Titre original : A letter to three wives
Lui :
Chaînes Conjugales n’est que le sixième long métrage de Joseph Mankiewicz mais il y fait preuve d’une maîtrise du scénario et de la réalisation exceptionnelle. Alors qu’elles sont sur le point de prendre un bateau qui va les isoler du monde pour la journée, trois femmes reçoivent une lettre d’une amie qui leur annonce qu’elle part avec le mari de l’une d’elles. Toutes trois vont faire le point sur leur mariage, réfléchir à l’état de leur relation. Chaînes Conjugales est donc avant tout un film sur le mariage, sur les rapports entre hommes et femmes et la façon dont chacun peut gérer ses légères frustrations ou le sentiment de légère instabilité. Mankiewicz traite ce sujet sans manichéisme, tout n’est pas mauvais et tout n’est pas idéal, chacun doit composer. Comme toujours avec ce réalisateur, tout passe par les dialogues, profonds, riches et résultant d’une fine observation des caractères. L’originalité est l’ajout d’une intrigue presque policière, on ne sait absolument pas lequel des trois maris est parti, et aussi l’utilisation de la quatrième femme, la voleuse de mari, en voix off pour jouer le rôle de narratrice (ce procédé a été maintes fois copié depuis). Il faut souligner le jeu très solide des acteurs, non seulement des trois femmes, toutes trois parfaitement différentes sans être trop typées, mais aussi des trois hommes, très consistants eux aussi dans leur personnage. Mankiewicz en profite pour dresser un portrait de l’Amérique moyenne en cette fin des années quarante, d’égratigner le snobisme et le culte de l’argent ; il livre une attaque en règle contre la publicité (radiophonique à l’époque) et contre une certaine détérioration du langage. Chaînes Conjugales montre un parfait équilibre, un déroulement parfait, un contenu étoffé ; c’est toujours un plaisir de le voir et de le revoir.
Note :
Acteurs: Jeanne Crain, Linda Darnell, Ann Sothern, Kirk Douglas, Paul Douglas, Thelma Ritter, Jeffrey Lynn
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* Le scénario est adapté d’un roman de John Klempner « Letter to five wives ». Il fut ramené à quatre femmes lors d’une première écriture, puis à trois par Darryl Zanuck. A ce propos, Mankiewicz dit modestement dans un interview : « J’aurais du y penser moi-même qu’il suffisait de supprimer encore une femme pour le raccourcir, mais j’étais encore inexpérimenté à l’époque. »
* L’historien et critique de cinéma Jacques Lourcelles rapporte qu’il arrive encore que, lors des passages à la télévision américaine, le film soit amputé de la tirade de Kirk Douglas contre la publicité.
* Un remake a été fait pour la télévision en 1985 par Larry Elikann.
Excellent film de JLM, ou l’on retrouve déjà ses prédilections pour les flash-backs, et un scénario et des dialogues ciselés aux petits oignons. C’est Celeste Holm qui fait la « voix », l’amie Bette Davis dans « Eve ». D’après P Brion au cinéma de Minuit (sauf erreur de mémoire de ma part), c’est surtout le deuxième épisode qui avait intéressé Manckiewicz. Il faut dire que certaines scènes sont assez burlesques, notamment quand le couple Douglas/Sothern avec T Ritter en bonne, reçoit la patronne de A. Sothern. Comment le décervelage de cervelle a commencé il y a plus de 50 ans !
Une merveille et un plaisir toujours intact à chaque vision. C’est doux, c’est amer, sans jamais être chiant ou nian nian.
C’est aussi iconoclaste avec la superbe tirade de Kirk Douglas sur les médias en général et la télévision en particulier.
Une comédie de mœurs proprement indispensable!