5 février 2006

« La Dolce Vita » (1960) de Federico Fellini

Titre français : « La douceur de vivre »

La dolce vitaElle :
J’ai bien aimé la première partie de ce film que je revois vingt ans plus tard. On suit le séduisant Mastroianni dans ses virées nocturnes au cœur de la bourgeoisie intellectuelle romaine. La rencontre avec la belle américaine (Anita Ekberg) fera date avec le bain dans la fontaine de Trévise. Mais ce n’est pas un simple voyage d’agrément pour Fellini. Il pointe le doigt sur le déclin de la société italienne. Il fait le portrait cruel et ironique d’une certaine caste intellectuelle riche, oisive et stupide mais également celui des catholiques. Les plans et portraits noir et blanc sont de toute beauté. Les personnages sont caricaturés et provocateurs. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, ce genre de film était quasiment censuré dans l’Italie catholique conservatrice de l’époque. Cependant, j’ai trouvé le film trop long (3h). Cette observation de la déchéance de ces gens finit par être lassante dans la deuxième partie.
Note : 4 étoiles

Lui :
La dolce vita Ce film de Fellini, aussi grandiose et merveilleusement provocateur qu’il pouvait nous paraître il y a 20 ou 30 ans, souffre un peu d’être revu avec tout le recul que l’on peut avoir maintenant. Le regard qu’il porte sur cette faune romaine riche et oisive est tout de même un peu trop appuyé et le film se révèle assez long. Les différents tableaux (c’est presque un film à sketches) sont assez inégaux. Il n’en reste pas moins que certaines scènes sont marquantes, assez mémorables et impérissables. C’est un film que j’ai vu de nombreuses fois par le passé et je suis un peu surpris de beaucoup moins l’apprécier aujourd’hui.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Marcello Mastroianni, Anita Ekberg, Anouk Aimée, Yvonne Furneaux, Magali Noël, Alain Cuny
Voir la fiche du film et la filmographie de Federico Fellini sur le site IMDB.

Voir les autres films de Federico Fellini chroniqués sur ce blog…

5 réflexions sur « « La Dolce Vita » (1960) de Federico Fellini »

  1. Madame, il y a des films qui ont besoin de « longueur », qui ont besoin d’une certaine durée pour parvenir à leur fin. La dolce vita a la durée qu’il fallait. Fellini était un dieu pour cela. Eustache aussi dans un tout autre genre : la durée de leur film semble être exactement celle qu’il fallait pour que leur message trouve son support le plus adéquat.

    Mario Monicelli

  2. Les déambulations d’un Don juan dans les soirées de la jet set romaine. Portraits de femmes séduites par l’élégant italien, irrésistible et tragique dans cette quête éperdue d’un conquête qui n’existe pas. Marcello Mastroianni, séducteur sophistiqué, noctambule invétéré, passe d’une femme à l’autre, au gré des rencontres mondaines, des fêtes romaines, s’échouant au petit matin sur une plage déserte, épuisé par les vapeurs éthyliques. Un des plus beaux films de Fellini, variation légère et profonde sur le sens de l’existence.
    Merci Marcello !

  3. LA CHUTE DE L’EMPIRE ROMAIN

    Lorsqu’il tourne en 1959 – il y a exactement 60 ans – son septième film et demi en Scope noir et blanc, Fellini, déjà mondialement reconnu par son oeuvre et sa position post néo-réaliste, ne se doute pas que celui-ci fera l’effet d’une bombe et le propagera au sommet l’année suivante. Lorsqu’il tourne un peu partout dans Rome, cadre du film et studio à ciel ouvert, il se voit contraint, face à la recrudescence des badauds chaque jour et chaque nuit, de se replier dans les studios de Cinecitta pour continuer le tournage « en paix » et régner sans partage sur son monde, formule qu’il appliquera désormais à tous ses autres films. Il y fait donc recréer la via Veneto, entre autres, plus vraie que nature
    On peut dire que La dolce vita est le film charnière dans l’oeuvre du maestro, c’est à la fois le dernier d’une ancienne manière de filmer, et le premier d’une nouvelle, le « film fresque » sans début, sans narration à développement, sans fin, composé d’une succession de séquences plus ou moins longues apparemment sans lien et pourtant reliées par un fil rouge, ici le personnage de « Marcello » dont on a dit qu’il pouvait être l’alter ego du cinéaste, sans doute en partie, première rencontre avec l’acteur Mastroianni dont il garde le prénom. Une forme où chaque séquence, chaque fragment devient un film en soi. C’est aussi le film à partir duquel des personnages, souvent des figurants, des gueules et des corps, s’adressent visuellement à la caméra, signalant leur présence dans le cirque fellinien. On peut employer le qualificatif de cirque à prendre au propre comme au figuré. On constate l’abandon du récit linéaire classique au profit de la mosaique de fragments qui va faire tout le prix de ce cinéma à la forme déstructurée dont on reconnaîtra aussitôt la griffe « fellinienne », adjectif qu’on va désormais employer, tout comme l’expression de dolce vita qui entre dans le langage courant de l’époque. Ici, la durée du film (trois heures) amplifie toutes ces notions
    Beaucoup des « morceaux » de La dolce vita sont devenus des scènes anthologiques, et s’il fallait en garder une, pour moi ce serait celle à la fois sensuelle et comme hors du temps, d’Anita plongée, grande robe noire bustier et cheveux blonds et longs ruisselants, dans la fontaine de Trevi à la notte invitant Marcello à la rejoindre « Marcello, vieni qui! », et soudain le son s’arrête, serait-ce un rêve?

    Soit donc un jeune journaliste chroniqueur mondain pour torchon à scandales dans un milieu frivole, à la recherche du scoop, flanqué de son copain photographe Paparazzo pour illustrer les articles. Marcello est un provincial installé à Rome (sans doute le prolongement du seul personnage des Vitelloni qui a le courage de fuir les siens et sa petite ville à la fin du film (Rimini, la ville de naissance de Fellini) et qui aspirait à autre chose
    C’est un film déambulatoire comme il est écrit si justement et avec le spleen qui convient dans le commentaire précédent du mien. La foule de personnages croisés, mélange de célébrités et d’inconnus et l’attention qui leur est portée, font du film une sorte de superproduction à la direction d’acteurs et de figurants très sure
    Marcello, derrière ses lunettes noires de noctambule invétéré, est davantage témoin qu’acteur, détaché, amusé, séduit, ému, puis fatigué, interloqué, perplexe devant toutes les turpitudes de cette décadence et les affres existentielles des uns et des autres, des amis, des inconnus, comme des femmes aimées ou désirées, une société du paraître, pourrie de l’intérieur, où l’univers est de plus en plus désespéré
    Même si Federico, ce grand menteur, comme il aimait à le dire, termine son film sur le visage lumineux de la jeune fille pure rencontrée sur la plage d’Ostie, image recouverte par le son du vent et des vagues qui emportent tout, rêves, illusions, années, désespoirs, beauté sauvant le monde
    Avec la Dolce vita, Fellini entre dans la modernité de son cinéma

  4. La scène finale sur la plage d’Ostie, reposant sur un art très sûr du contraste, est magnifique. Paola, la jeune fille pure issu d’un milieu modeste, est comme une apparition surgie dans le matin ensoleillé. Elle fait signe avec enthousiasme, depuis la rive opposée d’un mince bras de mer, à Marcello, mais celui-ci semble ne pas la reconnaître. L’esprit de Marcello reste plongé dans la nuit orgiaque des heures précédentes. Le journaliste s’est laissé emporté définitivement par l’atmosphère de veulerie du milieu privilégié et décadent qu’il fréquente. Le regard fatigué, il adresse à Paola un geste exprimant son incompréhension et se retourne pour suivre les femmes corrompues et lassées de tout, qui errent avec lui sur la plage. Nous voyons s’éloigner cet homme qui n’a plus accès à la simplicité des choses. Paola est sur « l’autre rive ». Elle voulait rappeler (ses gestes sont éloquents) au journaliste qu’il avait promis de lui apprendre à taper à la machine. Sans manifester de déception, elle se tourne vers le spectateur. Le film se termine sur un gros plan de son visage radieux.

  5. J’ai récemment revu ce film à la cinémathèque sur grand écran dans une copie restaurée et cette expérience aide à comprendre le choc que ce film a du être pour le spectateur du début des années 60 .Après ses premiers opus, Fellini commence à donner de l’ampleur à ses films ; dans le temps avec les trois heures que durent le film, par le nombre de personnages secondaires, par la largeur du scope de l’écran . Et pour un film qui n’est pas un film d’action ou une épopée , on a la plupart du temps l’impression d’une agitation perpétuelle et d’un bouillonnement incessant. Dans certaines scènes ,bien que ce soit impeccablement réglé, il y a tellement de mouvement qu’avec l’écran large l’œil n’a pas le temps de saisir tout ce qui se passe dans le plan ( les scènes de l’aéroport, des enfants miraculés, la fête finale ) Après ses films précédents , Fellini continue à batir son univers personnel , autant formel que thématique et phantasmé, mais en se nourrissant toujours de l’Italie , ici, la vie romaine alors en plein « boom » économique : on voit les fêtes dans les somptueux palais de l’aristocratie ancienne ou les villas modernes de producteurs enrichis, les virées nocturnes d’acteurs américains participant aux péplums de Cinecitta et tout le petit monde de parasites gravitant autour de la fortune. Le monde de  » la dolce vita » c’est toute une galerie de fêtards internationaux, de mannequins et de riches qui s’ennuient. Mais la Triumph de Mastroianni l’amène aussi dans des banlieues ou poussent les HLM, après les accents américains et français on entends les expressions de dialecte romain ou sicilien des prostituées . lui même semble habiter dans un appartement quasi désert avec une femme dépressive : l’envers du décor ?
    En tout cas un film marquant , un vrai phénomène en lui même comme par son pouvoir a crée un imaginaire collectif autour de lui : Anita Ekberg et la fontaine de Trevi, les photographes en Vespa, le personnage pourtant secondaire Paparazzo devenant un nom commun universel du langage courant…Immense .

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