurée. Je suis catégorique : il s’agit là d’un des meilleurs films des années 1960, l’opus magnum de cette grande réalisatrice qu’est Agnès Varda. Paris n’a jamais mieux été filmée qu’ici. Tout est profondément authentique : les états d’âme de Cléo, effrayée à l’idée de mourir, et son environnement : l’esprit de Paris et de ses habitants. Filmée en temps réel, cette histoire est impérissable. Et puis l’on y évoque, à travers Antoine (Bourseiller), le soldat appelé, et la radio d’un chauffeur de taxi (une femme, ce qui était rare à l’époque), la dramatique Guerre d’Algérie – ce qui était plutôt rare à l’époque (bis répetita). Constatons tout simplement qu’Agnès n’a cessé de tourner alternativement – sa vie durant – documentaires et fictions. Est-ce là le signe de sa force et de sa maîtrise ? Un film féministe évidemment – la colère exprimée par Cléo/Florence/Corinne Marchand et la découverte de sa véritable raison d’être et non de paraître (femme-objet, femme-image, femme-reflet), mais avant tout une oeuvre d’une humanité exceptionnelle, au ton grave et léger tout à la fois.
L’ATTENTE
Je suis passé hier déposer une fleur, une fleur claire et printanière rue Daguerre, une fleur couleur de bruyère à notre grand mère pionnière, une fleur légère comme l’air de ce 29/03/19 où Agnès vient de monter vers le ciel en ballons confectionnés par le street artiste JR
Cléo, je l’ai vue lorsqu’elle est sortie arpenter les rues de Paris lors d’un autre printemps, en avril 62, au Gaumont rive gauche rue de Rennes, juste un an après Lola
Et j’ai aussitôt été subjugué par ce film ovni tendance nouvelle vague, tourné/monté en faux temps réel, débutant par un plan couleur et se poursuivant dans une balance de noir et blanc remarquable
Je ne reviens pas sur la thématique développée par Elle et Lui. A l’exact milieu du film Cléo / Corinne, peruquée, habillée d’une autre mode, répète une chanson « porteuse », signifiante – elle est chanteuse – accompagnée au piano par Michel Legrand tout jeune, tout fou (la double nécro récente fait mal au coeur)
« Sans toi je suis une maison vide
Comme une île déserte
Que recouvre la mer
Mes plages se dévident
Sans toi, sans toi
Belle en pure perte
Nue au coeur de l’hiver
Je suis un corps avide
Sans toi sans toi… » etc (paroles d’Agnès Varda, musique de Michel Legrand)
Chanson filmée en un seul plan séquence par une caméra tournante autour d’elle peu à peu l’enserrant dans son cadre, effaçant progressivement tous les blancs pour ne garder qu’un fond noir. Cette plaque tournante est aussi le tournant du film, celui où Cléo reçoit la fragile futilité de sa vie et un sens du tragique jusque là sans doute absent
Les trajets à pied, en bus, en taxi dans la ville qui l’emmènent de Rivoli à Montparnasse et du parc Montsouris aux polownias de la place d’Italie,jusqu’à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière sont emplis de charme drôle et nostalgique proche du documentaire documenteur. On y voit l’ancienne gare Montparnasse et les locomotives à vapeur, des cinémas disparus, les ateliers d’artistes du 14ème avec les modèles nus, on y entend des nouvelles de la santé d’Edith Piaf à la radio, etc.
Agnès Varda formait avec son mari Jacques Demy le couple unique de cinéastes du cinéma français. Nul doute qu’ils soient réunis aujourd’hui en entier et nous regardent pas loin des plages de Cherbourg, Noirmoutier ou d’ailleurs