Elle :
Un film noir d’une très grande force et cruauté qui montre la noirceur et la perversité d’une foule lorsque des soupçons de meurtre pèsent sur un innocent incarné ici par le grand Michel Simon. Julien Duvivier n’a pas son pareil pour écrire des dialogues pleins de gouaille, faire passer les émotions au plus près des visages, débusquer les travers et la méchanceté des gens, mettre en scène cette rumeur qui monte peu à peu dans cet imaginaire quartier de Paris. Il déplace sa caméra avec grande fluidité dans la foule et fait monter la tension. Un film incontournable d’une grande intensité visuelle et de contenu.
Note :
Lui :
A son retour des Etats-Unis, Julien Duvivier décide de tourner un film très noir, Panique, adapté d’un roman de Simenon. Ce film est souvent considéré comme étant le meilleur de toute sa carrière. Il est très noir car il montre un Monsieur Hire (Michel Simon) en butte à la vindicte populaire, une société de laquelle ne ressort personne d’estimable : que ce soit par crime, par pure bêtise ou par un aveuglement amoureux béat, tous vont faire bloc contre Monsieur Hire et Duvivier ne va pas céder à la facilité de faire un happy-end hollywoodien classique. Panique est assez remarquable car il parvient à nous faire changer du tout au tout : on finit sur des sentiments totalement opposés à notre impression du début. Michel Simon est remarquable, à la fois sobre dans son jeu et puissant, et Viviane Romance est lumineuse. Terriblement pessimiste sur la nature humaine, Panique est un film puissant qui sait générer en nous des sentiments forts et d’une efficacité rare dans sa démonstration.
Note :
Acteurs: Viviane Romance, Michel Simon, Max Dalban
Voir la fiche du film et la filmographie de Julien Duvivier sur le site imdb.com.
Voir les autres films de Julien Duvivier chroniqués sur ce blog…
Patrice Leconte réalisa un remake de Panique en 1989 : Monsieur Hire, avec Michel Blanc et Sandrine Bonnaire, probablement l’un des films les plus intéressants de ce cinéaste. Se démarquant du film de Duvivier, Patrice Leconte a axé son film sur la relation, étrange mais riche en attirances, qui s’établit entre Monsieur Hire et la jeune femme. Michel Blanc est étonnant dans ce rôle.
Le plus beau Duvivier que j’ai vu, et je crois bien les avoir tous vus. Michel Simon y est incroyable, et le film d’une tristesse et d’une noirceur indescriptibles.
En réalité, le film de Patrice Leconte n’est pas un remake de « Panique », mais une nouvelle adaptation du roman de Georges Simenon « Les Fiançailles de Monsieur Hire ». Cette version est nettement plus fidèle au livre que le film de Julien Duvivier. Seule la fin des deux films est identique et différente de celle du roman, car plus spectaculaire : Simenon, lui, a fait mourir Monsieur Hire d’une crise cardiaque.
Un chef d’oeuvre d’un grand réalisateur! il faut absolument découvrir les grands Duvivier: bien sûr « carnet de bal » « Pépé Le Moko » « Voici le temps des assassins » (remake en cours) » la belle équipe » ,mais aussi la sublime « fin du jour » ainsi que « la fête à Henriette » « sous le ciel de Paris » « au royaume des cieux » « David Golder »….
COUR SUR FENETRES
Nous, spectateurs, en sommes persuadés, Alice et Fred ont fait l’amour, en pleine lumière, sous ses yeux. Leur fenêtre est restée grande ouverte, durant la nuit. Car, en face, caché dans le noir de son salon, Hire passe son temps à observer Alice. Ensuite, la caméra retourne à l’intérieur de la chambre des amants, près du lit. En plan serré, elle suit leur dialogue de comploteurs. Hire demeure là, sans aucun doute. Il les épie, mais ne peut les entendre, mais c’est à lui, nous spectateurs, que nous pensons…Ce n’est pas Fenêtre sur cour, mais Cour sur fenêtre. Plutôt Edward Hopper qu’Alfred Hitchcock. L’ellipse est parfaite. Et nous voilà du côté de Mr Hire. Ce vilain barbu désagréable qui n’aime personne, sauf Alice, et que personne n’aime, même Alice.
Mais il n’y a pas que les fenêtres qui espionnent. Les vitrines aussi. Celles des commerçants, des cafés, d’où l’on suit l’enterrement qui passe ou bien l’Intrus qui arrive dont ne sais où. Et puis il y a l’appareil photo de Mr Hire. Avec ça, personne ne s’échappe, les homes, les femmes, les enfants, et, surtout, le faux comme le vrai coupable. Comme dans Pétrus ou même Quai des Orfèvres le cliché est révélateur, cette société ne peut cacher son récent passé. La bêtise non plus ne parvient à se dérober de l’objectif de Mrs Hire/Simon/Duvivier.
Michel Simon est Monstrueux de sobriété. Viviane Romance, que Duvivier et Spaak font sortir de prison, elle, qui fit partie du « voyage de la honte», de 1943, en Allemagne, ne fut jamais aussi belle. Son sourire illumine, comme la photographie de Nicolas Hayer, sans cesse à la limite du sur-ex. Ce « Noir et Blanc » là mérite son appellation. Paul Bernard, la petite gouape que le spectateur d’origine soupçonne tout droit échappé de la «Carlingue» est maquillé tel un Pierrot. La France tout juste libérée conserve ses yeux fardés.
Les gens du quartier sont des caricatures, mais de chair et d’os. Tout est au bord de la rupture dans Panique, comme Mr Hire, la vie suspendue à une gouttière déglinguée. Comment peut-on parler de naturalisme pour un tel film ? Alors que nous demeurons sans cesse à la dérive, flottant dans l’espace et le temps, comme dans une peinture japonaise !
Julien Duvivier n’est pas seulement «l’illustrateur de la noirceur des sentiments», mais un grand Auteur.