9 novembre 2015

La Terre tremble (1948) de Luchino Visconti

Titre original : « La terra trema »

La Terre trembleDans un petit village sicilien, tous les hommes partent à la pêche chaque nuit. Avec le prix très bas payé par les mareyeurs, ils peinent à faire vivre leur famille. Chez les Valastro où le père est mort en mer, les plus jeunes ont le sentiment d’être exploités et décident de tenter de se mettre à leur compte… Deuxième long métrage de Visconti (1), La Terre tremble était au départ une commande du Parti communiste italien que Visconti va transformer en une adaptation du roman Les Malavoglia de l’écrivain vériste Giovanni Verga. Son film est à la fois néoréaliste et esthétique : néoréaliste, il l’est par son caractère semi-documentaire et par le fait de faire jouer des acteurs non-professionnels, ce sont les habitants du village, s’exprimant dans leur dialecte. Cela n’empêche pas Visconti de soigner l’esthétisme de son film, par ses cadrages, par la dimension qu’il donne à ses personnages ; cette sophistication formelle n’entame en rien la forte authenticité qui se dégage du film. Sur le fond, il parvient à atténuer le pessimisme du roman et à insuffler un beau lyrisme dans le propos. Malgré un prix à la Nostra de Venise en 1948, le film n’eut pas les faveurs du public, désarçonné par sa longueur (160 minutes) et par l’usage du dialecte sicilien. La Terre tremble est pourtant à classer parmi les grands films néo-réalistes italiens.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Antonio Arcidiacono, Giuseppe Arcidiacono
Voir la fiche du film et la filmographie de Luchino Visconti sur le site IMDB.

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La terre tremble
Antonio Arcidiacono dans La Terre tremble de Luchino Visconti

Remarques :
* Dans le local des mareyeurs, on peut voir sur le mur une inscription (mal) recouverte de peinture blanche. Il s’agit d’une citation de Mussolini : « Il faut aller résolument vers le peuple ». Visconti veut ainsi souligner que les exploiteurs d’aujourd’hui sont les tyrans d’hier.

* Les assistants-réalisateurs de La Terre tremble sont les deux futurs réalisateurs Franscesco Rosi et Franco Zeffirelli (Rosi réalisera son premier film en 1952 et Zeffirelli en 1958).

* Devant l’insuccès du film, une version raccourcie à 102 mn et doublée en italien fut montée par Rosi et distribuée… sans plus de succès. C’est cette version qui fut distribuée en France à sa sortie en 1952.

Une réflexion sur « La Terre tremble (1948) de Luchino Visconti »

  1. N’TONI ET SES FRERES

    Très peu visible sur grand écran LA TERRE TREMBLE (magnifique restauration) est à la fois d’une grande force dans son fond et d’une grande beauté austère dans sa forme. Parti en repérages dès 1946 puis en 47 avec une petite équipe technique pour un long tournage jusqu’en 48, le projet documentaire sur les pêcheurs siciliens qui devait être le premier film d’un triptyque consacré à d’autres communautés de métiers sur l’Italie d’alors,et particulièrement du sud, se transforme avec l’appui de la trame du roman de Verga en un film hybride qui tient à la fois du réalisme documentaire et de la fiction théâtrale et lyrique dont Visconti parvient à nouer et accorder les deux avec talent. Mais ce qui est déterminant, c’est que déjà, et pour la première fois dans son oeuvre, Visconti prend la famille comme noyau principal de la tragédie (Le guépard, Sandra, Rocco, Les Damnés, L’innocent, Violence et passion).
    Le film décrit la faillite économique de la famille Valestro (dont le père vient de mourir), pauvres pêcheurs exploités de Arci Trezza près de Catane, qui prennent conscience de la nécessité d’une rebellion qui les portera d’abord puis se retournera à leurs dépens faisant d’eux des humiliés et des vaincus.
    Visconti n’a plus retourner depuis son premier film OSSESSIONE en 42 pour se consacrer exclusivement au théâtre où il monte un nombre pléthorique de pièces, écartées par le régime précédent. Cette formation aux auteurs et à la mise en scène théâtrale va le conduire avec LA TERRE TREMBLE à choisir des gens du cru, pêcheurs, maçons, paysans, non acteurs évidemment, pour incarner les personnages du film (une famille dans tout un village). Il va donc passer un temps fou avec chacun pour les faire répéter et parvenir à jouer devant la caméra où ils prennent une dimension impressionnante – car il y a pas mal de séquences à imposer – le tout dans leur dialecte que même certains siciliens comprennent mal. L’entreprise est assez folle. Surtout que les 160′ du film (tout en extérieurs de décors naturels) se présentent comme une architecture rigoureuse et puissante de scénario et mise en scène, Visconti organisant sur place directement les éléments empruntés à la réalité pour en modeler sa fiction. Certaines images restent gravées comme dans un film de Flaherty : toutes ces femmes attendant le retour retardé des pêcheurs, entièrement recouvertes de châles noirs battants au vent, se découpant sur les rochers en éruption des flots menaçants, se confondant en eux.
    Visconti dit lui même le commentaire en voix off qui ponctue les séquences (on aurait pu s’en passer car il fait redondance avec les images et l’interprétation du spectateur, mais il y a la belle prose de Verga)
    Malgré un succès d’estime et un prix au festival de Venise en 48, ce fut un échec commercial à la sortie italienne en 1950, comme déjà pour le premier film précédent. Le 15 janvier 1952 le film fut présenté en France salle Pleyel à l’initiative de la fédération des ciné clubs en VO traduite directement par Luchino Visconti présent dans la salle. On fit un doublage français dans une version raccourcie pour sa sortie mais le film ne connut pas non plus de succès public. (Jusqu’aux NUITS BLANCHES comprises, les cinq premiers films de Visconti n’attirèrent pas les foules)
    il est tentant de penser que la famille sicilienne Valestro se transforme dix ans plus tard en la famille Parondi du sud de l’Italie qui ayant tout perdu monte à Milan pour chercher fortune au début de Rocco et ses frères : pas mal de fils les relient
    (à suivre)

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