14 avril 2014

La fureur de vivre (1955) de Nicholas Ray

Titre original : « Rebel Without a Cause »

La fureur de vivreLe jeune Jim Stark est arrêté pour ivresse au beau milieu de la nuit. Au policier psychologue pour adolescents qui l’interroge, il se désole du manque d’autorité de son père… Des trois grands films de James Dean, La fureur de vivre est le plus emblématique, celui qui a, plus que les autres, créé le mythe attaché à l’acteur. En ce milieu des florissantes années cinquante, toute une jeunesse en butte à des parents incapables de les comprendre s’est identifiée à ce personnage de « rebelle sans cause ». On peut même dire que cette identification a continué de fonctionner sur plusieurs générations, de façon plus ou moins diffuse. Ce qui étonnant, c’est qu’en réalité Jim Stark ne rejette pas vraiment l’image du père, il la cherche plutôt : il reproche au sien le manque d’autorité, son incapacité à lui dire comment il se doit se comporter pour être « un homme ». La petite bande de durs qui attire ces jeunes en manque de repères a, quant à elle, franchi nettement la ligne de la délinquance. Le propos semble donc plus s’adresser aux parents qu’aux enfants, leur intimant d’être présents et de se comporter comme des parents. Si le film est devenu emblématique d’une génération mal comprise, ce n’est donc pas tant par le fond du propos mais par l’angle de vue adopté par Nicholas Ray : de façon très inhabituelle pour l’époque, il adopte en effet le point de vue des jeunes et les parents sont sur le banc des accusés. Le lyrisme de Nicolas Ray donne une indéniable force au film, même si la théâtralité peut paraître excessive. Le clou est bien entendu la scène ultra célèbre de la course de voitures sur la falaise, face au vide. La photographie est assez belle avec une utilisation de la lumière qui évoque par moments l’expressionnisme et une belle utilisation de la couleur (superbe idée du blouson rouge). Le jeu des trois acteurs principaux est très juste : contrairement à ses autres films, le jeu de James Dean ne paraît excessif à aucun moment. La fureur de vivre continue de bénéficier d’une très forte aura. Ce n’est pas le meilleur film de Nicholas Ray mais c’est en tous cas (et de loin, hélas pour ses autres films) son plus grand succès populaire.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: James Dean, Natalie Wood, Sal Mineo
Voir la fiche du film et la filmographie de Nicholas Ray sur le site IMDB.

Voir les autres films de Nicholas Ray chroniqués sur ce blog…
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Remarques :
* Dennis Hopper, âgé alors de 19 ans à peine, tient le rôle de Goon (à noter que William Hopper, qui tient le rôle du père de Natalie Wood, n’a aucun lien de parenté avec lui).
* Sal Mineo, qui interprète Platon, est âgé de 16 ans au moment du tournage, Natalie Wood 17ans alors que James Dean a déjà 24 ans. Le film est sorti un mois après sa mort.
* La scène d’ouverture, pendant le générique, (James Dean au sol jouant avec le petit singe mécanique) n’était pas écrite. Elle a été improvisée par James Dean.
* Le scénario prévoyait une première scène où l’on voyait un père de famille se faire agresser par une bande de mauvais garçons. Pendant l’agression, il laissait tomber ses paquets de Noël dont un petit singe mécanique. Jugée trop violente par les studios, la scène fut coupée.
* Dans le plan final, l’homme qui marche vers l’entrée du planétarium est Nicholas Ray.

Une réflexion sur « La fureur de vivre (1955) de Nicholas Ray »

  1. DEAN épisode 2
    Le plan large d’ouverture – tandis que le générique défile en lettres rouges, c’est du Warnercolor – se focalise à partir d’une caméra à la Ozu sur le personnage ivre qui tombe à terre face devant nous, visage en plan très rapproché qui prend tout le nouveau format Scope, au milieu de papiers volant dans une artère nocturne de Los Angeles, c’est le « héros » du film, un jeune de 17 ans, bien habillé, qui se prépare à faire sa rentrée à l’université
    Sur les recommandations du cinéaste, James Dean passe des mains d’Elia Kazan pour A L’EST D’EDEN à celles de Nicholas Ray en ce printemps 55 alors que ce précédent premier film n’est pas encore sorti sur les écrans, pour enchaîner sur ce second film. Ray fut l’assistant de Kazan et suivi ses cours de théâtre. Et lorsque REBEL WITHOUT CAUSE sort aux USA, son acteur de 27 ans s’est tué depuis un mois au volant de sa Porsche, créant le mythe jusqu’à l’icône de toute une génération (et de quelques suivantes)
    Le film comporte du point de vue de sa technique cinématographique et de sa mise en scène de nombreux moments passionnants dès la mise en place des différents protagonistes au commissariat
    Très bien construit, filmé, interprété, il est à part au sens où il a engendré lui-même un mythe, et où toute une jeunesse ainsi que plein d’adultes (les parents) ont vu dans un miroir réfléchissant leurs postures, leurs doutes, leurs failles, leurs manques les uns par rapport aux autres. Car à l’époque, ce mitan des années cinquante, très peu de films s’intéressaient encore aux problèmes liés aux adolescents et aux rapports entre eux ainsi que ceux exercés avec les parents. Si bien que le film est devenu lui-même mythique, entre classicisme et modernité
    Il interroge le culte de la virilité masculine (que signifie être un homme?) à travers les étapes initiatiques obligées : le duel au couteau qu’on a forcément dans la poche, le saut en voiture lancée à toute allure, le rite d’entrée et l’appartenance à une bande, les codes vestimentaires, la conquête féminine, l’amitié masculine sincère et indéfectible, que faire de sa vie….
    Plus le film progresse plus il se resserre autour de trois figures adolescentes paumées, le trio ambigu que forment Jim (J.Dean) Platon (Sal Mineo) et la fille (Nathalie Wood) comme presque la construction d’une cellule familiale, reclus dans un autre univers, tendre(s) au centre d’un monde brutal. fermé, rejeté
    Il y a de la tragédie grecque, il y a de l’Oedipe dans cette fureur de vivre. La magnifique séquence dans le planétarium où la caméra amoureuse de Dean le filme avec un onirisme soudain dans son tee shirt blanc – il a donné son blouson rouge sang à Platon -, les lumières irisées jouant sur son visage et ses cheveux châtain blond est devenue mythique elle aussi. A l’époque en France on en était encore aux tricots de corps, les « marcel » et le jean ne faisait pas encore fureur. Le film est sorti chez nous en mars 56 avec une interdiction aux mineurs faisant sur Paris 110 000 entrées, ce qui n’est pas considérable; il acquit sa réputation grandissante de film « culte » avec les années
    En revoyant le film l’autre soir il m’a paru évident qu’il a ouvert la voie à West side story qui reprend en allant plus loin, sous forme de tragédie musicale, beaucoup des ingrédients de La fureur de vivre, jusqu’au transfert de Nathalie Wood

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