8 novembre 2010

Octobre (1928) de Sergueï Eisenstein

Titre original : « Oktyabr »

OctobreLui :
(Film muet) Octobre, le troisième film de Sergueï Eisenstein, a été tourné au pas de charge : pour être prêt pour le jour du 10e anniversaire de la Révolution de 1917, il lui a fallu tourner en 6 mois ce qui aurait dû en nécessiter 18. Il eut cependant tous les moyens pour honorer cette commande du gouvernement soviétique : 11000 figurants, le Palais d’Hiver pour lui seul et Leningrad fut même plongé dans le noir certains jours afin qu’il puisse avoir toute l’électricité pour ses projecteurs. Le film raconte les évènements de 1917 à Saint-Pétersbourg (Leningrad) qui aboutissent à la prise du Palais d’Hiver et au renversement du gouvernement provisoire. Eisenstein ne voulait aucun acteur professionnel ; Maxime Strauch raconte comment il a été écumer les bars et les asiles pour trouver des « types ». Par rapport au Cuirassé Potemkine, Eisenstein utilise toutefois beaucoup moins les gros plans de visages et laisse une bonne place aux plans larges. Ce qui est remarquable, c’est le mouvement qu’il parvient à donner à ses plans larges, notamment dans la première partie sur les manifestations de juillet. L’impression de mouvement est forte et constante : non seulement, le montage est très rapide, une succession de plans très courts, mais encore ses mouvements de foule sont particulièrement spectaculaires car ils semblent composés d’une multitude de sous-mouvements (par exemple, la dispersion de la manifestation, le départ des troupes, etc…) Octobre Mais le point le plus original d’Octobre reste l’utilisation d’images d’objets ou de séquences pour créer des métaphores (1). Ce point lui valut d’être mal compris du public et le film fut moins bien reçu que Potemkine. Le film eut aussi pour effet de contribuer à faire évoluer (ou, devrait-on plutôt dire, régresser) la vision des dirigeants soviétiques sur le cinéma : fait pour les masses, il devra éviter de chercher l’esthétisme et rester à l’écart de tout intellectualisme. Cette perte de liberté sera fatale. Octobre reste un film passionnant à regarder aujourd’hui, pour la force, le mouvement et l’esthétisme de ses images.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Vladimir Popov, Vasili Nikandrov
Voir la fiche du film et la filmographie de Sergueï Eisenstein sur le site IMDB.
Voir les autres films de Sergueï Eisenstein chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Le film a par la suite été sonorisé (ajout d’effets sonores) par Grigori Alexandrov, coscénariste et assistant-réalisateur. La musique a été composée par Chostakovitch. Le film est ressorti dans cette version en 1966.
* L’autre film commandé par le gouvernement soviétique pour le 10e anniversaire de la Révolution d’Octobre est La fin de Saint-Pétersbourg (1927) de Vsevolod Poudovkine. Il est bien entendu passionnant de comparer les deux films, puisqu’ils traitent du même sujet.
* Pour leur scénario, Eisenstein et Alexandrov ont pris comme base de départ le livre de l’américain John Reed Dix jours qui ébranlèrent le monde.

(1) Eisenstein utilise des associations d’images pour faire passer une idée, forme que l’on a nommée « le montage intellectuel ». Par exemple, pour montrer que Kerensky cumulait tous les postes du gouvernement provisoire, il le montre plusieurs fois gravissant le même escalier du palais en énumérant ses différentes fonctions. Ou encore, pour montrer son caractère orgueilleux, il entrecoupe plusieurs fois un plan de Kerensky avec une statue de paon.
(2) La première version montrée le 7 novembre 1927 pour le 10e anniversaire de la Révolution durait 140 minutes environ (3800m). A cette époque, Staline commençait à écarter Trotsky pour accaparer tous les pouvoirs et donc Eisenstein dut opérer de nombreuses coupes de scènes où apparaissait Trotsky (toutefois, Stéphane Bouquet souligne dans son livre sur Eisenstein que l’on n’a pas de preuve absolue sur ce point). Les versions les plus connues actuellement oscillent entre 95 mn (USA) et 99/104 mn (Europe). Le site internet IMDB mentionne l’existence d’une version restaurée en 2007 de 142 mn, sans préciser quelles sont ces scènes additionnelles (seraient-elles les scènes coupées par Eisenstein ?)

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