25 mai 2010

Fantômas : À l’ombre de la guillotine (1913) de Louis Feuillade

Fantômas - À l'ombre de la guillotineLui :
(film muet) En pleine époque où le cinéma français montrait la voie au cinéma mondial, Gaumont produit une série de cinq films basés sur un personnage d’une série de petits romans de magazine qui tenait alors la France en haleine depuis deux ans : Fantômas. Ses créateurs, Pierre Souvestre et Marcel Allain, ont ainsi publié chaque mois un volet de ses aventures criminelles, de début 1911 à fin 1913. Insaisissable, démoniaque, impitoyable, Fantômas était pourchassé par l’inspecteur Juve et un jeune journaliste Jérôme Fandor. La série fut rapidement un très grand succès, chaque fascicule étant tiré à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. Les films (dont les deux premiers sortirent sur les écrans alors que la série en magazine n’était pas achevée) furent également extrêmement populaires, René Navarre recevait plusieurs centaines de lettres chaque jour et provoquait de véritables émeutes lorsqu’il sortait sur les boulevards parisiens. La série de films fut interrompue par la guerre.

On est frappé par la richesse des scénarios, chaque film recèle plusieurs histoires, certes pas toujours parfaitement abouties, suivant ainsi d’assez près la trame des nouvelles (les trois premiers sont d’ailleurs l’adaptation des trois premières nouvelles parues début 1911). Le fil conducteur reste bien entendu assez fort, puisque beaucoup de personnages restent les mêmes d’un épisode à l’autre et les fins laissent toujours l’histoire en suspens… et Fantômas en cavale. S’il n’y a pas ici de vrai héros, le personnage principal reste celui de Fantômas, qui apparaît sous de multiples déguisements. Cette série des Fantômas de Feuillade constitue les premiers films d’un genre qui perdure encore : celui des « super-vilains », les grands maîtres du crime, genre dans lequel on peut ranger bon nombre de films, y compris les James Bond. Louis Feuillade parvient bien à créer la tension, alternant les passages intenses avec des moments plus calmes. Très modernes à leur époque, ses films libèrent le cinéma de sa parenté avec le théâtre : il sait parfaitement utiliser les extérieurs et crée de vraies histoires avec des sujets légers et populaires.

Fantômas : A l’ombre de la guillotine (54 mn)
Après un vol spectaculaire dans un grand hôtel parisien, l’inspecteur Juve enquête sur la disparition inexpliquée d’un Lord. Il est persuadé qu’il s’agit de l’œuvre de Fantômas. C’est l’adaptation de la toute première nouvelle parue en février 1911 sous le simple titre de Fantômas (Arthème Fayard éditeur). Dès le premier volet, l’accent est mis est sur la grande audace de Fantômas et ses ressources pour se tirer des plus mauvaises situations.
Trois grands chapitres :
1. Le vol du Royal Palace Hôtel
2. La disparition de Lord Beltham
3. Autour de l’échafaud
Note : 4 étoiles

Acteurs: René Navarre, Edmund Breon, Georges Melchior, Renée Carl, Jane Faber
Voir la fiche du film et la filmographie de Louis Feuillade sur le site IMDB.
Voir les autres films de Louis Feuillade chroniqués sur ce blog…

Fantômas - À l'ombre de la guillotineRemarques :
Dans l’affiche originale qui fut placardée sur tous les murs de Paris pour lancer la série en magazine début 1911, Fantômas tenait en main un poignard ensanglanté. Celui-ci a disparu sur l’affiche cinéma.
On pourra remarquer aussi le visage, beaucoup plus féminin (ou du moins, androgyne) sur l’affiche de 1911.

Les cinq Fantômas de Louis Feuillade (restorés en 1998, l’image est parfaite) :
1) A l’ombre de la guillotine (1913)
2) Juve contre Fantômas (1913)
3) Le mort qui tue (1913)
4) Fantômas contre Fantômas (1914)
5) Le faux magistrat (1914)

Autres adaptations du mythe de Fantômas :
Fantômas de l’américain Edward Sedgwick (1920) série de 20 épisodes de 20 minutes environ.
Fantômas du français Paul Fejos (1932)
Fantômas du français Jean Sacha (1947) avec Marcel Herrand et Simone Signoret
Fantômas contre Fantômas du français Robert Vernay (1949)
Fantômas du français André Hunebelle (1964) avec Jean Marais et Louis de Funès
Fantômas se déchaîne d’André Hunebelle (1965), suite du précédent
Fantômas contre Scotland Yard d’André Hunebelle (1967), suite du précédent
Fantômas de Claude Chabrol (1980) série TV diffusée sur Antenne 2 en quatre épisodes de 85-90 minutes (Le tramway fantôme, Le mort qui tue, L’étreinte du diable, L’échafaud magique) avec Helmut Berger et Jacques Dufilho. Deux épisodes (2 et 3) ont été réalisés par Juan Luis Bunuel (fils de Luis Bunuel). 

5 réflexions sur « Fantômas : À l’ombre de la guillotine (1913) de Louis Feuillade »

  1. Quelle mise à jour ! Vous nous avez gâtés ! Et vous nous donnez envie de découvrir cette vieille série. C’est bien simple, je crois n’avoir jamais vu de cinéma aussi ancien. C’est muet ?

    Pour ma part, week-end cinématographique (trop) calme. Je suis resté sur « L’homme de chevet » en DVD et j’ai un Demy sous le coude pour ce soir ou demain…

    Bonne journée et mes amitiés à « Elle »…

  2. Le fantomas de Claude Chabrol à la télé.

    Etait-ce celui dans lequel Dufhilo (orthographe ?) jouait le rôle de l’inspecteur Juve?

  3. Oui, c’est bien entendu muet (le parlant c’est pour plus tard, Le Chanteur de Jazz ce sera en 1927). C’est normal de ne pas avoir vu de cinéma aussi ancien… car on est là vraiment aux tous débuts du cinéma, le cinéma américain n’existe d’ailleurs encore qu’assez peu et il copie le cinéma français (c’est la guerre de 14 qui inversera les positions). Pathé sortira aux Etats-Unis « Les mystères de New York » peu après, pour répliquer aux succès de Fantômas.

    @Gaston_de_chez_Gaston : oui, c’est bien Jacques Dufilho qui interprétait l’inspecteur Juve dans la version de Chabrol. Je vais ajouter cette précision.

  4. LE CHARME DE LA PREMIERE FOIS
    ………. »Je t’aurai Fantômas, je t’aurai »….

    « Allongeant son ombre immense
    Sur le monde et sur Paris
    Quel est ce spectre aux yeux gris
    Qui surgit dans le silence
    Fantômas serait-ce toi qui surgit sur les toits? »
    Ces vers du poète surréaliste Robert Desnos tirés de la complainte de Fantômas (musique de Kurt Weil) expriment l’emprise du personnage dans la psyché de l’époque.
    L’exposition actuelle sur les premiers crimes à l’écran, celle des 120 ans de Gaumont et celle de la fondation Pathé sur cette époque des premiers films à épisodes nous plongent avec délices en arrière sur l’aube cinématographique française et bien sur dans les 5 (premiers) épisodes de cette fameuse série.
    Qui est F ? un bandit à l’identité inconnue et aux multiples visages, postiches, maquillages, garde robe, tel que le générique du premier film nous le montre (et qui inspirera vraisemblablement Fritz Lang pour son docteur Mabuse). Au cours des épisodes il portera collant noir et cagoule. Pas du tout le gentleman cambrioleur en frac, chapeau claque et loup (Arsène Lupin) tel que la célèbre affiche pourrait le laisser supposer, affiche où il écrase d’un de ses pieds la préfecture de police. un génie du crime (voleur, anarchiste, criminel selon les moments) défiant la police représentée par l’inspecteur Juve aidé du journaliste Fandor. Police + Presse contre F.toujours insaisissable, bref le prototype d’une longue lignée de criminels masqués
    « Je t’aurai Fantômas, je t’aurai! »
    Bien sur c’est filmé la plupart du temps dans des intérieurs de studio, frontalement comme si c’était une scène de théâtre, et en plans fixes. A de rares moments la caméra glisse légèrement en panoramique pour un effet bienvenu de découverte ou tout simplement parce que le cadre ne parvient pas à englober la totalité du décor. Le jeu d’acteur est souvent sursignifié par la gestuelle ou par des paroles muettes qui s’échappent de leur bouche alors qu’ils sont seuls à l’écran, mais tout cela distille un charme naîf où souvent pointe l’humour de certaines situations. La réussite et l’intérêt se sont déplacés pour nos yeux contemporains et résident dans les scènes tournées en extérieurs à Paris ou environs. Ces moments – bien trop rares hélas – sont des témoignages passionnants sur la topologie de la ville et de ses habitants, les passants n’étant pas habitués à voir une caméra et une équipe de tournage. séquences aux entrepôts de vins sur les quais de Bercy, dans le récent métro aérien de la Chapelle à Stalingrad, avenue de l’opéra, sur les quais de Seine, devant les hôtels particuliers du bois de Boulogne, dans les taxis, etc. Tout à coup les films respirent, bougent, s’accélèrent, perdent leur lourdeur factice théâtrale et on se met à regretter que Feuillade n’ait pas tourné d’avantage dans ce Paris de 1913 et 1914.
    La guerre de 14 arrête ce succès phénoménal. Au fait, à la fin du 32ème volume Fantômas révèle à Juve qu’il n’est autre que son propre frère…

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