Lui :
De retour du Vietnam, un ex-marine devient chauffeur de taxi à New York. Il travaille la nuit et ne refuse aucune destination. Mentalement instable, il ressent mal le sordide de certains quartiers et le besoin d’assainir sa ville se développe en lui… Avec Taxi Driver, Martin Scorsese a montré New York comme aucun cinéaste ne l’avait fait avant lui. L’interprétation puissante de De Niro a donné au film toute sa complexité et sa portée. Le propos est complexe : dévastation mentale des anciens du Vietnam, violence sous-jacente, le décalage du discours politique, le besoin d’amour… Il est aussi, comme souvent avec Scorsese, ambigu et le dénouement a été l’objet de controverses. Il est un peu dommage que la réputation du film se soit surtout faite sur la scène finale, cette explosion de violence cathartique, car Taxi Driver est tout de même bien plus complexe que cela… De son côté, la forme est innovante et personnelle, à commencer par ce superbe générique, très graphique, rendu angoissant par la très belle musique de Bernard Herrmann. Très remarqué (à juste titre), le film a définitivement « lancé » aussi bien Martin Scorsese que Robert De Niro.
Note :
Acteurs: Robert De Niro, Jodie Foster, Cybill Shepherd, Harvey Keitel, Albert Brooks, Peter Boyle
Voir la fiche du film et la filmographie de Martin Scorsese sur le site IMDB.
Voir les autres films de Martin Scorsese chroniqués sur ce blog…
Remarques :
* Jodie Foster était effectivement âgée de 12 ans lorsqu’elle a interprété la prostituée de 12 ans dans Taxi Driver. Dans les scènes trop explicites, elle est doublée par sa sœur Connie, âgée de 19 ans.
* Robert De Niro a travaillé un mois comme chauffeur de taxi et a étudié les maladies mentales pour mieux s’imprégner de son personnage. La scène du miroir a été improvisée par lui.
* Martin Scorsese joue le rôle du client qui espionne sa femme.
* Bernard Hermann a (entre autres) également signé la musique de Psychose et de Sueurs froides d’Hitchcock.
YOU TALKIN’ TO ME!
Cette interjection improvisée pendant le tournage par De Niro devant une glace avec une arme à feu braquée à répétition sur nous (nous les spectateurs) a fait le tour du monde, elle est un peu le symbole de cette descente aux enfers new-yorkaise, la ville poubelle de ces seventies que Travis – l’anti héros du film – s’est juré de nettoyer comme investi d’une mission divine qu’il s’est lui même assignée, un rien mégalo, projet qui lui vient comme ça au volant de son taxi de nuit pour chasser ses insomnies et qui le conduit, et nous avec, de Bronx en Queens, d’Harlem à Brooklyn, à travers les quartiers nocturnes de la grosse pomme à la faune interlope et peu engageante de ces années là. Il tient un journal et se raconte en voix off, abandonnés en cours l’un et l’autre, le film est un journal filmé. On ne saura jamais rien d’autre de Travis, solitaire sans attaches, ancien vétéran marqué du Vietnam, sauf qu’il a encore quelque pat ses parents à qui il écrit une carte postale pour donner de ses nouvelles. Avec les filles c’est pas mieux. Taxi driver est un film « à stations » comme chez Godard – chaque séquence étant un épisode sur le « chemin de croix » de Travis – qui arpente le canevas de Paul Schrader en quadrillant la ville au gré des rencontres. Scorsese y affute de très brillantes variations de mise en scène, son sens rapide et musical, son don à faire jouer les acteurs, à capter une ville, sa ville, son coloriage et son outrance jusqu’à l’étau final qui fait éclater l’hémorragie qui couvait par tant d’indices semés sur la route (l’anti Woody Allen, l’autre chantre de NYC, versant Manhattan)
Le prix Lumière, l’expo et l’intégrale Scorsese (72 ans) tombent à point pour redécouvrir et réévaluer toute l’oeuvre de ce fils d’émigrants siciliens, sacré cinéphile, oeuvrant pour la restauration et conservation des films, dont TAXI DRIVER fut pour beaucoup d’entre nous une révélation en 76 au moment de sa sortie quelques jours après sa palme d’or cannoise, parallèlement à la sortie d’un film précédent : MEAN STREETS plus autobiographique, où tout Scorsese est déjà en place, à la manière des Vittelloni felliniens dans la Little Italy (qui n’existe plus à l’identique aujourd’hui), avec ses quatre macaronis glandeurs et survoltés, avec la découverte de Harvey Keitel (en double de Scorsese) et De Niro électrique et irrésistible, film déjà marqué du sceau de la chute et de la rédemption par la violence et la vengeance « purificatrices » (même final que Taxi Driver). Car pour beaucoup de gens interrogés sur leur souvenir de TAXI DRIVER l’épilogue ambigu est oublié, la fin du film étant même assimilée à la mort du personnage (!) Un rêve? Ou plutôt un cauchemar!. On peut s’interroger sur cet épilogue qui renverse la vapeur et fait de Travis non plus un anonyme négatif voué à disparaitre, mais un héros positif, clean et célèbre. La suite des films de Martin (qui se destinait un temps dans sa jeunesse à la prêtrise) prouvera que l’ambiguité perdurera sur le sens de certains de ses films
De Luce Caggini
Quarante huitième et sixième.
Columbus Circle.
Sixty third and Broadway.
Je regarde Taxi Driver pour la première fois ; probablement la seule sur la planète à ne pas l’avoir vu à sa sortie en 1976.
Un « checker » jaune avec une bande de damiers noirs et blancs qui se prenait pour un char de combat menant une offensive contre l’enfer des morts de Dante, « whores, skunks, pussies, buggers, queens, junkies », un jour viendra où une bonne pluie lavera les rues de toutes ces saloperies. French quarters.
Je prends Un café et une salade de fruits avec Betsy et Travis.
Le coup des« beaux yeux »c’est du réchauffé mais la musique de Bernard Herrmann est une offrande.
Vertige salutaire, évasion providentielle.
Temps d’arrêt pour faire l’impasse sur le tourment des bannis des errants. Ce ne sont plus les juifs mais les autres, ceux qui circulent d’une frontière à l’autre, la peur importée, le visage rétréci par l’angoisse, la fatigue, l’essoufflement de la déroute.
… « négro… un nègre »… des mots cinglés…
« C’est à moi que tu parles ? ».Les syriens vous le demandent.
Demandez pardon à genoux Mr Blair ou taisez-vous pendant que les Syriens se font exploser et qu’un patrimoine universel fout le camp.
Le Vietnam… pas fini. Un regard dans le rétroviseur avec l’œil de Travis.
« Les Etats-Unis prévoient d’envoyer demain un navire de guerre circuler à proximité d’îles artificielles construites par la Chine en mer de Chine méridionale, au nom du principe de la liberté de navigation »… Moi qui croyais au Droit du Bonheur… Thanks God… Donald Trump, monade naguère élevée au rang de tour n’est plus le favori des sondages.
Des bulles, des bulles…
Effervescence au fond d’un verre au bistrot des cabs’drivers… « you got what you see » ou le contraire « you see what you got » je n’ai pas pris le temps d’analyser ; Michel Onfray ne pardonnera pas.
Après m’être tapée toute sa conférence au Mémorial de Caen, mémoire et mots de passe disparaissent de mon écran.
« I make a move », dans le Sinaï : plus rien ne bouge.
Chez Madame Angot, on se roule dans une dotation de trente mille euros : Travis Bickle a la nausée.
Orhan Pamuk se ment quand il met en perspective l’art de la littérature et le mirage d’une mémoire animée de ses souvenirs de jeune turc dans le même amour que Istanbul. Entre trois points de vérité et il n’y a que deux passages : la vie et la mort.
« on radio call »… 3596 « je fais le taxi, moi, c’est tout ».
Dans le checker de Travis Bickle, une sensation de virtuel qui se met à générer ma vie passée à NYC, désordonnée, dense, ondoyée, unie aux vétérans, régie par la loi du monde des ors et des petits malfrats, un coin de noirceur.
Ankara sur la voie d’une forêt obscure féroce et âpre et forte.
Mais un jour, je mènerai le char de la joie de vivre.
http://lucecaggini.blog.lemonde.fr/2017/09/17/dante-navait-pas-prevu-cette-descente-le-checker-de-travis-bickle/