19 juin 2017

Le Sacrifice (1986) de Andreï Tarkovski

Titre original : « Offret »

Le Sacrifice(Exceptionnellement, le synopsis qui suit couvre tout le film car il est, à mon avis, préférable de le connaitre avant de voir de film) Ex-comédien célèbre, Alexandre s’est retiré avec sa famille pour vivre isolé sur une île au large des côtes suédoises. Le jour de son anniversaire, une guerre nucléaire mondiale est déclenchée. Alexandre fait le vœu à Dieu de renoncer à ce qui lui est le plus cher et de ne plus prononcer une parole si tout redevient comme avant. Le facteur, passionné des phénomènes paranormaux, lui conseille d’aller chez sa voisine qui est un peu sorcière (ou un ange, au choix) et qui saura exaucer son vœu. C’est le cas. Il détruit alors sa maison et sacrifie sa liberté… Le Sacrifice est l’ultime film d’Andrei Tarkovski qui décèdera hélas quelques mois plus tard. Il s’agit d’une longue parabole dont plusieurs aspects restent assez obscurs. Le premier tiers (avant le passage des bombardiers) m’a personnellement le plus enchanté : de longs monologues d’Alexandre qui s’interroge sur sa vie et son rapport à la société. Autant ses réflexions sont intéressantes, autant les autres personnages paraissent futiles, le cas le plus extrême étant sa femme, une anglaise nostalgique de la vie mondaine (qui symbolise certainement la futilité de notre monde moderne mais on peut se demander comment Alexandre a pu vivre tant d’années avec elle). Le reste m’a paru inutilement imagé et lent, disons qu’Alexandre doit éprouver lui-même sa capacité à désirer le bien. On peut ne pas partager l’attrait du réalisateur pour le paranormal (mais toute l’histoire n’est peut-être qu’un rêve, aucun indice ne permet de trancher). La spectaculaire scène finale est devenue l’un des plans-séquences les plus célèbres de Tarkovski. Le film est une production franco-suédoise (le réalisateur a quitté sa Russie natale pour la Suède), plusieurs acteurs sont doublés, y compris la française Valérie Mairesse qui est plutôt inattendue dans un tel film. Le Sacrifice est, en tous cas, visuellement très beau.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Erland Josephson, Susan Fleetwood, Allan Edwall, Sven Wollter, Valérie Mairesse
Voir la fiche du film et la filmographie de Andreï Tarkovski sur le site IMDB.
Voir les autres films de Andreï Tarkovski chroniqués sur ce blog…

Voir un livre sur Le Sacrifice qui vient de sortir (472 pages)…
Voir les livres sur Andreï Tarkovski

Remarques :
* Tarkovski fait un hommage appuyé à Bergman : Erland Josephson est l’un des acteurs fétiches de Bergman ; Sven Nykvist, le directeur de la photographie attitré de Bergman, est derrière la caméra ; les décors sont signés Anna Asp, oscarisée pour les décors de Fanny et Alexandre ; le tournage a eu lieu sur l’île de Gotland où Bergman a tourné plusieurs de ses films ; pour couronner le tout, Daniel Bergman, fils du réalisateur, est un assistant.

* Bergman n’aimait pas vraiment le film, disant en quelque sorte que Tarkovski avait surtout fait du Tarkovski.

* Le Sacrifice a été sélectionné par le Vatican dans la catégorie « Religion » de sa liste de « 45 grands films ».

 

Le Sacrifice
Allan Edwall, Erland Josephson, Filippa Franzén et Susan Fleetwood dans Le Sacrifice de Andrei Tarkovski.

Le Sacrifice
Tournage de la scène finale de Le Sacrifice de Andrei Tarkovski. (Il s’agit vraisemblablement de la première prise car la fumée est bien plus verticale que dans le film. La caméra s’étant enrayée au beau milieu du plan-séquence, la maison a en effet été reconstruite pour faire une seconde prise.)

Le Sacrifice
La maison et sa miniature dans Le Sacrifice de Andrei Tarkovski.

7 réflexions sur « Le Sacrifice (1986) de Andreï Tarkovski »

  1. Bonjour,
    Tarkovski a quitté 2 fois l’URSS: la premiere fois pour faire des voyages et la seconde, 1981, pour s’établir en Italie (les autorités s’en s’ont débarrassé). Il ne s’est jamais exilé en Suède. Sinon, on ne comprend pas Nostalghia (qui se situe en Italie).
    C’est à l’invitation de Bergman qu’il tourne Le Sacrifice en Suède.
    La « futilité » des personnages ne sont pas le « monde moderne », mais le monde occidental vu par un Russe profondément introspectif et habité par la transcendance (pas la religion, la transcendance).

  2. Oui, Nostalghia a bien été tourné en Italie et ce n’est qu’ensuite que Tarkovski a annoncé de plus vouloir rentrer en URSS. Il me semble qu’au moment du tournage de Le Sacrifice, il habitait en Suède (je prends mes informations dans le livre de Michel Chion sur Tarkovski) mais, bon, le plus important dans tout cela est que les deux derniers films du cinéaste ont été tournés hors URSS. Il ne s’est pas « établi » dans un pays particulier, il a d’ailleurs été soigné en France où il est enterré.

    Sinon, votre interprétation sur la futilité des personnages est très intéressante.

  3. JUSTE LA FIN DU MONDE
    En son centre, au milieu du jour anniversaire d’Alexandre, personnage central, le film bascule par l’annonce de ce qui s’apparenterait à une catastrophe nucléaire, une guerre mondiale s’invitant à la fête, venant gravement perturber chacune des personnes présentes à l’écran, toute couleur se retirant aussitôt de l’image. Avant cela on a fait connaissance avec les 7 personnages dans une atmosphère, un décor et des liens très tchékhoviens. L’autre « personnage » principal du film est la maison d’Alexandre au bord de la mer et sous les arbres où se déroule le film. Au début on a vu cet homme qui pourrait être un grand père avec son petit fils – c »est son jeune fils de 7 ans sans nom nommé « Petit garçon » et qui a la gorge bandée suite à une récente opération dont on ne connait pas la teneur- planter un arbre sec dans la terre près du rivage, l’entourer de galets et l’arroser. Note d’espoir. Toute perspective d’avenir est soudain menacée. A partir de là, et c’est la seconde partie, confusion, irréalité, brouillage, onirisme, sorcellerie, ambiguité du sens que le montage par ses raccords de plans séquences rend encore volontairement plus problématique. Alexandre, seul, dans un long monologue, s’adresse alors à Dieu, la caméra, nous, proposant un deal. C’est un moment costaud, fou, que le comédien suédois Erland Josephson porte à son intensité. Plus tard – le lendemain? – lorsqu’il se réveille, la couleur est revenue, il fait beau, doux, et toute menace ne semble plus être à l’ordre du jour, toute trace semble effacée. Seulement Alexandre, pour respecter son deal, se sacrifie en mettant le feu à sa maison alors que tous les autres sont partis se promener. C’est là le fameux et impressionnant plan séquence de 8 minutes dans lequel surgit soudain une ambulance – mais qui l’a prévenue? – dans laquelle Alexandre est poussé et qui l’emporte vers un asile probable. Une des réactions du spectateur cartésien et logique est que tout ceci n’était peut être – sans doute – qu’un cauchemar dans la tête d’Alexandre, peut être oui, peut être non.
    Au dernier plan on retrouve Petit garçon allongé sous l’arbre planté qu’il vient d’arroser. Il recouvre alors la parole « Pourquoi dis tu qu’au début était le verbe, papa? »; la caméra monte en longeant l’arbre sec découvrant derrière le miroir scintillant des eaux. Ce dernier plan du dernier film de Tarkovsky reconduit à l’identique le premier plan de son premier film – L’enfance d’Ivan, en noir et blanc – où l’on voit le jeune garçon Ivan debout et vif devant un arbre fourni et que la caméra qui monte en longeant le tronc découvre derrière lui, au-delà, « sur l’autre rive » le miroir scintillant des eaux
    C’est pendant le montage du sacrifice l’hiver suivant le tournage que Tarkovski a apprit qu’il avait un cancer du poumon. Le sacrifice a reçu l’année suivante le grand prix du jury à Cannes

  4. Je me souviens ce que Daniel Toscan du Plantier m’avait dit au sujet du Sacrifice; Beau mais chiant. Venant de lui, j’en suis reste coi.

  5. merci Daniel Toscan du Plantier; vous avez raison; c’est même pire que chiant, c’est navrant pour le dernier film d’un grand cinéaste – c’est même incohérent et ridicule – quant aux fulgurances, deux minutes 30, peut-être ? Et puis ces deux vieux ! oh! comme ils sont antipathiques !! »petit garçon » !! c’est tellement convenu ! et ces « piqûres qu’on administre aux femelles ! oh ! comme c’est navrant !!

  6. Le couple d’Alexandre ne marche pas.
    Ne sachant comment se sortir d’une situation dans laquelle il s’est enfermé depuis si longtemps, avec cette épouse dure qui peut-être le trompe, il a constamment sous les yeux dans sa propre maison un autre décor, Maria leur bonne, une jeune femme qu’il aime en secret.
    Alexandre ne sait même pas que son problème est là. Il ressent un malaise et reporte son angoisse sur une espèce de guerre atomique…
    Incapable d’idées claires, incapable de l’idée même d’affronter son épouse et son entourage familier dans une procédure de séparation légale, il se jette impulsivement dans deux actes interdits : coucher avec la bonne et foutre le feu au domicile conjugal, cette « belle maison », le symbole de sa réussite et de son malheur.
    Tout ceci caché derrière de grandes et belles idées comme celle de faire à Dieu le voeu de « renoncer à ce qu’il a de plus cher si tout redevient comme avant ».
    Tout semble redevenir comme avant effectivement après avoir couché avec Maria mais il brûle quand même sa maison.
    Et s’il brûle sa maison c’est que plus rien n’est comme avant pour lui au contraire depuis qu’il a couché avec Maria.
    C’est sa seule manière de sortir de son enfermement, devant des proches atterrés qui n’ont rien compris et appellent les infirmiers psychiatriques.
    C’est aussi trivial que ça.

  7. le cinéma mondial se place entre deux grands films ; un film trés simple Le voleur de bicyclette et un film très compliquè Le sacrifice

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