6 juillet 2012

Andreï Roublev (1966) de Andreï Tarkovski

Titre original : « Andrey Rublyov »

Andreï RoublevPour évoquer la vie du peintre Andreï Roublev, Tarkovski ne pouvait se baser sur des faits historiques puisque nous ne savons rien de la vie de ce moine russe du XVe siècle. Il s’est donc attaché à retranscrire l’âme du peintre. Il le fait en huit tableaux plus un prologue (1) et un épilogue où le film passe en couleurs pour nous montrer son œuvre (2). Il nous dépeint un Andreï Roublev tourmenté par l’idée de la vengeance du Jugement dernier, refusant ainsi l’image d’un Dieu implacable et même cruel, une idée qui aidait les seigneurs de cette époque à garder les paysans en semi-esclavage. En filigrane, Tarkovski nous fait partager ses propres interrogations sur le rôle de l’artiste sous un régime totalitaire, une lecture qui n’a pas échappé aux autorités et lui valu blocages et interdictions. Pour Andreï Roublev, Dieu ne peut qu’insuffler l’amour et ne peut que s’opposer à la cruauté omniprésente dans cette société du XVe siècle. Le film est superbe aussi dans sa forme, assez proche du cinéma d’Eisenstein. Certaines scènes sont d’une rare ampleur ; de nombreux plans sont superbes. Empreint d’un grand mysticisme, Andreï Roublev est un très beau film, puissant, profond et doté d’une grande énergie. (Film de 3h03)
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Anatoliy Solonitsyn, Ivan Lapikov, Nikolay Grinko, Nikolai Sergeyev
Voir la fiche du film et la filmographie de Andreï Tarkovski sur le site IMDB.
Voir les autres films de Andreï Tarkovski chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Andreï Roublev Le scénario a été cosigné par Andreï Tarkovski et Andreï Konchalovsky.

(1) Le prologue reprend l’idée que le ballon à air chaud aurait été inventé en Russie bien avant les frères Montgolfier. Sauf que cette théorie attribue l’invention à Furvin Kryakutnoi en l’an 1731. Tarkovski va donc encore plus loin en créant une invention encore antérieure, au XVe siècle.
(2) Les icones montrées dans l’épilogue ne sont pas toutes d’Andreï Roublev mais datent toutes de son époque.

2 réflexions sur « Andreï Roublev (1966) de Andreï Tarkovski »

  1. BIOPIC à la TARKOVSKI
    Tout à fait raccord avec Lui. Je viens d’avoir la chance de voir le film sur grand écran (tournage en Scope) et en copie restaurée. Ecrire que le scénario fut écrit en 63, tourné dans des décors naturels en 65/66, montré à Cannes en 69 (il rate la palme d’or – surtout que cette année là Luchino visconti en est le président – puisqu’il ne figure pas dans la compétition), interdit en URSS puis sort enfin à Moscou en 71 après de longues tergiversations et coupures. La version que nous connaissons – version internationale de 3h05 – fait 20 minutes de moins que la version russe pourtant coupée, c’est tout dire qu’il nous manque des images!
    Du moine Andrei Roublev on sait peu de choses, pas même les dates de naissance et de mort, de même qu’on hésite sur les oeuvres à lui attribuer, mais une seule oeuvre au XV° siècle suffit à faire de lui le grand peintre d’icones russes : La Trinité, devenue une sorte de Joconde de l’art de l’icône.
    C’est dire que Tarkovski invente largement sa vie sous formes d’épisodes séparés formant un biopic mystique et emporté à l’image de son personnage, souvent témoin de ce qui se passe. Première constatation : Roublev ne peint pas, renonce à peindre devant le spectacle du mal et de la misère qui le forcera même à commettre un crime,il fait alors aussi voeu de silence. Il renonce à son talent (tout comme Alexandre dans Le sacrifice, par voeu devant un état du monde, renoncera aussi aux siens et à ses biens). On retrouve le personnage de l’artiste dans l’épreuve de la solitude et le questionnement à son art (c’est aussi dans Nostalghia, le premier film d’exil en Europe). On peut lier des parallèles avec la vie et l’oeuvre du cinéaste. On peut songer à un état proche de la folie (il y a aussi un fou dans Nostalghia qui s’immole par le feu)
    On reste admiratif devant cette saga, deuxième film de Tarkovski, qui – une fois n’est pas coutume – bénéficie d’un « happy end » (Roublev retrouvera la force et le goût à reparler et repeindre à la suite du dernier épisode) et d’une dernière bobine en couleurs (le film est en noir et blanc) sur l’oeuvre artistique de sa vie

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