23 mars 2015

La Flèche brisée (1950) de Delmer Daves

Titre original : « Broken Arrow »

La flèche briséeArizona, 1870. Ecoeuré par la guerre permanente contre les indiens, l’ex-soldat et ex-chercheur d’or Tom Jeffords désire jouer les émissaires et aller parler au grand chef Cochise. Il apprend leur langue et leurs coutumes et se rend seul à leur village… La Flèche brisée marque une date dans l’histoire du western au cinéma : c’est, avec le moins connu La Porte du diable (Devil’s Doorway) d’Anthony Mann tourné presque simultanément (1), le premier western à montrer les indiens sous un jour favorable, avec respect. Il nous les dépeint comme un peuple d’une indéniable dignité et Cochise est ici un chef respectueux de la parole donnée et aspirant à la paix. Cela tranche nettement avec l’image de l’indien sanguinaire qui était uniformément répandue auparavant. Il paraît logique que ce soit l’humaniste Delmer Daves qui, le premier, ait franchi le pas car le réalisateur avait longuement étudié la culture indienne. L’histoire est basée sur des faits historiques, Tom Jeffords a bien existé et joué le rôle décrit, mais bien entendu l’ensemble est romancé notamment par l’ajout d’une histoire d’amour. Le message est ici de prôner la tolérance et le respect des différences de culture, un peu idyllique certes mais louable. La réalisation est plutôt moins remarquable que son propos mais l’interprétation est excellente : James Stewart est ici à l’orée de ses rôles de westerns dans lesquels il excellera et Jeff Chandler fait un Cochise très crédible, physiquement très ressemblant avec le vrai. Debra Paget est, quant à elle, lumineuse. La photographie Technicolor d’Ernest Palmer est très belle. Au cours des années cinquante et même soixante, de nombreux réalisateurs de westerns emprunteront la voie ouverte par Delmer Daves avec La Flèche brisée.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Stewart, Jeff Chandler, Debra Paget
Voir la fiche du film et la filmographie de Delmer Daves sur le site IMDB.

Voir les autres films de Delmer Daves chroniqués sur ce blog…

La Flèche brisée (1950) de Delmer Daves
James Stewart dans La Flèche brisée de Delmer Daves

La Flèche brisée (1950) de Delmer Daves
Jeff Chandler est Cochise dans La Flèche brisée de Delmer Daves

La Flèche brisée (1950) de Delmer Daves
Debra Paget est la jeune squaw Sonseeahray (L’étoile du matin) dans La Flèche brisée de Delmer Daves

Remarque :
* Broken Arrow a été dérivé en une série télévisée de même nom, entre 1956 et 1960.

(1) En réalité, Devil’s Doorway a été tourné et monté bien avant Broken Arrow mais la MGM était réticente à le sortir. Ce n’est qu’en voyant le succès de ce dernier que les studios décidèrent le distribuer.

Homonymes (sans aucun autre rapport que le nom) :
Broken Arrow de John Woo (1996) avec John Travolta
Broken Arrow de Reid Gershbein (2007)

2 réflexions sur « La Flèche brisée (1950) de Delmer Daves »

  1. Un bien beau film sur la tolérance et l’amitié entre les peuples.
    Un film qui a marqué l’Histoire du cinéma, et la petite histoire de bien des spectateurs : une de mes filles, alors âgée de 8 ans, se souvient encore très bien du film qu’elle considère toujours comme l’un de ses préférés; quant à moi, je me souviens encore de ses larmes à la fin… c’est aussi cela le cinéma.

  2. La réalisation n’est peut-être pas « remarquable » mais elle est propre, avec un rythme bien géré et un équilibre entre dimension politique et épaisseur humaine.

    Certes, ce film est parfois un peu didactique, avec ses quelques moments de voix-off et ses ellipses qui centrent clairement la chronologie sur l’enjeu politique de la paix entre Apaches et Étatsuniens. Mais finalement, cet aspect s’équilibre peu à peu avec des aspects humains et il est bien porté par la qualité de l’interprétation. Les situations sont crédibles, chacun a des raisons de haïr les autres, les drames humains ne sont pas minimisés, le fait que chaque camp fait des victimes non plus, tout est clair, net, honnête.

    Même la voix-off a une utilité « artistique », dans la mesure où sa première apparition (dès la scène d’ouverture) permet d’expliquer un choix qui aurait pu être gênant autrement : le fait que les Apaches parlent anglais. C’est une magnifique trouvaille, d’expliquer dès le début que toute cette histoire est racontée telle qu’elle s’est déroulée à une exception près : le fait que les Apaches parlent ici anglais alors qu’évidemment ce n’était pas le cas en vrai. Ainsi, ce choix linguistique qui était de toute façon classique et compréhensible se retrouve proprement justifié, sans chichi, puisqu’il s’agit ouvertement de nous raconter une histoire — donc de la traduire pour nous.

    Bref, un film sobre mais élégant, politique mais avec une vraie épaisseur humaine, didactique mais touchant. La fin est sublime, James Stewart exprimant sa douleur et son désespoir avec un réalisme rare (ses sanglots sont d’une intensité incroyable, pourtant sans être outranciers ni expansifs, son interprétation atteint ici un niveau exceptionnel).

    Bien sûr, mon regard d’anthropologue ne peut que saluer, par ailleurs, l’empathie portée par Delmer Daves envers les Apaches, avec des scènes quasi-ethnologiques, ou plus exactement des scènes qui aident à décentrer notre regard et à montrer une autre société dans son épaisseur quotidienne. L’échange entre Jeffords et Cochise à la fin d’un repas est une merveille du genre, quand Cochise recommande à Jeffords de s’essuyer ses mains grasses sur ses bras parce que c’est bon pour la peau, que Jeffords dit que les Blancs ont l’habitude de plutôt se laver les mains, et que Cochise répond que c’est dommage de gâcher de l’eau pour ça. Dialogue bref mais parfait — d’autant plus parfait qu’il est bref, sans être appuyé, sans suite. Il résume bien la sobriété humaniste de ce film.

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    Dans les anecdotes historico-techniques citées par Tavernier dans le supplément du DVD, je relève que Delmer Daves a d’abord tourné avec les Apaches des scènes sans cohérence qui ont surpris (et inquiété !) les producteurs, mais qui étaient destinées à familiariser les Apaches avec le matériel et la technique de tournage. Une démarche d’intégration très judicieuse, digne des cinéastes ethnologiques ultérieurs.

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    Apparemment le choix de Jeff Chandler pour jouer Cochise a été contesté. Il est vrai qu’il est dommage d’avoir choisi quelques Blancs pour les rôles principaux d’Apaches, alors que les autres étaient bel et bien joués par d’authentiques Apaches. Mais tout comme vous (une fois passées les premières scènes avec lui où c’est quand même un peu gênant, car même s’il est « ressemblant » il n’a quand même pas une morphologie d’Amérindien), je trouve finalement qu’il devient vite crédible et qu’il est excellent.

    J’avoue être un peu plus gêné par Debra Paget. Certes, elle est magnifique. Mais dans la plupart de ses scènes, son maquillage « indien » et sa morphologie de Blanche sont vraiment visibles, au point de me faire plusieurs fois sortir un instant du film (c’est-à-dire d’en être conscient et de m’obliger à accepter de faire semblant). Son rôle, son interprétation et son charme sont touchants et intéressants (vous avez raison d’écrire qu’elle est lumineuse), mais décidément, le côté « Blanche très maquillée » fragilise un peu tout ça. Dommage, car je pense qu’ils auraient pu la maquiller de façon plus subtile (ou choisir une Apache).

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