22 août 2016

Blow Out (1981) de Brian De Palma

Blow OutJack est un ingénieur du son qui travaille pour des films de troisième zone. Lors d’une séance de prises de sons nocturnes, il assiste à un accident de voiture. Il parvient à sauver la jeune passagère mais le conducteur, un politicien en vue, a trouvé la mort. Jack sait, d’après ce qu’il entendu et enregistré, qu’il ne s’agit pas d’un simple accident… Le titre ne laisse aucune équivoque : Blow Out est une transposition de Blow-Up, il est au son ce que le film d’Antonioni était à l’image. Il n’a pas toutefois la même dimension philosophique, le propos étant plus centré sur une intrigue policière à suspense que sur le rapport d’un media à la perception d’une réalité : l’enregistrement n’est ici qu’une trace fidèle de ce que le preneur de son a entendu, il ne participe pas en lui-même à la création de cette perception comme ce pouvait être le cas pour Conversation secrète de Coppola. Prévue de taille modeste, la production a triplé son budget du fait du choix de John Travolta pour le rôle principal. Une fois de plus, De Palma marche dans les traces d’Hitchcock pour mettre en place une tension forte. Il fait preuve d’une belle virtuosité technique de tous les instants (même si elle a tendance à être parfois un peu trop visible). Le film fait preuve d’une étonnante noirceur, notamment dans son dénouement.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Travolta, Nancy Allen, John Lithgow, Dennis Franz
Voir la fiche du film et la filmographie de Brian De Palma sur le site IMDB.

Voir les autres films de Brian De Palma chroniqués sur ce blog…

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Blow Out
John Travolta et son micro-canon dans Blow Out de Brian De Palma.

Remarques :
* L’accident évoque fortement l’accident de Chappaquiddick (18 juillet 1969) où la spécialiste de campagne politique Mary Jo Kopechne, âgée de 28 ans, trouva la mort dans une voiture conduite par le sénateur démocrate Ted Kennedy. L’affaire fit scandale et l’image du sénateur en sorti très écornée. Elle a probablement influencé sa décision de ne pas se présenter aux élections présidentielles des États-Unis en 1972 et 1976.

Blow out
John Travolta dans Blow Out de Brian De Palma.

Blow out
Bel exemple de « split-focus » dans Blow Out de Brian De Palma : ce n’est pas un montage mais une technique qui permet d’avoir une mise au point différente sur deux parties de la même image. Le résultat est assez bizarre : les distances sont abolies laissant plutôt une impression d’un homme lilliputien face à un animal géant.

5 réflexions sur « Blow Out (1981) de Brian De Palma »

  1. Un des meilleurs De Palma. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous quand vous dites que le film ne possède pas de dimension philosophique. Au contraire, les mouvements de caméra signifiants (split screen, lentilles à double focale), les plans iconiques (Sally criant avec le drapeau rouge sang des Etats-Unis derrière elle), l’utilisation du rouge (couleur du sang) comme couleur primaire, la manière dont De Palma montre que la réalité est bien pire que tout ce que peut montrer la fiction (De Palma inverse ici la perspective des censeurs en suggérant qu’il faut protéger l’art du réel et non l’inverse), le dénouement pessimiste où le réel envahit le royaume des sons dans lequel Travolta s’était réfugié, tout cela montre que De Palma a beaucoup réfléchi à ses plans, se conduisant en intellectuel de l’image, même si le cadre du film est celui d’un thriller.

    J’avais consacré une chronique au film sur mon blog, où j’essayais de développer cela : https://newstrum.wordpress.com/2016/07/30/blow-out-de-brian-de-palma-quand-la-barriere-entre-realite-et-fiction-se-brise/

  2. Je suis allé lire votre chronique où bous soulevez de nombreux points intéressants. Je dois avouer avoir un peu de mal à vous suivre sur le thème de la « bataille entre fiction et réalité » et je ne suis pas certain de partager votre enthousiasme sur les « mouvements de caméra signifiants » ou les « plans iconiques »… mais votre analyse est très intéressante à lire (j’ai d’ailleurs ajouté votre blog en rubrique Liens).

    Pour mieux expliquer ma phrase sur la moindre dimension philosophique par rapport à Blow-up : le film d’Antonioni posait la question « la réalité perçue par la photographie peut-elle être différente de celle que nous percevons ? » (la question peut paraître triviale mais ses développements sont assez vertigineux). Le grossissement de la photographie nécessitait une interprétation à l’instar de la peinture abstraite du voisin. Le photographe se demandait s’il y avait eu un meurtre ou pas (d’autant plus qu’il n’y avait pas de cadavre).
    Dans Blow Out, la situation n’est pas si ambiguë : l’écoute de la bande sonore montre clairement dès le début, et de manière indiscutable, qu’il y a eu un coup de feu. Le reste du film repose sur l’enquête et la protection de la preuve, il n’y a pas de questionnement sur la perception de la réalité par le media sonore qui est censé reproduire fidèlement la notre.

  3. Merci pour l’ajout de mon blog dans votre rubrique Liens !

    Pour revenir un peu sur Blow Out, le terme « plan iconique » que j’ai employé dans mon commentaire ci-dessus est un abus de langage ; je pensais en fait au plan « symbolique » de Sally appelant au secours avec le drapeau américain rouge sang en énorme derrière elle (telle l’innocence tuée par une sorte de raison d’Etat ou devant un Etat indifférent ; cela peut paraitre tiré par les cheveux, mais le plan a été conçu par De Palma avec une idée de cet ordre en tête).

    Ce que j’essayais de développer dans ma chronique (qui n’était peut-être pas assez développée sur ce point), c’était l’idée que De Palma avait réalisé Blow Out avec des thèmes bien précis derrière la tête, en essayant de les faire passer au travers des images du film. Blow Out arrive après une décennie 1970 où le Nouvel Hollywood avait dénoncé le Vietnam et le Watergate sans compter d’autres scandales politiques nationaux ou locaux et le fait que New York et Philadelphie étaient devenues des villes particulièrement dangereuses à la fin de la décennie. La réalité était donc peu reluisante. Quand Blow Out débute, Jack est devenu preneur de son après le traumatisme qu’il a vécu dans la police. Il s’est réfugié dans le cinéma pour échapper à la réalité, qui est plus horrible que les films d’horreur inoffensifs sur lesquels travaille Jack (voir comment De Palma oppose le tueur fictif du film de série Z du début et le tueur terrifiant de la réalité). Cette idée que la réalité est plus horrible que le cinéma de genre est un thème cher à De Palma. A la fin du film, la réalité rattrape Jack et vient même hanter la fiction par l’intermédiaire du cri de Sally qui est recyclé dans les films de fiction (cette fin si étrange a un sens très particulier). Je ne dis pas que tout est réussi dans ce film, et il y a certains plans d’une virtuosité un peu gratuite, mais il ne me parait pas contestable que De Palma, qui a une approche du cinéma qui mélange intellectualisme et prédilection pour les genres de la série B, travaille ses images et son intrigue avec ces thèmes en tête.

    A propos de la comparaison Blow Up/Blow Out. Même si le titre du De Palma est un hommage évident au film d’Antonioni (qu’à titre personnel, je n’aime pas tellement), les deux films abordent à mon avis des thèmes fort différents. Le film d’Antonioni continue sa réflexion sur un monde qu’il juge absurde et froid, sur le fait que l’homme est seul et que son expérience (ici la réalité perçue par le photographe) est incommunicable (le mort sur la photo restera le secret du photographe), le film de De Palma aborde lui d’autres sujets typiques du réalisateur comme je l’évoquais plus haut (méfiance vis-à-vis des autorités, dénonciation de la manipulation des images et du son, fragilité du cinéma et du monde des artistes face à la réalité, etc. – c’est un terrain plus politique, disons).

  4. Vous avez raison de souligner que l’on sent que De Palma a une vision désenchantée, désillusionnée même, de l’Amérique, on ne peut le nier mais cet aspect du propos me semble bien moins présent que dans les films du « Nouvel Hollywood ». La base de l’histoire est bien l’inter-pénétration du banditisme dans le politique mais cette approche politique est finalement peu développée, même un peu confuse. Il me semble que De Palma a privilégié l’approche du suspense pur (à la Hitchcock) sur un sujet original.

    Bon mais pour revenir au début de notre discussion, cela concerne de toutes façons un caractère plus politique que philosophique… 🙂

  5. Sauf que les films de Hitchcock ne relèvent pas non plus seulement du « suspense pur » et sont riches de bien des thèmes, notamment le thème des apparences, de la perception faussée des choses, etc. 🙂 Rien n’empêche de retenir cela en priorité bien sûr (et de ne voir qu’un thriller dans Blow Out – qui fait partie intégrante du Nouvel Hollywood par ses thèmes) mais personnellement, je ne trouve pas que Blow Up soit un film plus profond ou plus intéressant que Blow Out et a fortiori que les films de Hitchcock.

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