Titre original : « Solntse »
Elle :
Un film original de par son sujet. Sokurov ne cherche pas à analyser les ambiguïtés et le rôle historique de l’Empereur Hirohito lors de la deuxième guerre mondiale. Il s’intéresse davantage à l’homme qu’il est, en tant qu’homme de pouvoir vénéré comme un dieu soleil au moment où le Japon connaît la défaite. Hirohito est prisonnier de codes rigides tout comme les chambellans qui l’accompagnent. Multitude de courbettes mécaniques et de politesses à l’image d’un Japon sclérosé dans ses traditions. L’homme est presque touchant tant il vit dans une bulle comme un enfant, à l’écart de la tragédie qui se joue. C’est la reddition aux américains qui va lui faire perdre son aura et le transformer en être humain. Peu de dialogues ; c’est une lente métamorphose qui se concentre sur les scènes du quotidien, les gestes et les tics de l’empereur. Une belle mise en scène sépulcrale accompagne cette renaissance.
Note :
Lui :
Le Soleil évoque le destin de l’Empereur du Japon Hirohito au moment il doit accepter la capitulation face aux américains en août 1945. Le film d’Alexandre Sokurov n’a cependant rien d’un film historique classique ; en fait, le cinéaste russe a choisi de nous immerger dans l’univers étroit et fermé de l’Empereur pour mieux comprendre quelle a pu être son influence sur le déroulement de la seconde guerre mondiale (sa responsabilité réelle est toujours controversée). Nous suivons donc l’Empereur sur quelques jours, assistons aux cérémonials codifiés de sa vie quotidienne. L’Empereur a un statut de demi-dieu dans la civilisation japonaise, il vit dans palais/bunker, totalement coupé du monde extérieur, surprotégé. Petit à petit, nous pénétrons dans son univers et avons l’impression de faire corps avec lui. Sa rencontre avec le Général MacArthur est délicate tant ils semblent vivre dans deux mondes différents. L’acteur Issei Ogata a fait un travail remarquable pour personnifier « celui qui ne doit pas être personnifié ». Face à lui, le général MacArthur (interprété par un acteur assez jeune alors que MacArthur avait 65 ans à l’époque) n’a aucune prestance ni aucune présence, certainement un choix volontaire du réalisateur pour accroître l’abîme qui les sépare. Le Soleil se déroule vraiment très lentement, surtout dans sa première partie, mais au final se révèle être assez fort.
Note :
Acteurs: Issei Ogata, Robert Dawson, Shirô Sano, Shinmei Tsuji
Voir la fiche du film et la filmographie de Aleksandr Sokurov sur le site imdb.com.
Voir les autres films de Aleksandr Sokurov chroniqués sur ce blog…
Vous auriez pu préciser que « Le soleil » conclu une trilogie dont la réflexion porte sur l’exercice du pouvoir au travers de trois dictateurs ayant marqué la première partie du XXème siècle :
– Hitler dans « Molokh »
– Lénine dans « Telets » (ou Taurus)
– Hirohito dans « Le soleil »
L’idée maitresse de ces trois films est la dépersonnalisation du pouvoir qui devient une entité autonome qui dépasse le dictateur qui en incarne pourtant l’exercice. Hitler devient une être ridicule et insignifiant de médiocrité entouré d’un aréopage complaisant, Lénine devient le témoin placide de l’échec de la révolution d’octobre et Hirohito est le prisonnier d’une tradition qui le dépasse.
Il ne faut chercher aucune vérité historique au travers de ces trois films. Le but n’est pas de décrire ou justifier l’action de ces trois personnages qui sont parmi les pires « sanguinaires » de leur siècle. L’approche est beaucoup plus philosophique et ne reflète que le point de vue de l’auteur.
Les partis-pris de réalisation de Sokurov, éléments moteurs de ses films ne passent pas auprès de tout le monde (choix des couleurs, rythme de narration etc…). On aime, ou aime pas. Pour ma part je trouve que ses choix servent remarquablement son propos.