3 août 2008

Casablanca (1942) de Michael Curtiz

CasablancaSi Casablanca est maintenant considéré comme un classique du cinéma et l’un des films les plus aimés par les américains, on peut dire qu’il revient de loin. Le scénario eut bien du mal à trouver preneur : cette histoire de personnes fuyant la guerre et se retrouvant bloqués à Casablanca était tout d’abord destinée à n’être qu’une production moyenne avec Ronald Reagan et Ann Sheridan. Si Humphrey Bogart fut rapidement pressenti, ce n’est qu’après avoir européanisé l’héroïne qu’Ingrid Bergman fut choisie. Ni l’un, ni l’autre n’étaient alors de grandes stars… Même la fameuse chanson « As time goes by », devenue l’emblème du film, revient de loin, elle aussi : elle n’était que provisoire et devait être remplacée par une autre chanson ; si elle est restée, ce n’est que parce que la scène ne put être retournée, Ingrid Bergman s’étant coupé les cheveux un peu prématurément (1)… Le scénario fut bricolé, modifié au jour le jour. Dans son autobiographie, Ingrid Bergman décrit les conditions de tournage comme étant désastreuses, tout le monde travaillant dans le vague. Elle dit avoir à peine fait la connaissance d’Humphrey Bogart que ces conditions de travail rendaient fou et qui s’isolait dans sa loge. Tous les acteurs étaient très tendus.

Et pourtant, de cette apparente confusion a émergé un film qui trouve un équilibre parfait entre une superbe histoire d’amour et le drame de la guerre qui se rapproche. Malgré les extérieurs de carton-pâte, on se croit parfaitement à Casablanca (en revanche, les scènes du flash-back à Paris sont franchement ratées et relèvent du plus mauvais Hollywood). Michael Curtiz a su créer une ambiance parfaite, jouant beaucoup avec la lumière à la fois sur les décors et sur les personnages (les gros plans d’Ingrid Bergman sont fabuleux). Le film est parsemé de scènes assez fortes, s’appuyant sur de très beaux seconds rôles. Et il y a bien entendu cette histoire d’amour, l’une des plus belles du cinéma, l’amour fidèle et atemporel, celui qui vous arrache des larmes. Cette femme, écartelée par son amour profond pour deux hommes, est parfaitement interprétée par Ingrid Bergman et le fait que l’actrice était déboussolée pendant le tournage y a probablement contribué (2).

Casablanca
Rick : « If that plane leaves the ground and you’re not with him, you’ll regret it. Maybe not today. Maybe not tomorrow, but soon and for the rest of your life. »

Et, bien entendu, Casablanca repose beaucoup sur un Humphrey Bogart magistral qui n’est pas étranger au succès que le film a connu dès sa sortie : dans ce personnage dur mais intègre, libre et refusant de plier sous le joug, toute l’Amérique de 1943 s’est reconnue, une Amérique qui s’apprêtait alors à intervenir plus activement en Europe. Son personnage fonctionne tout aussi bien encore maintenant d’ailleurs. Et il y a cette scène finale, mythique (3), avec cette tirade émouvante et déchirante de Bogart qui renvoie Ingrid Bergman vers son rival. Oui, c’est bien l’une des plus belles fins de cinéma.

Si, techniquement parlant, ce n’est pas le plus grand film de l’histoire du cinéma et s’il faut bien reconnaître qu’il souffre d’imprécisions, ne boudons pas notre plaisir : 65 ans après son tournage, la magie de Casablanca est bel et bien toujours là. Elle semble être, elle aussi, atemporelle.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Ingrid Bergman, Paul Henreid, Claude Rains, Sydney Greenstreet, Peter Lorre
Voir la fiche du film et la filmographie de Michael Curtiz sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Michael Curtiz chroniqués sur ce blog…

(1) Dès le lendemain du dernier jour de tournage de Casablanca, Ingrid Bergman s’est coupé les cheveux : elle devait tourner un essai pour le rôle de Maria dans « Pour qui sonne le glas », un rôle qui lui tenait bien plus à cœur.

(2) Dans son autobiographie « Ma Vie », elle rapporte : « Je ne cessais de demander de qui je devais être amoureuse : de Paul Henreid ou de Humphrey Bogart ? Quand je posais la question, Curtiz me répondait : On ne sait pas encore… joue entre les deux ! »

(3) Woody Allen rend un amusant hommage à Casablanca en débutant son film Play it again Sam (1972) par la scène finale de Casablanca. De plus, Play it again Sam est bien entendu cette phrase célèbre de Bogart au pianiste du Rick’s Café (phrase qu’il ne prononce pas d’ailleurs… en réalité il dit « If she can stand it, I can! Play it! » mais certains mythes ont la vie dure…)

Casablanca
Humphrey Bogart, Claude Rains, Paul Henreid et Ingrid Bergman dans Casablanca.

14 réflexions sur « Casablanca (1942) de Michael Curtiz »

  1. Un grand classique qu’il faut absolument que je m’offre !!! Merci de m’en (re)donner l’envie ! Je crois que la fin est aussi montrée dans « Chat noir chat blanc » d’Emir Kusturica, non ?

    Dites, je pense à une chose: je lis votre blog avec relative assiduité. Puis-je, un jour prochain, soumettre le mien à vos regards avertis ?

    Bonne soirée et merci pour toutes ces chroniques. Celle-là est vraiment excellente, à la fois critique et informative ! Bravo !

  2. Effectivement, dans Chat Noir Chat Blanc, on voit plusieurs fois le vieux mafieux regarder la scène finale…

    Merci pour vos commentaires. Oui, il ne faut pas hésiter à donner l’adresse de votre blog…

  3. 🙂
    A ce propos, il me semble avoir lu quelque part que la (ultra célèbre) phrase finale
    « Louis, I think this is the beginning of a beautiful friendship. »
    serait absente de la version doublée en français…

  4. bonne question. apres verif c’est exact. elle a disparu. De toute façon la version fr n’est pas terrible. Chose bizarre, la version US se termine par la Marseillaise et la Française par l’hymne US

  5. :-))))
    Incroyable…
    Je ne pensais pas qu’ils pouvaient ainsi changer les musiques dans les versions doublées. Quoique… quand on pense qu’ils changent parfois le scénario (comme dans le Port de la Drogue)…

  6. Petite précision, si vous le voulez bien : la version française se termine également par la Marseillaise, mais elle vire dans les dernières mesures vers une musique qui n’est pas l’hymne national américain, mais « Anchors Aweigh » qui est celui de l’US Navy…

  7. Et si je ne m’abuse, concernant Play it again Sam, la dernière scène est une reprise quasi intégrale de la dernière de Casablanca (du reste on voit la scène dans le film, lorsque Woody Allen va rerererererererererevoir Casablanca au cinéma). Mais tout cela est du chipotage devant l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma. Je me souviens distinctement, étant ado, de m’être assis un soir devant la TV faute de mieux, plein de préjugés négatifs à l’égard de cette guimauve hollywoodienne. A la fin du film, j’avais définitivement changé d’opinion sur Hollywood et Bogart ;o)

  8. Petite anecdote en marge de ce film : la chanteuse Sonia Dornier était fascinée par « Casablanca » et s’est souvenue du nom du personnage interprété par Paul Heinreid : elle est aujourd’hui connue sous le pseudonyme de Viktor Lazlo…

  9. Humphrey Bogart, ou « Bogie », représente le vrai, le grand, l’unique cinéma .

    Ce génie a su inventer un style, confondre réalité et fiction, personnalité et composition . Cynique et tendre à la fois, fragile et acerbe, vertueux et tourmenté, désinvolte et victorieux . L’homme aux multiples facettes marque l’écran de son éternelle empreinte de légende du septième art, coiffé de son feutre de privé et de son mythique imperméable, nimbé de l’épaisse fumée de ses cigarettes , cisaillant la partition de son jeu par ses répliques flamboyantes , acides et tranchantes .

    Bogie se fond dans la noirceur crépusculaire de ses films, et pourtant rayonne de toute son aura .

    Telle est la vision que retiendront les générations futures de ce héros au sens noble du terme , de ce chevalier adoubé par les plus prestigieuses lignées de critiques et de spectateurs, marqués au fer rouge par son talent . Bogie est éternel, laissant à son public des films cultes sanctifiés tels que :

    « La faucon maltais », « Casablanca », ou encore « Le grand sommeil » ……

    Ce que représente Humphrey Bogart pour moi ?
    L’absolu de cet art que l’on nomme cinéma .

    Florian Defontaine .

  10. A Lyon, le film est projeté toute cette semaine sur grand écran à l’Institut Lumière (jusqu’au 30 avril). A ne pas rater !

  11. Très déçu.
    Ambiance carton-pâte à souhait (mauvaise reconstitution).
    Histoire d’amour inintéressante et cul-cul au possible (on n’y croit pas une seconde). Bogard, de plus, n’est pas glamour pour un sou !
    Clichés à tous les étages : Français patriotes (ah, ah !) et Allemands Très Très Méchants (Ac’h !). Cette Marseillaise, par exemple, est bien ridicule !!!
    Franchement !

  12. « Casablanca repose beaucoup sur un Humphrey Bogart magistral qui n’est pas étranger au succès que le film a connu dès sa sortie » Non ce n’est pas tout à fait vrai ! On sait que Bogart sous contrat avec la Warner Bros fut obligé de se soumettre au code de Jack Warner avec Michael Curtis, ensuite Hawks avec lesquels, il ne s’entendait pas du tout pour faire soit des suites à Casablanca, soit des dérivés ou préquels à Casablanca… Aucun avait eu de succès à Casablanca. Non ce film, doit une grande partie à son homogénéité de toute un casting européen et sa star féminine de l’époque, Ingrid Bergman, et de la chanson chantée par Douley Wilson. Cette dernière n’a jamais compris le succès du film Casablanca. Bogart disait en parlant de Casablanca « Je suis devenu un sex-symbol pour le public, quand elle arrivait avec un visage lumineux dans une pièce ». Il parlait de sa partenaire.

  13. On a beaucoup écrit pour tenter d’expliquer le succès de Casablanca, beaucoup de pistes et d’hypothèses ont été lancées sans qu’aucune ne ressorte avec une évidence suffisante. Le succès d’un film garde parfois une part de mystère, une combinaison le plus souvent non-reproductible d’éléments favorables…
    Oui, il est vrai qu’Ingrid Bergman n’a jamais compris le succès de Casablanca. Il serait peut-être même plus exact de dire « jamais accepté »… Le mépris qu’elle affiche pour ce film dans ses mémoires est presque un peu agaçant. Elle aurait tant préféré laisser une trace profonde avec un rôle comme Jeanne d’Arc, rôle qu’elle a si longtemps attendu.

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