18 décembre 2011

Lola Montès (1955) de Max Ophüls

Lola MontèsSous un chapiteau géant, un cirque reconstitue la vie scandaleuse de Lola Montès avec la présence de la comtesse en personne, en pleine déchéance, livrée en pâture au public… Le dernier film de Max Ophuls a divisé dès sa sortie et continue de diviser aujourd’hui. Max Ophuls a fait des choix audacieux : désirant dénoncer la glorification du spectacle dans notre société, il donne à son film une structure étonnante en le construisant autour d’un spectacle de cirque méprisable et odieux. Sur ce plan, il a réussi puisque c’est effectivement absolument insupportable. Il nous reste donc les flashbacks sur la vie de Lola Montès où le réalisateur nous livre une image parfaite, rehaussée de couleurs superbes avec une maîtrise remarquable de la caméra. Hélas, l’histoire ne captive guère, Martine Carol n’est à aucun moment le personnage de grande courtisane qu’elle devrait être, sensation accentuée par un doublage / postsynchronisation qui nivelle son jeu et celui des autres acteurs (défaut inhérent aux superproductions européennes). Après une sortie catastrophique, le film avait été mutilé par les producteurs. Il faut saluer le travail de la Cinémathèque Française qui a restauré magnifiquement ce film pour le ressortir fin 2008 dans une version la plus proche possible de celle que désirait le réalisateur.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Martine Carol, Peter Ustinov, Anton Walbrook, Paulette Dubost, Oskar Werner, Will Quadflieg
Voir la fiche du film et la filmographie de Max Ophüls sur le site IMDB.
Voir les autres films de Max Ophüls chroniqués sur ce blog…

Remarques :
>> Voir le site particulièrement intéressant créé par la Cinémathèque Française pour la ressortie de Lola Montès : http://lolamontes.cinematheque.fr/

3 réflexions sur « Lola Montès (1955) de Max Ophüls »

  1. LE SAUT DANS LE VIDE
    « Plus haut Lola, toujours plus haut! »
    Me voici au bout d’Ophuls qui ne tournera plus, il a pourtant plein de projets, mais le destin en décide autrement, il va mourir comme va mourir son personnage et son interprète. Les qualités du film qui ont rebuté les spectateurs d’origine depuis décembre 1955 sont tellement indéniables qu’on peut se poser beaucoup de questions. Les réussites les plus « visibles » sont d’une part la construction déconstruite du récit (plutôt qu’un récit chronologique à tendance psychologique classique sans heurts pour le spectateur, ce qui a été fait ensuite lorsque le film fut charcuté par les marchands du temple), choix qui s’explique d’autant mieux que Lola est condamnée chaque soir à revivre pour le public de la tournée du méga cirque américain où on l’exhibe, par pantomimes, les épisodes de sa vie d’avant, de quand elle était jeune, belle, amoureuse, scandaleuse, sans souci d’argent, célèbre. De l’ordre de la déchéance présente à la splendeur passée, saisissant effet de contraste (repris dans la première version du Ludwig de Visconti qui lui aussi sera remanié et remonté chronologiquement devant la déroute du public), et d’autre part l’emploi impressionnant du CinémaScope couleurs (premier essai d’Ophuls en la matière et encore peu travaillé en France de cette manière) dans une violence chromatique des images et un sens du spectacle baroque étonnant. Ensuite vient le choix discuté de Martine Carol, blonde poupée du cinéma français, ici métamorphosée brune, perdue, hiératique, malade, au bout du rouleau. Si on peine à l’accepter en adolescente du premier flash-back alors que l’actrice a 35 ans (même ridicule qu’on éprouve face à Joan Fontaine dans la même situation dans Lettre d’une inconnue), elle est parfaitement convaincante dans les scènes du « présent » auxquelles le film revient sans arrêt et où elle arbore un masque mortuaire. Plus subtilement, tandis que se rejouent chaque soir les épisodes anciens dans une réalité déformée (vie privée/vie publique, la gloire et la chute), le film les présente alors comme un défilé d’images mentales sorties du cerveau de Lola et ouvre une réflexion sur la fonction/relation du metteur en scène et de l’interprète, et de la ré-interprétation du réel par l’illusion (le modèle et le créateur / la frontière des limites à franchir)
    Lola/Martine, un phénomène de foire qui n’est pas sans rappeler le célèbre prologue de la Lulu de Wedekind repris dans l’opéra de Berg par le personnage du dompteur du cirque (déjà!) : « Entrez dans la ménagerie mesdames et messieurs, venez voir la créature sans âme domptée par le génie de l’homme, la sauvage et belle bête, vous ne la verrez que chez moi. elle a été créée pour faire le malheur, attirer, séduire, empoisonner. Pour l’instant il n’y a rien à voir de spécial, mais attendez ce qui va se passer tout à l’heure. Savez vous le nom de cette bête féroce? Entrez cher public il ne vous en coûtera que très peu »
    « Plus haut Lola, toujours plus haut »
    Rideau!

  2. Merci bien pour votre commentaire qui vient contrebalancer mon manque d’enthousiasme… Vos récents commentaires sur les films d’Ophüls sont intéressants car ils poussent (du moins en ce qui me concerne) à porter un autre regard sur eux.

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