22 octobre 2012

Little Big Man (1970) de Arthur Penn

Little Big ManAgé de cent vingt et un ans, Jack Crabb raconte sa vie peu ordinaire dans l’Ouest américain. Recueilli par les Indiens cheyennes et élevé par leur chef, il revient ensuite parmi les Blancs… Film ambitieux, Little Big Man démystifie l’Ouest et ses grandes valeurs et prend le parti des Indiens en dénonçant les massacres qu’ils ont subis. Arthur Penn mélange les genres, alternant scènes dramatiques (parfois même révoltantes) et scènes hilarantes, le film faisant très souvent preuve d’un humour débordant. Ce mélange brillant a décuplé la portée du film. Tous les grands thèmes du western sont ainsi revisités et éborgnés mais c’est le Général Custer qui est le plus éreinté, présenté comme imbécile et vaniteux. Arthur Penn porte un regard plutôt bienveillant de la vie des Indiens cheyennes et fait implicitement un parallèle avec la guerre du Vietnam. Dustin Hoffman accomplit un véritable tour de force en interprétant le même personnage de 17 à 121 ans. Little Big Man est un film atypique, à la fois divertissant et dramatique.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Dustin Hoffman, Faye Dunaway, Chief Dan George, Martin Balsam, Richard Mulligan
Voir la fiche du film et la filmographie de Arthur Penn sur le site IMDB.

Voir les autres films de Arthur Penn chroniqués sur ce blog…

9 réflexions sur « Little Big Man (1970) de Arthur Penn »

  1. Little big man est un film assez marquant (un film dont on se souvient) qui comme vous le dites mélange bien les genres, même si le le côté comique est celui qui ressort le plus. Un des meilleurs d’Arthur Penn.

  2. La double dimension comique et dramatico-historique est parfaitement annoncée et résumée par le titre du film.

    En effet, ce dernier tourne en dérision le nom du lieu où s’est déroulée la célèbre bataille de Little Big-horn. Ce nom est en fait très logique : un « big horn » est un mouflon, tout simplement. Plus précisément, il existe une rivière Bighorn, et l’un de ses affluents a logiquement été nommée la « little bighorn », ce qui crée un apparent paradoxe — alors que c’est un procédé toponymique tout-à-fait logique et qu’il peut, de toute façon, parfaitement exister des « petits mouflons ». Ce paradoxe ne vient donc pas à l’esprit de quelqu’un qui a l’habitude de parler des big-horn, ou de la rivière ainsi nommée et de son affluent. Mais il est directement mis en lumière lorsqu’il est détourné en « Little Big Man ».

    Ainsi, ce titre crée de l’humour là où il n’y en avait pas (Little Big-horn) et tourne en dérision ce qui est, au départ pour les États-uniens, un nom dramatique puisqu’il fait référence à une sévère défaite de leur armée coloniale. Mine de rien, il fallait oser !

    —————–

    Sur le plan ethnologique, Penn ne dresse pas un tableau si « bon enfant » de la vie des Cheyennes. Il présente des traits culturels authentiques (tel l’Indien contraire) et n’hésite pas à montrer des côtés moins reluisants de la vie quotidienne amérindienne. Il est très bien documenté, ce qui renforce sa portée. Il ne s’agit pas d’une histoire naïve, mais bien d’un simple et puissant retournement de point de vue : ce pan d’histoire est présenté, grâce à la présence d’un Blanc pouvant utiliser des mots et références qui nous sont compréhensibles, du point de vue des Indiens. C’est non seulement audacieux, mais c’est très bien maîtrisé sur le plan ethnologique et historique. Et il se permet même de se moquer (affectueusement) de certains archétypes culturels amérindiens, comme dans la formidable scène (presque) finale — selon un schéma d’humour d’ailleurs très familiers des amérindiens eux-mêmes, qui ne manquent pas de relativiser leurs archétypes et leurs sages.

  3. Merci pour cet éclairage très intéressant sur le titre.

    Oui, le terme « bon enfant » n’était pas bien choisi, « bienveillant » serait plus approprié (je vais changer). Comme vous le soulignez, Little Big Man a une vraie dimension ethnologique (30 ans avant Danse avec les loups, même s’il n’en a pas la rigueur). C’est tout de même une vision assez bienveillante dans la mesure où les « aspects moins reluisants » que vous mentionnez sont vraiment peu nombreux et la vision historique qu’il nous propose n’est pas forcément la plus fidèle qui soit (par exemple, la bataille de Whashita River). Mais il fallait cela : forcer un peu le trait, jouer sur le registre de l’humour, éborgner quelques mythes et faire pencher la balance dans l’autre sens.

  4. Un western picaresque, dirais-je. Quelles que soient les louables intentions de ce film, et ses indéniables qualités cinématographiques, il faut tout de même préciser que le western n’avait pas attendu Arthur Penn et « Little Big Man » pour prendre, de manière plus ou moins explicite, le parti des « Native Americans ». Dès ses origines, le genre s’en était préoccupé. Et le regard porté sur les Indiens, au fil des oeuvres, traduit un sentiment de culpabilité de plus en plus évident de la part des White Americans. Il suffit de revoir « La Porte du Diable’ d’Anthony Mann ou « La Flèche brisée » de Delmer Daves, qui datent de 1950. Et des tas d’autres films des années cinquante (au hasard : « L’Homme de San Carlos » de Jesse Hibbs ou « Au mépris des lois » de George Sherman). De ce point de vue-là, « Little Big Man » n’est pas un film qui rompt avec une certaine tradition du western à l’écran.
    En revanche, l’extrême violence des scènes de massacres a beaucoup à voir avec la guerre du Viet-Nam. Le ton anti-belliciste, antimilitariste du film – que l’on va retrouver dans d’autres westerns comme « Soldat Bleu » voire, plus tard, « Danse avec les loups » – s’explique largement à la lumière de cette guerre atroce qui se déroulait à la même époque en Asie et dans laquelle l’armée américaine se comportait peu ou prou envers les indochinois comme la cavalerie étatsunienne s’était comportée envers les Indiens.
    « Little Big Man » fait défiler une galerie de personnages hauts en couleur, depuis Martin Balsam, le charlatan qui perd ses membres un à un, jusqu’à Richard Mulligan (frère du cinéaste Robert M.) qui ridiculise le général Custer pour l’éternité (« Les gonades, muletier, tout le mal vient des gonades. »), en passant par la nymphomane qui finira prostituée (Faye Dunaway) ou Wild Bill Hicock (Jeff Corey), etc. Cela dit, si l’on excepte l’interprétation de Custer donnée par Erroll Flynn dans le film de R. Walsh (« They died with their boots on »), qui glorifie le personnage, force est de constater que ce militaire carriériste droit dans ses bottes avait déjà été descendu de son piédestal bien avant « Little Big Man » (cf. « Fort Apache » de J. Ford ou bien « The last frontier » d’A. Mann).
    A. Penn joue à fond la carte de la truculence, de l’exagération, jusqu’à la caricature, et semble même militer pour une forme de manichéisme inversé : les Blancs sont presque tous présentés comme des ordures et les Indiens comme des êtres admirables. J’exagère à peine. « Little Big Man » ne fait pas dans la dentelle. Pour ma part, j’ai tendance à penser que « Jeremiah Johnson » de S. Pollack, postérieur de quelques années, a mieux vieilli que le film de Penn dont le parti-pris politique alourdit par endroits le récit. On n’est pas obligé de partager mon point de vue.
    J’ai longtemps cru que ce film avait porté le coup de grâce à un genre qui peinait à se renouveler et avait passablement dégénéré (cf. le western spaghetti). Je ne le crois plus du tout. Il se tourne assez peu de westerns aujourd’hui mais ceux que l’on a pu voir ces dernières années (« Appaloosa », « True Grit », « Black Thorn », « La Dernière piste »…) prouvent que le genre n’est ni moribond ni essoufflé. Encore faut-il l’envisager sans préjugés, et avec talent. Ce dont ne manquent pas les réalisateurs des quelques films précités.

  5. Merci pour cette intéressante analyse.
    Vous avez raison de rappeler que Little Big Man n’était pas le premier western à donner une bonne place au point de vue indien (ceci dit, le film d’Arthur Penn a le mérite d’avoir eu un impact bien plus grand que ses prédecesseurs).

    Pour remonter encore plus dans le temps : j’ai vu récemment un court métrage de Griffith datant de 1909, The Red Man’s View, dont le titre est je crois assez explicite… C’est un petit film assez étonnant pour son époque, et aussi venant de Griffith.

  6. Je serais assez curieux de voir ce petit film de Griffith dont vous parlez. Le problème avec ce cinéaste, et je ne dois pas être le seul dans ce cas, c’est qu’il m’a laissé une assez fâcheuse impression. « Naissance d’une Nation », en dépit de ses qualités cinématographiques, est un film qui fait quand même l’apologie du KKK (Klu-Klux-Klan) et dont le racisme, personnellement, me rebute. A partir de là, difficile d’avoir envie de regarder ses autres films. J’en ai quand même vu d’autres, d’ailleurs… On pourra toujours vanter les qualités de Leni Riefenstahl cinéaste, à mes yeux elle demeurera toujours celle qui a glorifié le nazisme à l’écran. Et ça, c’est impardonnable. Ses « Dieux du Stade », elle peut se… Bref… Je brise là car je sens que je pourrais déraper. « The Red Man’s View », dites-vous? Je prends note.

  7. Oui, je suis d’accord que le contenu de Naissance d’une Nation est nauséabond et il est difficile d’imaginer que Griffith n’ait pas partagé un tant soit peu les idées du pamphlet raciste qu’il a adapté. En revanche, il est probable qu’il ait très largement sous-estimé l’impact qu’aurait son film (c’est la première grande production américaine, il n’y avait pas de précédents).

    Maintenant, c’est le seul de ses films où il fait preuve d’un tel racisme et Naissance d’une Nation, et plus largement toute l’oeuvre de Griffith, a eu une influence de la plus haute importance sur le développement du cinéma.
    Leni Riefenstahl, en revanche, on peut s’en passer…

    J’ai fait une présentation de Red Man’s View :
    https://films.oeil-ecran.com/2012/11/12/griffith-red-man-view/

  8. Naissance d’une nation, si je me rappelle bien, est issu d’un roman qui fait l’apologie du KKK, ou au moins du suprématisme blanc, ce qui devrait clore le débat sur son aspect idéologique. Evidemment, Little Big Man en est l’antithèse et ça n’a finalement pas trop d’intérêt.
    J’ai toujours préféré le côté picaresque du film qui, lui, traverse les époques, se fiche un peu de qui est mauvais, qui est bon, tous égaux en tant que pantins, à commencer par le personnage principal. Après les années, je le revois toujours comme un jalon de mon adolescence, avec de la tendresse pour tous ces bouffons (même l’infâme Custer).
    Faye Dunawaye n’y est pas pour rien, que ne m’a-t-elle épousé ;-)!
    Bien à vous

    PS: à l’époque, le film avait sans doute un côté justicier historique galvanisant. Le picaresque l’a sauvé du temps

  9. De bons moments, mais le tout est mal fagoté, mal ficelé, hésitant dans son ton « tragico-burlesque ».
    La critique de la société US est cousue de gros film, pas vraiment crédible et clichesque à souhait (le révérend et sa femme nympho, blonde évidemment) : le film n’échappe pas à la vulgarité et provoque souvent l’ennui (l’épisode du  » pistoléro tireur d’élite » est même gênant, ridicule et pour tout dire sans intérêt).
    Seuls les passages relatant la vie chez les Indiens sont intéressants, mais cette volonté de dénigrer la société des Blancs, typique de ce cinéaste, est franchement pénible et nuit à la crédibilité du film, qui est absolument surévalué : des westerns pro-indiens, mieux faits techniquement, plus équilibrés et moins manichéens, il y en a eu des dizaines depuis l’apparition du genre, dont, au hasard, le très bon « La flèche brisée de D.Daves, 20 ans avant celui-ci.

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